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21/03/2005

Pudenda origo

« A quoi bon cet étalage de raisons ? A quoi bon démontrer ? Envers les autres, on avait l'autorité ; on commandait ; cela suffisait. Entre soi, inter pares, on avait l'ascendance, une autorité, elle aussi ; et, en fin de compte, on s'entendait. Il n'y avait pas de place pour la dialectique. Et même on se défiait de pareille exposition de ses arguments. Les raisons des choses honnêtes ne sont pas à découvert de la sorte. » (Nietzsche)

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Chez Hegel, il est clair que la répression est une composante fondamentale de la civilisation en tant que telle. Notons : pas l'oppression. Le maître qui éduque et fait de moi un être civilisé n'est pas despotique. Il s'avère être bien plutôt le type même du dresseur subtil, le tyran à la manière grecque, un Pisistrate contraignant les Athéniens à vivre selon les lois de Solon. Ce n'est que l'apprentissage de l'Universel, de la "liberté" en somme. Puis, la crainte et les tremblements, trop voyants, disparaissent dans l'obéissance :

« Grâce à la tyrannie est obtenue l'aliénation immédiate de la volonté singulière effective - cette formation à l'obéissance. Du fait de celle-ci, qui [nous apprend] à connaître l'Universel plutôt que les volontés réelles, la tyrannie est devenue superflue, le règne de la Loi est advenu. Le pouvoir qu'exerce le tyran est le pouvoir de la Loi en soi ; grâce à l'obéissance, ce n'est plus un pouvoir étranger, mais la volonté connue comme universel. On dit que la tyrannie est renversée par les peuples parce qu'elle serait exécrable, infâme, etc. En réalité, c'est tout simplement parce qu'elle est superflue. » (Hegel, Realphilosophie).

Le pouvoir despotique a le tort de ne pas laisser oublier à celui qui le subit la violence qui lui est faite. Hegel donc, lui reproche non d'user de violence mais la nécessité dans laquelle il se trouve d'avoir à l'exercer continûment. Au moindre fléchissement de la puissance de ce joug surgit sans coup férir la revendication libertaire. Que faire ? C'est tout le sel de la naissance de l'Etat. Son secret consiste à pousser la répression jusqu'au point où, au sein de l'esprit des sujets, toute idée de résistance devienne inconcevable. Ce qui se dit aussi : devenir raisonnable. Ce projet, pour devenir réalité, nécessita néanmoins une débauche de créativité. De cette spiritualisation, on pourra en savoir gré, par exemple, à un Caligula qui, a-t-on dit, prostituait les épouses des sénateurs pour renflouer les caisses de l'Etat.

Ainsi « la toute-puissance de l'empereur efface[-t-elle] les différences entre les hommes libres et les esclaves. » Enfin l'homme en tant qu'homme devient un concept pensable ! « La subjectivité, qui a saisi sa valeur infinie, a renoncé par là à toutes les différences qui tiennent à la souveraineté, au pouvoir, à la classe et même au sexe : devant tous les dieux, tous les hommes sont égaux. » (Ph. Rel., XVI).

Ô fantastique Bildung ! Que la Raison de Hegel vogue et ruse au gré de son histoire. Celle-ci n'est jamais que celle des raisons que les sujets se firent pour rendre leur servitude tolérable.

 

 

 

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