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13/09/2006

Deus homini ludus

 

« [J]e me suis abandonné après Fontenelle à ce fantasme d’avoir la main pleine de vérités pour mieux la refermer sur elles » (Lacan)

 

 

« Cette énonciation du vrai étant, en dernière analyse, suspendue à l'existence d'un discours qui puisse dire l'universel sans exception, sans l'exception d'un sujet qui parle, nous avons montré que le discours philosophique était ce discours. » (Descombes) 

 

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Ce qu'aucun théologien* n'a jamais accordé à Dieu, l'hystérique l'exige. A savoir : faire que le passé n'ait pas eu lieu. Ce qui se dit aussi : le passé n'est pas passé, sa présence est une absence. Le temps ne peut contenir ce passé puisqu'il n'est pas advenu. Même l'éternité alors ne peut le recueillir. Oui, c'est à la fois son existence et l'essence de son existence qui sont contestées. Cette négation du temps et du principe d'identité ne s'avèrent donc pas désir d'éternité ou d'abolition, mais bien de résurrection et de virginité absolues.

On le voit, l'attente de ce coup de maître de Dieu, qui est en réalité un seppuku, sera par nature déçue.  Face à Dieu et à ses hypostases, l'hystérique se heurte à ceci : ex falso quodlibet. Autrement dit : comment la contradiction pourrait-elle se contredire ? Cet obstacle serait néanmoins aisément levé si l'hystérique ne légitimait pas la place de Dieu, c'est-à-dire son coup d'avance dans un jeu à information complète.

Par conséquent, si l'hystérique espère la fin des injustices, c'est que ce qu'il veut, c'est leur maintien dans l'avenir ; car si l'espoir cessait, c'est-à-dire si la demande était reconnue comme impossible, le passé serait irrémédiablement passé, c'est-à-dire qu'il aurait eu lieu, stèle ou calme bloc ici-bas. Donc, il s'avère capital pour l'hystérique que l'espoir n'ait aucune chance de se réaliser. Or, quoi de plus sûr que de vouloir l'impossible, une fois dit que la consistance logique est le requisit de l'apparaître ? Bref, l'hystérie est un tertullianisme : credo quia absurdum.Quoi qu'il en soit, c'est au Verbe que Dieu se cantonne, et son discours n'affecte l'être que cosmétiquement. De même, c'est bien parce que la contradiction est au fondement de l'onto-théo-logie que l'espoir paradoxal de l'hystérique peut être maintenu.

S'il y a oubli de l'être chez l'hystérique, l'oubli de cet oubli, c'est l'être en tant que qualifié. Précisément, il s'agit d'un étant, et qui plus est, d'un étant suprême. Dieu donc, apparaît, tel un zéro, comme présence du manque. Corrélativement, l'être disparaît phénoménologiquement, maquillé par l'Un. Or ce dernier est le garant du maintien de l'angoisse (en tant que lien au manque) grâce aux antinomies du Tout. Celles-ci génèrent ce mouvement perpétuel analogue aux apories du paradoxe de Russell ou aux "tourniquets" de Sartre. En effet, décider requiert la position d'un problème, afin que l'existence de l'indécidable ne soit pas une décision. Décider c'est absenter la présence de l'absence, annihiler l'angoisse qui maintient ouverts l'espoir de l'abolition et l'espace de l'attente.

 

On en déduit sans coup férir et par la bande ce que Francis Bacon, à sa manière, avait bien noté : le messianisme est un hystérisme. Un corollaire s'ensuit : la logique hystérique, si elle n'est pas intuitionniste, n'en est pas pour autant classique. Disons-la donc baroque.

 

 

*Excepté peut-être Petrus Damianus.

 

  

 

Commentaires

"Cela s'appelle destin : être en face/et rien que cela et toujours en face"

Bonne rentrée, Magister, et au plaisir de vous lire.

Écrit par : Eurydice | 13/09/2006

"there was a guy
an under water guy who controlled the sea
got killed by ten million pounds of sludge
from new york and new jersey
this monkey's gone to heaven

the creature in the sky
got sucked in ahole
now there's a hole in the sky
and the ground's not cold
and if the ground's not cold
everything is gonna burn
we'll all take turns
i'll get mine, too
this monkey's gone to haven

rock me joe!

if man is 5 [3x]
then the devil is 6 [5x]
then god is 7 [3x]
this monkey's gone to heaven "

The Pixies

Écrit par : Le Miroir d' Alquimie | 13/09/2006

Maître, ô insigne lumière onto-théologico souverainiste, vous feriez mieux de veiller aux conneries savantes que vous débitez, comme celle-ci : "Quoi qu'il en soit, c'est au Verbe que Dieu se cantonne, et son discours n'affecte l'être que cosmétiquement. "

Ce sont plutôt vos petits sophismes qui impressionnent trois-quatre idiot(es) qui n'affectent l'être que TRES TRES TRES cosmétiquement.

Écrit par : Fada | 14/09/2006

Les faiblesses des hommes et des femmes, il les connaissait presque instinctivement et n'abusait jamais de ce pouvoir.

Écrit par : quest | 14/09/2006

"En ce temps-là, dans ce pays-là, les filles étaient belles et s'affairaient, entre autres, à aller puiser de l'eau à la fontaine commune. Au retour, elles plaçaient sur leur tête un petit tapis de paille pour mieux supporter leur cruche d'eau. Elles marchaient lentement, comme pour se faire voir, là où il y avait de l'activité, comme sur les chantiers de construction. Les jeunes garçons s'affairaient au transport des matériaux et détournaient souvent la tête pour regarder les filles parées de leurs tapis à la paille tombante. Ils ne craignaient pas de rencontrer une poutre en plein visage et manquaient ainsi de prudence au travail."

Écrit par : Paille ou poutre ? | 14/09/2006

Merci.

Fada = 195.6.147.228 : une ip d'Asensio, ce courageux pourfendeur d'anonymat. La puissance de sa réfutation et la profondeur de sa démonstration laissent le lecteur, une fois de plus, hilare.

Écrit par : Anaximandrake | 14/09/2006

On va prendre le temps de lire avant de s'exprimer ! Logique, n'est-ce pas ?

Écrit par : Fatalis | 16/09/2006

C'est un peu compliqué pour moi tout ça... Peut être vous attachez-vous trop aux choses et aux mots qui les désignent ? Peut être que le monde n'est pas la totalité des choses mais des faits ? Peut être...

Écrit par : Fatalis | 19/09/2006

Il n'y a pas de Tout. Avant même le paradoxe de Russell, les antinomies de Kant... De même, pas de faits mais des interprétations. Ce qui a lieu, c'est l'événement ; il peut être comme il peut ne pas être, puisque c'est le devenir qui crée l'être.

Écrit par : Anaximandrake | 19/09/2006

Pourriez vous être plus précis sur cette phrase :
"l'événement ; il peut être comme il peut ne pas être, puisque c'est le devenir qui crée l'être. " ?
De même, je n'en démords pas, les faits priment : ils sont le corps en mouvement de ce qui est. Le lien tangible entre le visible et l'invisible. Après vient l'interprétation.

Écrit par : Fatalis | 19/09/2006

Pourriez vous être plus précis sur cette phrase : "l'événement ; il peut être comme il peut ne pas être, puisque c'est le devenir qui crée l'être. " ?

De même, je n'en démords pas, les faits priment : ils sont le corps en mouvement de ce qui est. Le lien tangible entre l'invisible et le visible. Après vient l'interprétation.

Écrit par : Fatalis | 19/09/2006

que signifiez vous par messianisme, le fait d'attendre le messie? alors quel est aussi le rôle du messie. Selon Philippe Sers, le messie dans la tradition juive joue un rôle dans le dévoilement du sens. Sens qui apporte notemment la confiance, et le rôle l'idée de la religion est d'apporter celle ci. Confiance qui permet de dépasser l'événement en tant qu'élément isolé, de déconstruire le temps pour entrer dans une nouvelle dimension où l'on distingue les circonstances (simples faits) de l'événement (fait reliés entre eux selon des liens non logiques mais sensuels).

Écrit par : quest | 19/09/2006

Oui, j'ai lu les notes... Je ne viens pas sur ce site pour critiquer, simplement, à mes cieux, je constate qu'il manque l'essentiel : l'émotion !...

Des reflexionx interessantes, certes, admettons, mais mon esprit simple, par un phénomène de cause à effet très logique, aspire à la simplicité. Et là...

Egalement, quand je dis que "le monde n'est pas la totalité des choses mais des faits", c'est une conviction absolue, instinctive, mais, également, une citation de Wittgenstein (dont je ne partage pas forcément toutes les idées), qui eu l'ambition démesurée de montrer les limites du langage et de la faculté de connaître de l'homme.

Mais bon, c'était surement un con...

Bien à vous (tous)

F.

Écrit par : Fatalis | 20/09/2006

Votre allusion à Wittgenstein était transparente (d'ailleurs : http://anaximandrake.blogspirit.com/archive/2005/06/10/le_paradoxe_du_tractatus.html ). En revanche, la mienne, à Nietzsche, faisant écho dialectique à la vôtre semble être passée inapercue : "Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations."

Quant à l'émotion, je vous en laisse juge bien volontiers (même si, évidemment, elle est présente en ces lieux, directement ou non), tout comme de la "connerie". Oui, ce genre de diktats et autres simplifications abusives paraissent être votre affaire.

Bien à vous.

Écrit par : Anaximandrake | 20/09/2006

Anaximandrake vous répondra sûrement que l’attente du messie n’est que fausse confiance générée par un désespoir originel, c'est-à-dire une confiance fantasmée, créée, façonnant une réalité impossible mais surtout irréelle, que seule une profonde inacceptation de la vie en tant que non totalité, donc inachevable, s’autorise à déployer. Ce à quoi vous pourriez répondre que, s’il n’y a, à défaut de faits, que des interprétations, l’exaltation factuelle peut alors rendre effective l’incarnation de l’éternel dans le devenir, dont la fin, bien qu’assignée par l’arbitraire conscience malheureuse, ne laisse pas moins d’être réelle, au-delà du symbolique et de l’imaginaire.

Écrit par : Ju | 20/09/2006

rapidement, pas de désespoir, enfin, une MARCHE DU/ VERS le SENS...ne pas comprendre la confiance comme opposée à son contraire, mais comme dépassement de soi-même et de toutes les contingences.

Écrit par : quest | 20/09/2006

"Il n'y a pas de Tout" Anaximandrake

La nature est bien un Tout pourtant, non? C'est faire preuve de mysticisme de dire ça?

Écrit par : Carpentier | 20/09/2006

Plus simplement, Ju, pour ne pas dire plus élégamment, ladite réponse consistera en ceci : la confiance en l'Autre se révèle comme manque de confiance en Soi, et, par conséquent, en l'autre.

Et puis, plus longuement, notons qu'une réalité ne peut être impossible puisque ce qui est réel est a fortiori possible. Ainsi, par exemple, lorsque Lacan déclare que le réel c'est l'impossible, c'est à titre propédeutique qu'il le fait, et ce, pour viser l'être (sans le nommer), c'est-à-dire, pour désigner les limites du langage et viser "l'effet de réel" (qui, lui, relève de l'imaginaire). De même, n'oublions pas qu'une vie n'est une totalité (qui n'est pas le Tout, le Tout, en effet, n'étant pas) qu'à l'instant de la mort de cette vie, mort qui n'est par conséquent rien pour elle. Au contraire, la conscience malheureuse est celle qui ne devient rien, qui donc n'est pas, c'est-à-dire n'est que réelle. Mais pour une conscience, bien entendu, être une chose, c'est n'être pas. Or, la conscience malheureuse est. Elle souffre donc d'illusion, c'est-à-dire d'un empiètement de l'imaginaire sur le symbolique (dont l'effet est une illusion de réel, c'est-à-dire une croyance fausse). Autrement dit : d'un manque de confiance. La conscience réellement malheureuse est bien celle qui attend le rien, au lieu de ne rien attendre. C'est dans cette confusion que réside le "malheur" de cette conscience, malheur qui est séparation d'avec Soi et illusion du Moi (comme Tout, comme être sans devenir ou devenir sans être, donc comme "fin").

Bref, l'absence de confiance en l'autre relève de la mauvaise foi, celle qui trompe pour se tromper, et, pour ce faire, croit en l'Autre pour constituer une attente infinie, et donc refuser l'expérimentation hic et nunc du tout-autre, id est du réel, absolument hors langage, bien que n'étant pas indicible, tout en étant peut être innommable.

Écrit par : Anaximandrake | 20/09/2006

Merci, à tous, pour les réponses et attentions.
Vous noterez à mon style que je dois me concentrer longuement et chercher de nombreuses définitions avant de pouvoir répondre en toute connaissance de cause et avec pleine conscience. Je ressens que je diverge et converge avec votre groupe, pas seulement en connaissances, en approche aussi. Je vais travailler ce week end et plus et reviens au combat, vous montrer vos propres paradoxes. (j’espère)
En attendant, « faites de la musique » disait la muse à Socrate, la logique se mord la queue, je vais essayer de voir la mienne et vous (dé) montrer mon regard.
nota si petit commentaire je reste connecté encore 1/2h

Écrit par : quest | 20/09/2006

bien je vois que la notion de confiance a été parcourue dans tout sens et acceptation, intégration du monde en soi?! (oulala je sens que ce n'est pas mieux...)
Mais je ne vois pas une chose partageable entre tous qui capable de s'affirmer comme réelle. pas la joie et la tristesse en tout cas, parce que je suis souvent l'un en surface et l'autre en profondeur, et la tristesse est une passion condamnée résultat des représentations...comme tout le reste. Offrez moi une réalité et je vous suis partout, je décroche la lune ...

Écrit par : quest | 20/09/2006

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