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04/11/2005

In memoriam : Gilles Deleuze

« Silent... leges inter arma. » (Cicéron)

 

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« C'est en ce sens que l'amor fati ne fait qu'un avec le combat des hommes libres. » (Deleuze)

 

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« Oui, Deleuze aura été notre grand physicien, il aura contemplé pour nous le feu des étoiles, sondé le chaos, pris mesure de la vie inorganique, immergé nos maigres trajectoires dans l'immensité du virtuel. » (Badiou)

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Il y a tout juste dix ans, le 4 novembre 1995, Gilles Deleuze se défenestrait. Il avait soixante-dix ans. En 1969, après avoir mis un point final à sa thèse (publiée sous le titre de Différence et répétition), il est hospitalisé d'urgence. On le découvre tuberculeux et l'on procède à l'ablation d'un de ses poumons. Sa santé se dégrade lentement au fil des années et la fin de sa vie est placée sous la dépendance d'une machine : un respirateur artificiel.

Il est évident que la question du suicide de Gilles Deleuze reste un problème qui, de plein droit, fait partie de sa philosophie elle-même. En effet, en passant outre l'interdit spinoziste, il choisira de se retirer de la scène à l'instant de son choix : c'est bien le stoïcisme que ce philosophe vitaliste a choisi face aux forces composées qui s'appropriaient les parties extensives subsumées sous son essence de mode. Mais peut-être la question de sa dernière philosophie s'avère-t-elle, en ces termes, mal posée. Maurice de Gandillac, son directeur de thèse, ne soulignait-il pas le nietzschéisme viscéral et l'intérêt profond de son étudiant pour les doxographies de Diogène Laërce ? En effet, Deleuze, derrière chaque système philosophique, et ce, dès ses années d'études à la Sorbonne, recherchait le philosophe en tant qu'individu. Quel corps ? Quelle pensée ? Chaque philosophie est une évaluation vitale, une perspective animale, un embrayage théorique. Chaque philosophie est la théorie d'une pratique, la systématisation du mode de vie immanent d'une singularité. Oui, pour Deleuze, toute éthique est corrélative d'une ontologie. Et, en ceci, il est aussi absolument spinoziste.

Voilà donc le point secret de ses longues et patientes années dédiées à l'histoire de la philosophie. Dans ses premières monographies, Deleuze interroge non une philosophie mais un philosophe. C'est d'ailleurs ce qui explique le caractère si étrange de ces ouvrages. A la lecture, l'on a bien affaire à l'auteur tel qu'il est expliqué classiquement, mais on y perçoit comme un effet de "flou", un décalage presque inquiétant, une problématisation insituable. Mais seulement si l'on se place dans la perspective de l'histoire de la philosophie classique, discipline dont la logique d'exposition est fondée sur l'enchaînement chronologique des concepts et des systèmes. Car Deleuze, pour sa part, préfère s'attacher à un temps qu'il nomme "stratigraphique". Certes, que les philosophies se succèdent dans le temps a son importance. Néanmoins, celles-ci sont virtuellement coexistantes. Virtuellement, chaque philosophe est contemporain de tout autre, et ce même si certaines logiques s'insèrent dans celles qui l'ont précédées, même si certains concepts sont repris tels quels. Ainsi, actuellement, chaque éthique est-elle rivale de toute autre, puisque, réellement, les logiques sont en conflit non dialectique.

Précisons que, selon Deleuze, chaque philosophe digne de ce nom, c'est-à-dire chaque philosophe créateur, trace un plan sur le chaos. C'est bien dans l'affrontement de la pensée avec le chaos que naissent les concepts. Ce qui se dit aussi : les concepts doivent être créés. Ils sont datés et signés, même si, pour les philosophes postérieurs, il s'agit de les détourner de leur fonction originelle, d'en pirater les flux et les composantes. Ainsi, chaque plan, s'il inaugure une philosophie nouvelle, et même s'il s'origine dans un plan antérieur, doit s'en distinguer et s'autonomiser. Comment ? C'est du fond de l'assomption de ses problématiques propres - et même si elle ne sont pas expressément thématisées - que le philosophe a une chance de pouvoir tracer un tel plan. Et, sur le plan, une consistance nouvelle peut être donnée au chaos, grâce, entre autres, à la création de batteries de concepts connectés qui le peuplent. Pour Deleuze, le style c'est le philosophe même.

C'est d'ailleurs non loin de ce centre actif de la philosophie de Deleuze que l'attaque de Badiou cherche à puiser sa force. La variation continue, élément majeur de la philosophie et du style deleuziens, Badiou l'annexe d'un geste incisif à l'une de ses constellations ennemies : la phénoménologie. Ceci paraît ajusté mais se révèle absurde. En effet, Deleuze s'avère, en tant que spinoziste, parfaitement hostile aux philosophies du cogito. Clairement, pour lui, il n'y a pas de sujet. Toute philosophie qui concède au Moi une légitimité quelconque est frappée d'anathème. Même le cogito non thétique de Sartre - maître admiré - est rejeté. Qu'est-ce à dire ? Toute philosophie qui prétend se fonder sur la position centrale d'un ego privilégie de fait la substance au processus. Pourquoi ? Parce que c'est le triomphe de la réactivité. Il est évident que ce qui constitue les nietzschéens d'après-guerre en rhizome se révèle être en fait l'assimilation de la révolution copernicienne de Kant à une réaction. Faire orbiter l'objet autour du sujet change l'ordre, pas les places. Le Moi, le Monde et Dieu, s'ils sont des illusions transcendantales de la raison pure théorique, restent des idéaux régulateurs et, en tant que noumènes (objets de pensée et non de connaissance), retrouvent chez Kant toute leur pertinence au sein de la raison pratique. La révolution nietzschéenne, au contraire, est désorbitation. La pensée asubjective devient un astre errant dont seules les variations de vitesse permettent l'auto-gravitation.

Ainsi, Badiou décrit-il comme appareil phénoménologique virtuose les créations conceptuelles de Deleuze. Sa philosophie, et notamment lorsqu'elle se machine avec celle de Guattari, en serait finalement le lieu monotone et répété. Mais on ne saurait être plus mauvais lecteur de Deleuze. Oui, "mauvais" lecteur. Car il faut se garder d'invoquer ici une quelconque falsification perpétrée par Badiou à l'endroit de Deleuze. En effet - et Badiou, matois, sait le rappeler avec force aux deleuziens orthodoxes - pour un nietzschéen, la distinction du vrai d'avec le faux ne saurait être un argument opposable. De fait, Deleuze a toujours privilégié explicitement la problématique de la bêtise à celle de l'erreur, c'est-à-dire celle du sens à celle de la vérité. C'est un corollaire de la destitution de la substance au profit du processus. L'une de ses conséquences est l'absolu rejet du sujet fondateur, c'est-à-dire, on l'a vu, de tout cogito, qu'il soit cartésien ou même kantien, ainsi que de toute analytique du Dasein. Sa lutte première contre la bêtise s'avère naturellement non un anti-humanisme à la manière heideggerienne - qui concède encore trop à son opposé, ne serait-ce que pour, hegeliennement, se situer - mais un inhumanisme strict. A ce stade, Artaud est évidemment convoqué comme schizophrène, id est praticien de la théorie. Car c'est bien cela qui intéresse tant Deleuze dans la schizophrénie : les intensités y sont consommées directement. La pensée s'y articule au corps comme l'avers au revers. Dans ce machinisme intensif, le théâtre de la cruauté révèle les usines de l'inconscient. La présentation se présente dans sa pureté, sans la médiation de la représentation ; à l'identification et la récognition se substitue l'incarnation.

En effet, la vérité et l'erreur - instances de la récognition - ne sont que le résultat de l'adéquation ou non d'un cas à une règle. Mais, quant à lui, le problème de la bêtise (et donc du remarquable, de l'intéressant, du singulier) est transcendantal. C'est la règle elle-même et sa légitimité qui y sont non seulement interrogées, mais aussi expérimentées. La morale, solidaire des substantialismes du Même, est abandonnée pour constituer une éthique comme science expérimentale et processuelle. Deleuze, à la manière de William James et des pragmatistes anglo-saxons, propose donc un empirisme transcendantal qu'il s'agit de prolonger en cartographie des intensités conçue comme patchwork et immunité non diplomatique.

Le constat est clair : le donné est construit. Aucune "opinion originaire". Aucune Urdoxa à la manière phénoménologique. La philosophie deleuzienne n'est pas une phénoménologie, c'est une philosophie. Le stratagème badiousien est contrecarré. Car Deleuze est bien spinoziste. Philosophe sans cogito, il est consécutivement philosophe du concept, c'est-à-dire philosophe paradoxal. En ceci, il est philosophe de la liberté intégrale, c'est-à-dire de la nécessité absolue et de la puissance. Ici, le stoïcien et le spinoziste, cohérents et conséquents, c'est-à-dire éthiciens, font un. Oui, Deleuze, ce contemporain considérable, s'insère ainsi dans la lignée souterraine et volcanique des rares philosophes irréductibles à l'histoire de la philosophie. Une vie.

Voilà pourquoi il n'y a que le nomade, celui qui franchit les frontières, celui qui distribue et se distribue dans un espace, qui, parce qu'il est multiple, consiste et sait donc ne pas être partagé. On appellera mat du nomade, ce mat par l'intuition réussi par le disciple riemannien de Bergson contre Badiou, l'ex lacanien maoïste. La prééminence du nomothète sur le juge est en effet celle de ce qui constitue sur ce qui est constitué. Cette distinction n'est pas dialectique, elle est éthique. C'est absolument que la joie diffère de la tristesse. Celui qui donne la règle est libre. Celui qui donne selon la règle n'est libre que par la médiation et de la règle qui constitue et de la servitude à la règle qu'il institue. L'issue ? A la chaude cruauté du théâtre prônée par Artaud, poser son hétérologue : la froideur de Masoch qui, aparallèle et hétérogène au sadisme, instaure un suspens de la loi d'institution, grâce au contrat. Ce qui sténographie ceci : le plaisir est jalon du désir qui ne manque de rien puisque, selon l'axiome classique et l'héritage parménidien (c'est-à-dire pré-anti-platonicien), le néant n'a pas de propriétés.

Concluons. La transcendance existe bel et bien, mais en tant que dénaturation de l'immanence pure, dont la fréquence donne l'exacte mesure de la rareté concédée à l'événement par Badiou. Ce dernier demande : quel infini ? quelle multiplicité ? Mais Deleuze a déjà répondu : non l'Un-Tout, comme l'insinue le maître mathématique de la rue d'Ulm, mais une multiplicité, le tout comme "lien paradoxal", comme "éclair".

 

 

 

Commentaires

Superbe texte qui pose la philosophie deleuzienne dans toute son ampleur et sa simplicité. Une philosophie de la vie libérée des carcans du sujet et de la substance où seul le devenir, le processus, compte. Une philosophie que l'on a envie d'aimer et de vivre. Une philosophie dont je me suis aperçu un jour que je ne pouvais pas la suivre. Car cette négation du sujet, négation niée, barrée, qui est aussi celle du père, est aussi celle qui nous dissout dans la sophistique et le néant. Drame d'une philosophie qui promet et promouvoit la vie et qui aboutit à une vie illimitée et désincarnée, un corps sans organe, sans visage. La vie deleuzienne est celle des singularités non identifiables, des flux inommables. Or, nous avons besoin d'identité et de noms pour vivre et pour être, nous avons besoins de principes et de substance. Les rhizomes ne sont rien sans arbres, fleurs et fruits. Deleuze n'aime de la vie que les effets de surface, non les causes profondes. Son but non avoué, c'est de se débarrasser de l'Arché, du père qu'il remplace, comme tout un sophiste, par une paire - une symétrie qui empêche de voir l'Un et l'Autre. Une paire qui est aussi une mère. On n'a pas assez lu sa présentation à Sacher-Masoch : "le froid et le cruel". Au delà de l'explication du masochisme qui se passe du sadisme pour exister, l'idée principale est que la vie est une histoire qui se passe entre mère et enfant, sans passer par le père. Seule la mère va accoucher - réaccoucher de son enfant, et donc, le corriger de sa ressemblance au père. La mère totale, c'est donc bien la Vierge Marie qui n'a pas besoin de Joseph pour faire Jésus. Et comme Dieu n'existe pas, l'homme de Marie est l'homme non spermatisé, l'homme-ovaire. Tout Deleuze se comprend dans cette mise en demeure du père (Dieu-substance-sujet-cogito-raison pure). C'est en ce sens qu'il est le premier et le pire des modernes comme Jean-François Mattéi l'a très bien vu dans "L'Etranger et le simulacre" :

"Le contre-projet de la modernité, nulle part aussi efficace que chez Deleuze, veut traquer cette motivation, assurer le triomphe des simulacres sur les modèles et les copies, et finalement éliminer la question platonicienne -qui est le maître ?- au profit d'une problématique événementielle : points singuliers qui s'agitent confusément, bocaux de mouches pullulantes, fromages grouillants de vers, meutes de rats indifférenciés, nous dit-on. Une telle ambition doit expressément se nommer anarchique, qui met en cause l'arché philosophique comme originie et comme pouvoir. Refoulés dans l'arrière-fond de l'être, les simulacres gonflent de ressentiment contre les modèles-essences : ça grouille, mais ça parle aussi, et bientôt ça remonte crever là-haut, à la surface. La stratégie de cette révolution s'établit en deux temps : on terrasse d'abord les modèles, selon une plongée qui rabaisse les figures de la hauteur et de la verticalité - subversion ; on laisse ensuite monter vers la surface les simulacres qui s'étalent sur de vastes surfaces lisses, tandis que les modèles s'écrasent sur ces mêmes surfaces, confondus indifféremment avec leurs doubles - perversion. "Il n'y a plus ni profondeur ni hauteur" : tout est égal, ça m'est égal."

Et cette subversion-perversion est bien sûr une régression - bien que se présentant comme une progression de la vie sans limites. Car cette "multiplicité" des vies ne signifie rien d'autre que la mort des âmes et son "éclair" l'aveuglement des pensées.

Écrit par : montalte | 04/11/2005

Merci, cher Montalte.

Il est vrai que la lecture de cet ouvrage de Mattéi, l'un des premiers (ah, le mémorable Cressole...) à évoquer et tenter de pénétrer Deleuze, ou du moins sa pensée, m'a, en son temps intéressé. En effet, la violence de ce jeune thésard, puisque de type hystérique, instituait, à son corps défendant et avec une fougue touchante, Deleuze comme maître. Oui, paradoxalement, par son discours, Mattéi tentait de le faire maître. Mattéi, qui, il faut le reconnaître, est un platonicien bien rudimentaire par rapport à Badiou, règle purement et simplement une sorte d'Oedipe philosophique. Il cherche en Deleuze un Père à tuer afin de se reterritorialiser sur Platon, le grand-père auquel le père fantasmé s'attaque. On a affaire ici à une banale dialectique entre le moi idéal et l'idéal du moi. Seconder le grand-père dans la lutte contre le père, cela caractérise, on l'admettra volontiers, un Oedipe névrotique tentant de conjurer la psychose. C'est pourquoi son agression se perd dans des fantasmes régressifs. D'où le crypto-deleuzisme de Mattéi, qui, par là même, est inconscient. Mais il s'agit bien entendu d'un théâtre d'ombres. Car la mise en demeure du Père réalisée par Mattéi est virtuelle. Puisque Dieu n'existe pas, le Père n'existe pas non plus. En effet, Dieu étant garant du sujet, l'inexistence du premier implique celle du second. Ainsi, le sujet conservé dans la raison pratique n'est-il que le maintien hors univers d'un point focal censé être unificateur. Il s'agit ici non pas d'un père réel (bien existant, heureusement et évidemment) mais d'une fonction-père (LE Père), portée à l'absolu et dénaturant la paternité en acte. Notons qu'une transcendance érigée à l'horizon désigne que c'est l'Autre qui a le phallus. Mais, le sujet, chez Deleuze, n'est ni nié ni barré, il est désigné comme hallucinatoire. L'identité subjective serait donc en ce sens l'essence qui nécessite un principe externe pour consister. In alio : c'est la définition même de la servitude. De même, la question "qui est le maître ?", ne se pose qu'entre esclaves, lorqu'il s'agit de rivaliser pour bénéficier de valeurs et de règles établies. C'est un monde de la conformité, de la récognition. Car le maître n'a pas besoin d'être reconnu. Deleuze, à la suite de Nietzsche, désigne la doctrine hégélienne de la reconnaissance comme une conception d'esclaves, c'est-à-dire une conception dialectique. La concurrence comme mouvement perpétuel est une bien étrange Aufhebung. Au contraire, chez Deleuze, la vie, au moins dans sa perspective individuelle, n'est pas illimitée. Elle est bien plutôt individuation. Excéder, certes, les limites, mais pour aller jusqu'au bout de ce qu'on peut. L'essence est absolument réciprocable à la puissance. Non, l'archê n'est pas en autre chose, elle est "une" multiplicité. D'où le théorème de l'autonomie dont la réciproque est fausse : l'essence du modèle est d'être choisi.

Pas de père, pas de mère, mais le monde. C'est, grosso modo, le leitmotiv schizo. Or, dans le fantasme névrotique, il est toujours question de papa et de maman et ce, quel que soit le scénario petit-pervers. Le familialisme est sourd à l'ethnologie : le relatif d'un modèle est donc pris pour l'absolu. En revanche, la part de l'immanence est celle des frères et des soeurs, des n sexes. Encore une fois, il est étrange de nécessiter la stature de l'Autre pour se tenir verticalement et éviter le nihilisme. C'est la croix du maniaco-dépressif oscillant entre l'envol ivre vers l'Idée et la chute catatonique dans le chaos. Mais le stade du miroir n'est-il pas censé être un stade infantile ? Cela revient à vouloir le maître parce que le Père est absent. Mais c'est la maîtrise qu'on désire, non son image, le maître. Une pensée sans images mais avec des intensités : le foudroiement génital de penser (qui doit s'engendrer dans la pensée) n'aveugle que la pensée de la récognition qui, à l'inverse, tombe en poussière si elle n'a pas en face d'elle un phallus dressé. Foudroyer. Poudroyer.

Le concept de Père n'est là que pour légitimer celui de fils. "Perversion", accentué à la Lacan. Notons que c'est le sophiste, non le philosophe, qui a besoin du père, ne serait-ce que pour acquitter le prix des leçons données au fils. Non, la philosophie de Deleuze n'est pas en lutte contre l'Archê et le Père, qui sont des fantasmes. Son combat, à tout prendre, est un combat contre l'héritier. Et l'héritier n'est pas le prétendant. Car ce dernier est inséparable d'un champ d'immanence. Oui, la paire contre le Père, l'immanence et la réciprocité contre la coupure et la transcendance. La philosophie destitue l'idée de Père au bénéfice de l'ami concret. La philosophie est donc fondamentalement impiété. C'est pourquoi le platonisme est la philosophie archétypique de l'héritier, c'est-à-dire à peine une philosophie. En effet, le platonisme pose le créé comme incréé. Mais, comme le dit Deleuze, il a bien fallu que Platon crée le concept d'Idée. Le platonisme est donc la philosophie des non créateurs, tandis que l'anti-platonisme, dont la philosophie de Deleuze est une variante, est une philosophie de la création. En ceci, c'est une philosophie de la puissance, non de la prétention, de l'autorité, non du pouvoir. Sachons discerner les personnages conceptuels : le législateur contre le juge. On a donc bien affaire ici à un aristocratisme strict. Il va de soi que c'est une éthique exigeante, ni moderne ni d'ailleurs post-moderne, mais inactuelle et intempestive.

Écrit par : Anaximandrake | 05/11/2005

L'existence ou non du Sujet n'est pas une décision fondée sur l'ontologie mais l'anthropologie philosophique.

Le philosophe est un individu évoluant dans une société humaine, celle-ci étant l'équivalent de la sélection naturelle. A partir de là, il décide de ce qu'il en est du Sujet. La vie comme lutte a pour équivalent la liberté chez les humains.

Evolution, dessein technique chez les espèces animales

Destination, Liberté chez l'homme,

au bout, le Sujet ou bien une autre espèce philosophique. Le philosophe est tel un Dieu dynamique et créateur, il crée. Parmi les philosophes, certains sont du genre ruminant et d'autre du genre lion, on les appelle les maîtres.

Écrit par : Fulcanelli | 05/11/2005

L'anthropologie philosophique est la conséquence du choix d'une ontologie particulière. Or l'égologie relève de l'ontologie, non de l'anthropologie. En cela, toute anthropologie est une éthologie, alors que la réciproque est fausse. Mais le darwinisme est une morale, pas une éthique, et l'adaptation une réaction, pas une création. Il n'y a des individus : le socius est ens rationis. En effet, la mimêsis assigne, et manque les devenirs.

Écrit par : Anaximandrake | 07/11/2005

La bonne formule pour l'ensemble de la philosophie deleuzienne : PLATONISME DES RENCONTRES. De ce point de vue, il a devancé Badiou, "l'entremetteuse des rencontres avec les vérités", sur tous les fronts. Et Badiou le sait.

Écrit par : Béotien | 07/11/2005

La formule, en tous cas, est heureuse. Elle a même l'avantage d'être, de prime abord, paradoxale.

Écrit par : Anaximandrake | 07/11/2005

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