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16/04/2005

L'Un-Mal

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Chez Plotin, tout émane de l'Un. Ainsi le monde matériel dérive-t-il de l'Un à travers l'âme. Or, le monde présente en lui des formes variées du Mal. L'âme, expression de l'Un, donc du Bien selon Plotin, produirait-elle le Mal ? Dans les Ennéades, la matière est décrite comme le Mal absolu. Mais la matière étant une production de l'Un, faut-il affirmer que le Mal absolu est produit par le Bien absolu ? N'est-ce pas une contradiction manifeste de ce monisme ?

Pour examiner la nature du Mal, Plotin commence par définir son opposé, le Bien. Celui-ci se rapporte à la mesure, la forme, l'indépendance, la perfection. Il est ce qui est "au-delà de l'être" ou ce qui est "l'être", c'est-à-dire l'être parfait de la réalité intelligible. En tant que contraire du Bien, le Mal peut donc être dit non-être, non pas en tant qu'inexistant mais en tant que contraire du mode d'existence parfait qui est dans l'âme, dans l'intellect et dans l'Un. "Car on pourrait déjà atteindre une notion de ceci [le Mal] comme un manque de mesure par rapport à la mesure, et un manque de limite par rapport à la limite, et une absence de forme par rapport à ce qui forme, et une insuffisance permanente par rapport à ce qui est indépendant, toujours indéterminé; stable en aucune façon, affecté de toutes manières, inachevé, indigence totale." (Ennéades, I,8,3) Pour Plotin, ce dont la nature correspond à cette description, c'est-à-dire absence de forme, c'est la matière ; la matière est donc le Mal absolu. Ainsi les maux relatifs sont-ils les corps constitués de matière, les âmes affectées par l'hybris. Notons que le corps n'est pas mauvais par essence mais en ceci qu'il contient de la matière qui s'oppose à la forme.

Le Mal est donc manque, privation. Mais cette absence est présente. Le paradoxe n'est pas résolu. Comment le Mal absolu peut-il dériver du Bien absolu ? Il y a un absolu de trop. On invoquerait inutilement la série des niveaux de perfection que suppose la théorie de la dérivation. En effet, la matière, le Mal absolu, est non seulement le terme de la dérivation mais aussi son résultat.

Le Mal viendrait-il de l'âme ? "Désirant être en rapport avec elle-même, elle fait ce qui suit, une image d'elle-même, le non-être, marchant dans le vide, pour ainsi dire, et devenant plus indéterminée. Et l'image de ceci, l'indéterminé, est complètement sombre, car elle est irrationnelle et inintelligible dans son ensemble et à une longue distance de l'être. Etant au milieu, [l'âme] est à sa place, mais regardant à nouveau comme un second coup d'oeil, elle façonne l'image et va vers le plaisir." (Ennéades, III,9,3)

Mais nous restons dans une aporie. Si c'est l'âme qui produit le Mal, elle produit la matière. Mais si c'est la matière qui corrompt l'âme, comment, à l'origine, l'âme qui la produit aurait-elle pu donc être viciée ?

On pourrait pourtant risquer une hypothèse. Dans cette optique, la matière serait plutôt cette distance que l'âme crée ex nihilo en se scindant pour se contempler elle-même au lieu de se concentrer en soi vers l'hypostase supérieure plus proche de l'Un-Bien, l'intellect. Au sein d'un tel monisme, que l'absolu, l'Un, soit Bien plutôt que Mal dépend en définitive du mouvement centripète ou centrifuge de l'âme en tant qu'absolument libre.

 

 

 

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