11/07/2005
Clasticisme et vélocité
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« Il était guerrier et mystique, féroce et saint ; il était retors et innocent, chevaleresque, sans pitié, moins qu'un dieu, plus qu'un homme. On ne peut mesurer Muad'Dib selon des données ordinaires. [...] Car, souvenez-vous bien : nous parlons du Muad'Dib qui revêtit ses tambours de la peau de ses ennemis, qui rejeta toutes les conventions de son passé ducal en déclarant simplement : "Je suis le Kwisatz Haderach. Cette raison me suffit." » (Herbert)*
« il faut comprendre ou mourir » (Russell)
La vitesse de la pensée est d’autant plus rapide qu’il n’y a pas de Moi, c’est-à-dire d’Autre, mais un opérateur moi qui génère la synthèse instantanée de l'aperception et produit la réflexivité. Plus on est narcissique, moins la pensée est rapide. Mais plus on est narcissique, plus le sentiment de sécurité est grand. En temps de paix. Sinon, à la moindre agression, l'on doit s'assurer à chaque instant d'éviter la coïncidence totale et perpétuelle avec le lieu du S. Malheur à ceux qui n'y furent pas formés. Il y est certes révélé « notre totalité ». Mais si une totalité peut être une œuvre d’Art, elle est aussi une chose morte, « nature morte », certes pourvoyeuse de vie, mais morte pour elle-même. Ainsi le fétichisme est-il en fait production de pharmakon, de schizophrène. Ceux-ci deviennent des touts psychiques à cause d’un autre agissant comme l’Autre. Car personne ne se sacrifie jamais, il n’y a que des sacrifices, c’est-à-dire des assassinats. Corollaire : la pulsion de mort freudienne (Thanatos) n’est que l'empreinte du Socius sur la « part réactive » : elle ne peut pas faire partie de l’essence. C’est la marque de la pire des servitudes, celle qui est parfaitement intériorisée. Y est accomplie la mort psychique. Cependant, il est nécessaire que se produise suffisamment d’inconscient pour « respirer », c’est-à-dire pour rester vivant, et pour avoir une mémoire disponible, c’est-à-dire sous forme compressée et non sous celle, déployée, d’un « tableau ». Le moi comme frein moteur.
Le bon narcissisme, en tant que réussite de la phase du miroir, c'est-à-dire, non psychanalytiquement, refus d'identification donc compréhension de la réalité de l'illusionnisme de l'image, c'est la constitution d'une histoire évolutive dont la cohérence globale est suspendue à l'instant, ouverte à la dure pureté de l'événement réel. Le moi donc, comme fiction nécessaire et variable : matière et chronologie et forme égoïque, qui sont des instances séparables et pouvant subsister chacune par elle-même. Mais le Soi ne s'y réduit pas. Le mauvais narcissisme, c'est donc la croyance de type transitif, le culte de la fiction, de la fixion, du Moi.
Oui, le moment où l’on comprend tout est celui de la mort. En effet, le mouvement du noûs, celui qui produit l’ouverture, qui constitue l’Ouvert, lorsqu’il cesse, laisse place à une totalité bornée, déployée, dépliée. C’est bien le mystère du Tout qu’il importe d’éclaircir, c’est-à-dire de ce qui fait qu’une totalité est totalité. Et c’est du côté de la psychogenèse qu’il convient d’en chercher la solution : première altérité rencontrée, néoténie de l’animal humain. C’est d’ailleurs pourquoi le langage de l’être humain en tant qu'être social puisque langagier produit logiquement le Moi. Il est à noter que le Moi substantiel n’est que la perturbation du rapport de Soi à Soi (c’est-à-dire de la réflexivité) et ce, à d'évidentes fins d’asservissement.
Wittgenstein erre. Il n'est pas question de « totalité bornée » quant au Mystique, mais seulement de cohérence. Exo-consistance versus endo-consistance. Le Mystique est « indépliable » intégralement dans le langage, puisqu’il n’est pas même un métalangage. Il n’est pas totalement homogène au langage puisqu’il est l’intensité qui « s’énergise » dans l’extension qu’est le langage. Il relève de l’éternel, non du temporel. Pli selon pli. Sa combinatoire, dont l'opérateur est le Logos, est le langage en tant qu'infini actuel d'une puissance immédiatement inférieure et dont la périodicité, par conséquent, est signifiante.
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Commentaires
Je porte plainte contre Ix, vous êtes diabolique... sans S.
Écrit par : Lambert Saint-Paul | 11/07/2005
« Sa vue et son ouïe valaient celles du lynx et il n’avait plus la moindre illusion concernant le monde et l’humanité. Armé de la sorte pour la lutte, Elishama aurait pu faire une brillante carrière et devenir un personnage très dangereux pour ceux qui croisaient sa route. Mais il n’en fut rien et la raison de cet état de choses, vraiment illogique, n’était autre que l’absence totale d’ambition chez le jeune homme. Tout désir, sous quelque forme qu’il pût naître, avait été comme emporté par les flots ou consumé par les flammes chez l’enfant, avant même qu’il eût appris à lire […].
Nulle trace de douceur, de plénitude dans son caractère ; nulle aspiration à l’amour, aucun goût pour l’aventure, nul souci d’entrer en compétition avec autrui. Elishama ne connaissait pas non plus la peur et le combat ne l’attirait pas. » (Karen Blixen, L’Eternelle histoire)
« De même, tout en ne désirant pas les femmes, il les voyait avec les yeux des autres jeunes gens, et savait apprécier exactement leur valeur. Cependant, il jugeait qu’à ce point de vue ses semblables étaient myopes ou aveugles. En outre, le prix lui paraissait erroné et l’article lui-même sous-estimé. » (ibid.)
Écrit par : amanda | 13/07/2005
« Le fantôme du miroir traîne dehors ma chair, et du même coup tout l'invisible de mon corps peut investir les autres corps que je vois. » (L'Oeil et l'esprit)
Écrit par : Miroitant Merleau-Ponty | 13/07/2005
Singulier, ère adj. Qui se distingue par qqch d’inusité, d’extraordinaire ; bizarre, étrange. Combat singulier : combat d’homme à homme. (Larrousse)
Écrit par : amanda | 13/07/2005
La nécessité pallie parfois avantageusement le défaut de formation.
Écrit par : Phénix | 24/07/2005
Bientot il ne resta plus que quelques centimètres entre les yeux de Narcisse et ceux de son reflet. Sa fin était proche et lui souriait.
Écrit par : Amanda | 24/07/2005
En écho déformant, disons qu'il est hasardeux d'affirmer que la faille soit défaut. En effet, elle est parfois la seule qualité. Bis repetita placent : la complémentarité en miroir manque des reliefs.
Écrit par : Anaximandrake | 25/07/2005
"Le poëte jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant ; et si de certaines places lui paraissent être fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées."
(Baudelaire, "Les Foules")
Écrit par : Amanda | 26/07/2005
On distinguera le poète, qui fait œuvre de poésie, l'amant, qui fait œuvre d'amour, et le philosophe, qui fait œuvre de philosophie. Voir les trois réunis dans une essence singulière ne relève pas nécessairement de la triplopie, mais enfin il ne faut préjuger de rien.
Écrit par : Le chien savant du non-voyeur | 03/08/2005
« The recesses of feeling, the darker, blinder strata of character, are the only places in the world in which we catch real fact in the making. » (William James)
« La véritable paix repose sur un courage qui dépasse celui de la guerre : elle est activité créatrice, énergie spirituelle […].
En vérité, le combat où nous sommes engagés se joue toujours plus clairement entre les puissances de la vie et celles de la mort. » (Jünger, La Paix)
Écrit par : Aurore | 19/08/2005
C’est toujours sans le vouloir que l'artiste et les amants tombent juste.
A faux nom, faux procès.
Écrit par : K. (nom emprunté) | 22/08/2005
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