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03/02/2005

Le Mat du fou

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Le paranoïaque joue un jeu fini (c’est-à-dire un jeu qu’on joue pour gagner) contre le monde. Son adversaire d’occasion finit par percevoir les règles du jeu propres au paranoïaque qui lui fait face. Ce dernier se méfie de tout sauf de cela. C’est son erreur fatale : il met son point aveugle en acte.

Le schizoïde (on nomme schizoïdie la schizophrénie en tant que processus) joue en parallèle de multiples jeux finis dont les règles diffèrent selon les paranoïaques singuliers qui lui font face. Mais le schizoïde joue également une partie contre lui-même. Cette partie est, à la différence des autres, une partie sans règles (ou plus exactement une partie dont les règles varient à chaque coup) où tous les codes sont successivement essayés. Il s’agit de continuer à jouer : c’est un jeu infini. Cette partie contre lui-même est une mince ouverture par laquelle le monde est perçu d’autant plus intensément qu'elle est étroite ; le réel s'y projette certes totalement, mais concentré, comprimé, replié.

Le processus schizophrénique a deux issues : la folie ou l’œuvre.

Deux folies sont possibles. D’abord, la schizophrénie "psychiatrique" : le schizophrène a perdu toutes les parties, sauf celle (évidemment) qu’il joue contre lui-même et qui continuera indéfiniment jusqu’à un impossible épuisement des codes. Ou bien : la paranoïa. Dans ce cas, le schizoïde a fixé des règles déterminées à la partie qu’il jouait contre lui-même. Il a transformé son jeu infini en jeu fini. Lesdites règles sont celles du jeu qu’il a perdu contre un paranoïaque, paranoïaque qui fait désormais office de Surmoi, de maître inconscient. L’inconscient devient donc maître. La partie qu’il jouait contre lui-même, il la jouera contre le monde ; ce sera désormais la seule partie qu’il jouera. Chacun des adversaires qu’il rencontrera sera le pharmakon, le bouc émissaire. A son tour, le schizoïde est devenu paranoïaque. Contagion.

La seconde issue est celle de l’œuvre. Le schizoïde devient créateur ; il entre dans un processus de création continue de codes, mais de codes adaptés aux exigences du réel. Il trace ainsi des cribles sur le chaos fluctuant et lui donne une consistance chaque fois nouvelle. Comment l’œuvre s’est-elle engagée dans ce cas ?

Il fallait au schizoïde refuser de concéder le pat et d’accepter de faire le mat nécessaire. Il fallait jouer pour gagner une partie finie face à un paranoïaque. Mais pas n’importe laquelle. Il fallait saisir quelle était la partie dont dérivaient toutes les autres. Et cette partie, ce jeu fini singulier, c’était la partie qui, chronologiquement, fut engagée la première et dans laquelle le schizoïde avait les noirs.

 

 

 

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