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22/11/2005

Dura lex

« Tout acte exige l'oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière, mais aussi l'obscurité. » (Nietzsche)

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« Toute notre dignité consiste donc en la pensée. » (Pascal)


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Le temps, du moins lorsque l'on vogue à des vitesses éloignées de celle de la lumière, est réputé se dérouler uniformément. Sa scansion est régulière. Bien plus, ce que le temps scande est la régularité en tant que telle. Objectivement, le temps passe donc aujourd'hui à la même allure qu'il est passé hier et passera demain. Tout être humain, cependant, sait bien que, subjectivement, il en va tout autrement. Même confusément, chacun est conscient qu'une journée enfantine durait plus longtemps que celle d'hier.

Pourquoi ? Parce que l'alliance entre habitude, mémoire et conscience est infernale.

En effet, l'essence de la durée est rapport. Mais précisons que la durée diffère du temps mesuré selon la variable t. Celui-ci est assimilé à un segment sur un axe spatial. On renverra sur ce point à la critique bergsonienne. Ainsi, la place de chaque segment sur l'axe du temps n'a-t-elle aucune influence sur la taille du segment lui-même. Si l'on peut superposer deux segments t1 et t2, ils sont décrétés identiques. Néanmoins, c'est abusivement que l'on dira que leur durée est la même. En réalité, t1, s'il est antérieur à t2, a une durée supérieure à t2.

Quelle est l'origine de cette distorsion ? Que se passe-t-il ?

Il se passe le temps, ou plus exactement, le temps passe. Mais dire que le temps passe c'est dire implicitement qu'il passe de plus en plus rapidement. L'explication est simple. Chaque segment temporel est rapporté par la conscience à la mémoire (M) qui croît au cours du temps. Il apparaît clairement que le rapport t / M ne cesse de décroître puisque le numérateur ne varie pas tandis que le dénominateur augmente. D'où l'on déduit sans coup férir qu'aujourd'hui dura plus longtemps que ne durera demain. Que le futur diminue, on le savait. Mais on a tendance à oublier qu'à cause de la mémoire, il fond de plus en plus vite. Non, l'avenir ne dure pas longtemps, c'est le passé. Car Cioran a raison, il y a bien chute dans le temps. Et paradoxalement, si ce n'est paraboliquement, celle-ci, éminemment, n'est pas libre.

Par conséquent et en réalité (id est selon le couple objectif-subjectif), on peut affirmer que la vitesse d'écoulement du temps augmente. On appellera loi d'Anaximandrake cette inéluctable accélération du temps. Même si c'est d'une manière à la fois plus imprécise et plus classique, on peut aussi bien invoquer l'habitude. Corrigeons donc Bergson. Ce n'est pas la conscience mais l'inconscience qui est une mémoire accompagnée d'une liberté.

 

 

 

Commentaires

Dur-ex. La détumescence est-elle une... chut... !

Écrit par : Saphyre | 22/11/2005

Et les feuilles des arbres tombent de plus en plus vite à chaque automme, à moins qu'elles ne soient pourvues de freins temporel invisibles à nos yeux ? La perception humaine du temps varie avec les etats de conscience, elle ne peut se résoudre en équations ( chimie du cerveau ) .

Écrit par : Danielle | 23/11/2005

Un tout petit enfant m'a demandé un jour, marchant sur un tapis de feuilles en forêt, comment elles allaient faire pour remonter dans les arbres, au printemps : le retour du temps était donc pour lui mystérieux, mais évident.
Je ne savais pas que Cioran avait parlé de "chute dans le temps", mais j'ai écrit ça aussi quelque part, la chute d'Adam et Eve est une chute dans le temps dissocié du masculin et du féminin : l'éternité, le temps qui ne "passe" pas, qui ne meurt pas, n'est-ce pas la mer mêlée au soleil, une fusion amoureuse ?

Écrit par : Alina | 23/11/2005

Voyons, Danielle, les feuilles d'arbres n'ont, a priori, pas d'intériorité. A cet égard, sachons nous souvenir de Leibniz. Il ne s'agit pas ici d'abstraction mais de réalité, c'est-à-dire d'une articulation entre objectivité et subjectivité. Qu'objectivement et toutes choses égales par ailleurs, les feuilles ne tombent pas plus vite, la mesure l'atteste et personne ne le conteste. Néanmoins, ce rapport entre deux mesures objectives explique (au moins partiellement) une réalité subjective. Car, il s'agit bien d'une réalité d'expérience. Qu'il y ait "freinage" local, lorsque, notamment, il y a rupture de l'habitus (Cf. le lien dans le corps de la note), n'empêche pas qu'il y ait bien accélération globale.

Alina, la rupture paradoxale que constitue la "fusion" est radicale, mais c'est peut-être en effet la seule rupture réelle puisque l'éternité se définit comme ce qui n'a pas de rapport au temps. Dans une prochaine note, je m'intéresserai à cette solution éternitaire.

Écrit par : Anaximandrake | 23/11/2005

Intéressant !

Mais si le temps n'était pas un axe spatial ? Car aussi extravagant que l'est la constante de Planck pour rendre compte de l'unicité de l'univers, n'est-il pas humainement grossier de rapporter le temps - et combien de mots, combien de mythes, combien de dieux indiquent le foisonnement des représentations - à une ligne infiniment étroite, infiniment longue ?

Il est probablement du domaine de la pédagogie moderne de simplifier une idée à son minimum ; il est évident qu'elle sera transmise avec le plus de fidélité possible. Mais je persiste à sentir le temps comme l'envergure de nos virtualités, ou ce que nos ailes peuvent embrasser.

(pour en revenir à Bergson, il n'est pas à mes yeux si important que les amoureux sur le banc trouvent que l'heure a passé vite. En revanche, que l'intensité du moment ait fait oublier ce passage du temps tenderait à me donner l'intuition que le temps lui-même possède une dimension propre à le faire disparaître. J'apprécie beaucoup Bergson, mais sa hantise du paradoxe de Zenon me trouble - comme un applatissement de la pensée, laminée par une idée fixe...)

Écrit par : Segall | 23/11/2005

J'apprécie les sonorités de votre texte, Segall, celui ci tombe plutôt bien. Je m'ennuie un peu. Vous êtes un bon amant ? Vous comprenez, du "corps" s'immisce entre mes mots, des fautes d'orthographes, aussi, mon texte manque donc beaucoup de dignité, il n'est pas que "pensée" au sens pascalien du mot. Me sauter, donc, et plutôt en douce, pourquoi pas, mais se pencher sur l'ordre sÂÂÂcré du langage à mes côtés, vous n'y pensez pas... Le philosophe se masturbe. Tolère tout au plus une relation homosexuelle non consommée, voir Deleuze. Toute construction non soumise à la course rectiligne du grand schmock doit être superbement ignorée. Manque de bol, ceci porte le digne penseur à nier ce qu'il pourrait baiser, autrement dit, la réalité de ce qui est, sublime vagin accueillant. Il préfère en général perforer le vide la bite au vent. Construisez vos conneries de mécano, Anaximandrake, je vais bien finir par trouver un cerveau ami comprenant fondamentalement la notion de complémentarité et d'échange. Un théologien, peut-être.

Écrit par : Saphyre | 23/11/2005

Hum... Hum... La théologie donc comme remède au manque d'échange philosophique. Ah, les paradoxes. Vous avez raison : effectivement, j'aime Beethoven mais aussi, bien entendu, l'ultra violence.

Écrit par : Anaximandrake | 23/11/2005

L'Eternité est le Réve du Temps, accessible uniquement par un saut perilleux de la pensée du sujet dans l'infini des potentialitée humaines, au risque de se perdre...

Écrit par : Danielle | 23/11/2005

Pour une personne atteinte de trouble de mémoire, un amnésique par exemple, M est quasi nulle, donc t/M tend vers l'infini... quelle horreur !

Pour une personne incapable d'oubli, M augmente rapidement, donc t/M se rapproche vite de zéro, le temps n'existe plus alors... Quel enfer !

Écrit par : zawad | 23/11/2005

Oui. Le vide hyperréel et donc l'immense angoisse de l'amnésique. Et, à l'inverse, le funeste destin de Funes.

Écrit par : Anaximandrake | 23/11/2005

Vous possédez une qualité rare : faire rire. Votre blog est l'un des trop rares qui me fait régulièrement sourire. En l'occurrence, la loi d'Anaximandraque est proprement désopilante. Quant à la référence à Bergson en matière de temps, j'en pleure littéralement. Par pitié, ne tentez pas dans un de vos prochains billets de justifier les propos de "Durée et Simultanéité" comme s'évertuent à le faire certains philosophes, car il semble que l'on puisse mourir de rire, et, dans cette hypothèse, votre style ampoulé mis au service d'une telle cause ferait de vous un meurtrier, à n'en point douter.
Petite précision tout de même : si vous souhaitiez rendre votre propos intelligible, il convenait tout de même (même si l'explication est simple et que l'on peut déduire sans coup férir) de préciser que vous définissiez le temps comme t / M.

Écrit par : Big Brother | 24/11/2005

Passer le temps en lisant votre blog?

Écrit par : Bourbaki | 24/11/2005

Que l'application du mécanique sur le vivant vous sorte d'un certain marasme, cher Big, vous m'en voyez sinon honoré, du moins ironiquement ravi. Mais comme j'aimerais que vous vous respectiez ; certaines projections seraient moins visibles. De même, je suis touché par votre naïveté pré-philosophique qui croit qu'opinion vaut argumentation parce que ladite opinion est sienne. Le vote ? Cela donc, pour le coup, serait plutôt attristant. Mais une précision tout de même, puisque cela vous semble inintelligible : ce n'est pas le temps que je définis comme t / M. Evidemment, petit plaisantin... Allez, encore un effort pour être concis. Au fond, vous êtes un peu trop sentimental. Mais, je sais, ce sont vos démonstrations à vous. C'est d'ailleurs pour cela que je vous aime bien.

Écrit par : Anaximandrake | 24/11/2005

Et si on se pacsait ?

Écrit par : Big Brother | 25/11/2005

temps mesuré, temps perçu, temps objectif, temps subjectif, un temps soit il la question peut être creusée à guise, et temps-pis si on se perd dans les rêveries métaphysiques.

Écrit par : antares | 30/11/2005

Merde, vous êtes un vrai Punk !
Votre blog à au moins le mérite de nous faire rire : Cela n'est pas rien !

Écrit par : phil | 10/02/2006

bon, c'est très riche ces conversations.
bon je vais faire une maîtrise de philo sur bergson et durée et simultanéité m'est difficile par son aspect mathématique...je cherche une explication pour certaines équations...
voila.
sinon, si je puis me permettre, j'aimerai dire quelques mots à propos de votre théorie.
tout d'abord je la trouve intéressante. cependant quelque chose me dérange dans son déploiement.
comme vous nous le rappelez, le temps mesuré que l'on peut faire correspondre à une variable t, temps que l'on qualifie de temps chronologique, est chez bergson fondamentalement différent de la durée. la durée est un concept qui rend compte de la perception du temps. si vous voulez l'essence de la durée n'est pas un simple rapport. c'est un rapport entre le temps et celui qui le perçoit, entre l'actualité du présent et la mécanique de son actualisation. Cette mécanique n'est pas le présent, elle est la perception de ce qui se présente, de ce que d'autres appellent la présenteté.
Bref, tout ça pour dire que chez Bergson, la perception est inhérente au concept de durée, et que c'est pour ça que la durée est la tension qui contracte dans le présent, passé et futur, ou plutôt tension par laquelle on contracte dans le présent, passé et futur, tension embrassant une succession plus ou moins longue dans une vision instantanée, tension maintenant et s'étirant vers le passé avec autant de puissance qu'elle maintient et s'étire vers le futur, anticipant plus ou moins de probabilités d'actions. " Plus grande est la portion du passé qui tient dans son présent, plus lourde est la masse qu'il pousse dans l'avenir pour presser contre les éventualités qui se préparent..."
Voila mes problèmes avec ta théorie :
1) en supposant deux temps qui se suivent, tu présuppose une chronologie, tu présuppose un temps mesuré. comment la durée peut-elle être différente d'un temps mesuré si elle le présuppose?

2)En chaque temps t1 ou t2, la durée accueillie par la perception est relative, elle peut être plus ou moins grande, plus ou moins courte, les durée de t1 et t2 peuvent toutes deux être plus grandes que l'autre. (t2 mettant à disposition plus de passé, donc plus de durée, c'est lui qui potentiellement à une durée plus longue.)

3)En conséquence, si t1 est antérieur à t2, je serait tenté de dire que c'est en t2 que l'on a potentiellement une durée plus longue qui s'offre à la perception.

je crois comprendre que c'est l'intervention de la mémoire dans ta théorie qui vient établir un drôle de rapport. "En réalité, t1, s'il est antérieur à t2, a une durée supérieure à t2.
Quelle est l'origine de cette distorsion ? Que se passe-t-il ? (...)Chaque segment temporel est rapporté par la conscience à la mémoire (M) qui croît au cours du temps. Il apparaît clairement que le rapport t / M ne cesse de décroître puisque le numérateur ne varie pas tandis que le dénominateur augmente."
je suis d'accord avec toi quand tu dis la mémoire croît au cours du temps, car on peut dire qu'elle accueille plus de passé. cependant, en prenant ici encore le temps comme un espace linéaire, un temps mesuré, en le figeant en un segment que tu démultiplie horizontalement dans son unité, dans la ressemblance d'une unité fixe et éternelle. "Chaque segment temporel", c'est ça ton unité qui se démultiplie toute seule en restant une unité de ressemblance, de "chaque". c'est pour ça que ton numérateur ne varie pas...MMMHH! il est une multiplicité de "chaque".
Et pis, la perception elle est où ? Du coup, elle est évincée de ta notion de durée. Pourtant, elle arrive pas après coup. La mémoire, ça n'arrive pas après coup. ça emmagasine déjà ce qui vient de se passer, ça emmagasine toujours.
c'est pour ça que ta mémoire de ce temps est un espace linéaire qui s'effondre sur-lui-même, et que ta durée représente l'éternité de cette ligne d'effondrement, autrement dit que ta linéarité spatiale d'un temps mesuré et étrangement ficelé à l'immobilisme de son infini duplicata effondre l'éternité vers le néant???
Quand même, ton rapport avec la mémoire, il arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.
a l'inverse, si ça peut te rassurer, de l'action d'ouvrir les yeux pour les fermer aussitôt, la sensation de lumière qu'on éprouve et qui tient dans un de nos moments, la perception est ce par quoi nous sommes potentiellement en mesure de percevoir et de condenser de plus en plus l'histoire extraordinairement longue qui se déroule dans le monde extérieur. il y a là dans ce présent, se succédant les unes aux autres, des trillions d'oscillations, et la perception nous permet d'envisager une entrée toujours plus saisissante dans cette réalité.
"le temps" ne s'accélère pas, on s'ouvre à lui par la perception.

ah oui et évite ça s'il te plait !!! "Corrigeons donc Bergson," parce qu'en la matière, même mort, il te donne à réfléchir sur la question du temps.

sinon belle tentative!

Écrit par : bernardadolfmichelmaurice | 08/05/2006

Votre intervention fourmille d'imprécisions et d'incohérences. Allons au plus drôle. En particulier donc : "(...) en supposant deux temps qui se suivent, tu présuppose une chronologie, tu présuppose un temps mesuré. comment la durée peut-elle être différente d'un temps mesuré si elle le présuppose? " Ce que vous dites ici est absurde. D'une part puisque vous l'admettez dans la suite de votre - comment dire ? - "tentative", et d'autre part (et surtout,) si quelque chose présuppose autre chose, celles-ci sont par là même distinguées. Par exemple, la pensée présuppose l'être mais s'en distingue. Mais ceci est une évidence qui échappe sans doute à votre "perception" émoussée...

De même, outre la confusion classique (même si elle est étonnante pour le lecteur revendiqué de Bergson que vous dites être) entre temps et durée, vous méconnaissez et la conscience et le statut de l'habitude, tout en surestimant bien entendu le rôle de la perception, nettement secondaire.

Enfin, évitez (outre le tutoiement) le "évite ça". Je ne vois pas d'ailleurs pas pourquoi ce qui donne à réfléchir devrait être exempt de correction. Au contraire, même.

Écrit par : Anaximandrake | 03/06/2006

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