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23/10/2006

De Magistro

« La question [...], c'est de savoir qui sera le maître. Un point, c'est tout. » (Carroll)
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 « Nous ne détenons pas tous la vérité. » (Skoteinos, Séminaire du 21 octobre 2006)

 

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Si, comme le dit Chesterton, le fou a tout perdu sauf la raison, on peut dire que le fou n'a pas de foi. Et, en effet, le fou a des raisons que la raison n'ignore pas. La nosologie et la clinique psychiatriques sont là pour en témoigner. Ces raisons, donc, n'en sont pas moins des raisons articulées, enchaînées et souvent sévèrement concaténées.


Toutefois, l'illuminé, en ce sens, n'est pas différent du paranoïaque. Tous deux sont mûs par un système sémantique qui les dominent, tous deux surinterprètent à partir d'une position impermutable, et tous deux – étant admis cette double pétition de transcendance – peuvent être dits tout à fait  cohérents. Néanmoins, ce type de foi a son principe de consistance hors de Soi, contrairement à la croyance vraie, qui n'est pas folie en ceci qu'elle l'a en Soi. Ce qui est folie, c'est la croyance en l'Autre (qui n'existe pas) qui s'avère corrélative d'un manque de confiance en l'autre, c'est-à-dire en Soi. Ainsi, une telle foi n'en est-elle pas une ; elle est croyance fausse et folle, d'une folie au moins locale, puisque la proie est lâchée pour l'ombre.


C'est donc par un mirage que le vide du symbolique est rempli. Le système fonctionne, puisque ledit vide n'est pas réellement rempli, mais c'est en boucle qu'il le fait, puisque ce qui constitue la spécificité du symbolique, à savoir qu'il est relation irréductible à chacun de ses termes, est dénié. La parole se fait alors mot d'ordre, c'est-à-dire pression réelle mais absurde. Au fond, celui qui dit « c'est la parole de Dieu » ne parle pas, ou plutôt ne dit rien ; il ne transmet aucune information, ne présente aucun schème universalisable et donc indépendant des conditions de sa profération. Il pourrait dire « je veux », ce serait rationnel et aurait le mérite d'engager la responsabilité du locuteur. Mais au lieu de cela, on l'a vu, il émet un cri ou un borborygme qui indique non pas un sens, mais bien plutôt une direction.  

Puisqu'il semble le falloir, rappelons ceci : « la neige est blanche » est vrai parce que la neige est blanche, pas l'inverse. Notons également que « la neige est blanche » n'est pas faux parce que X (il faut bien que quelqu'un le fasse) dit que la neige est blanche. Simplement, et quoi qu'en dise X (ou même Y), « la neige est blanche » n'est vrai que si la neige est blanche. Comme dit le proverbe, il s'agit de s'intéresser à la lune, pas au doigt qui la montre, c'est-à-dire non pas à qui le dit mais à ce qui est dit, et comment. Oui, la vérité est index sui. Ce qui peut se dire aussi, mais cette fois, à l'antique  : « Ôte-toi de mon soleil ».

Subsumable sous le concept de superstition, le fidéisme en tant que croyance fausse est le fruit du désir frustré et de la peur animale.  Est réclamée une raison dernière (c'est-à-dire des fins idoines) pour conjurer le réel en tant que tel. Ce fidéisme serait d'ailleurs un hyperrationalisme de bon aloi si cette ultima ratio en était une. Mais ce n'est qu'un mot, voire un nom. Bref, c'est une stase. Et qu'est-ce qu'une raison dernière, si ce n'est une raison qui ne raisonne pas ? Le problème est donc bien celui-ci : le fou de Dieu (ou de tout autre substitut paternel, tel l'Ego), n'a pas accès à sa propre souveraineté ; sa topologie mentale, c'est-à-dire affective, relève d'un espace strié par un principe transcendant qui le fait sujet, l'assujettit. Non, rien d'irrationnel dans le désir, c'est selon l'orographie qu'il coule. Ça, les maîtres de tous bords l'ont toujours su et mis en pratique, rationnellement. A ce propos, voir « le très pénétrant Florentin [...] cet homme très sage » (Spinoza). Bref, ce n'est pas un problème de conscience, tant il y a des raisons inconscientes, mais un pur problème territorial.

Si, à la manière de Spinoza et des rationalistes conséquents, on considère qu'il n'y a pas de distinction réelle entre volonté et entendement, il appert que tout mouvement ad
équat de l'esprit est en même temps foi et raison, c'est-à-dire conatus et intellection, et, bien plus, intellection parce que conatus. En effet, une volonté sans entendement est une volonté assujettie, c'est-à-dire une volonté qui est contrainte et dont le principe intellectuel se situe hors de l'individu. On a donc affaire à une volonté non pas libre, id est nécessaire, mais nécessitée, donc passionnée.  Il s'agit alors non d' « animositas » (fermeté d'âme) mais de « fluctuatio animi » (vacillation de l'âme) raffermie par des hallucinations.

La vraie foi, la foi comme telle, est adéquate à la raison. Elle est son mouvement même. C'est ainsi que l'on a raison d'avoir foi en la raison qui est bonne foi. La raison qui se nie, ou plutôt qui se ferme sur elle-même, sature le symbolique en hallucinant une référence hors monde, tel Dieu ou le rien. De même, le sceptique est de mauvaise foi, « il trompe et se trompe » (Sartre), et peut errer, nier et se nier à l'infini. Tout comme le fou, c'est un « automate tout à fait dépourvu d'esprit » (Spinoza) ; il est non pas irrationnel mais  mû par des raisons qui lui échappent. La raison se subordonne à d'autres raisons, mais qui la nient. Le sceptique, qui n'a confiance ni foi en rien si ce n'est en le doute, est à comparer au monothéiste qui n'a foi qu'en une foi qui le suspend a priori, et donc au fou qui n'est qu'indubitables raisons qui le meuvent à son insu. N'est-ce pas servitude, au moins involontaire ? Bref, ce qu'ils disent, c'est qu'il faut quelque chose, quelqu'un, mais en tous cas pas Soi, pour organiser le chaos. Et, contrairement aux références multiples et révisables, homogènes à l'inférence, une référence unique et métastable, c'est une déférence.

La vraie foi est certitude rationnelle ; elle est donc aussi affective, en tant que certitude. Il n'y a en effet pas d'autre certitude que l'intellection car elle est intuition de la nécessité, contrairement à la croyance qui n'est que la sensation (lucide ou non) de la contrainte, et qui cesse avec celle-ci. La croyance du fidéiste n'est pas un supplément, elle est manque de raison et, partant, de foi véritable. Bien plus, elle est réponse à l'incertitude, c'est-à-dire à l'irrationalité de son éthos, imposé ou non, mais, de toute façon, intériorisé. Toujours est-il que l'impie est donc bien le contempteur de la rationalité et le promoteur des arrières-mondes, ces hallucinations topologiques corrélatives d'une soumission qu'il subit et veut faire subir. Son problème est certes rationnel, car réel, mais la solution qu'il propose ne l'est pas, car imaginaire. Elle n'est qu'une dissolution. Car enfin, faire de son propre assujettissement ontique une transcendance ontologique, c'est purement et simplement un aveu d'impuissance. C'est en outre agir tel un infidèle puisque cela revient à rompre la « fidélité déductive » (Badiou), et, sans raisons, s'enchaîner à une transcendance séductrice. Au contraire, tenir l'immanence, c'est y donner foi, s'engager en s'y engageant, ainsi que donner et tenir sa parole, pas celle d'un Autre.


La vraie foi, c'est la foi en ce monde-ci, et le fou, celui qui l'abandonne à l'Autre.

 

 

 

Commentaires

1) On ne peut qu'être d'accord sur le diagnostic...mais le problème reste entier quant aux solutions pratiques à apporter lorsque le fou vous désigne comme l'ennemi. Que faire face à ce Besançon appelle "l'idolatrie de Dieu" ?
2) D'autre part dire que "La croyance du fidéiste n'est pas un supplément, elle est manque de raison et, partant, de foi véritable" c'est oublier que pour certains Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. La vrai foi est alors cette croyance en absolue transcendance de Dieu ce qui n'empêche pas, par ailleurs, l'utilisation des intruments de la raison.
3) "L’islam, qu’on représente comme la religion de la foi, n’a pas besoin de la foi pourcroire, ou plutôt pour constater l’évidence de Dieu. Ce qui est l’objet de la foi, ce n’est pas Dieu, c’est l’unicité de Dieu. Comme pour les Grecs et les Romains, il suffit de contempler le cosmos, la création, pour être certain, avant tout raisonnement, que Dieu, ou le divin, est, desorte que de ne pas y croire est un signe de déraison qui écarte l’incroyant de la nature humaine. Telle n’est pas l’opinion de la théologie chrétienne, selon laquelle la raison ne peut accepter l’existence de Dieu que moyennant enquête et raisonnement. La foi théologale qui est surnaturelle, vient en suite sceller cette certitude" (je cite Alain besançon)
4) Le court texte de Besançon est disponible ici :
http://209.85.135.104/search?q=cache:9lzJFerTeTkJ:www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/besancon/islam.pdf+islam+besancon&hl=fr&gl=fr&ct=clnk&cd=4&lr=lang_fr

Écrit par : Tlön | 24/10/2006

1) Qui peut croire que "lorsque le fou vous désigne comme l'ennemi", le droit naturel est suspendu ? Même si c'est le désir du fou qu'il le soit, le droit et la légalité de la nature n'en perdurent pas moins. Toutefois, que le fou puisse rendre fou, c'est malheureusement un fait avéré. Heureusement, c'en est un aussi qu'il y a une rationalité de la folie. Toute solution particulière dépend de ce constat. En restant général, avisons-nous que l'augmentation de la pression hystérique est fonction de la défection du maître. Ô chiennes d'irresponsabilités !

2) Dire que Dieu est "absolument transcendant" est une tentative de rationalisation. Mais elle est vouée à l'échec. Pourquoi la "vraie" foi, pourquoi le "vrai" Dieu ? La raison a l'avantage de réduire a quia, et donc la croyance irrationnelle à ce qu'elle est : flatus vocis. Et puis, il ne s'agit pas de "nos" catégories car "sa volonté" est "liée" aux catégories universelles. Un ignorant ou un animal sont soumis à la gravité et aux autres lois naturelles même s'ils ont des croyances fausses à propos de la terre et des cieux, et d'ailleurs même s'ils n'ont pas de croyances du tout. Il reste qu'on n'a jamais vu de derviche tourneur s'envoler (même si cela rappelerait Tati, Jacques Tati). S'il décollait, de ce fait même, il existerait une règle universelle qui l'explique. Ce qui signifie que quiconque placé dans ces conditions s'envolerait. Rien n'est hors nature. Que l'on puisse utiliser irrationnellement des instruments de la raison ? Oui, il y a des fous qui peuvent boire dans un verre, même si certains ont des problèmes de boisson. Que le motif puisse être irrationnel et la mise en oeuvre rationnelle, c'est bien ce que je désigne ici sous le chef de paranoïa. Notons que ce type de fou est bien souvent nettement plus rationnel que l'homme raisonnable. Néanmoins, le paranoïaque ne peut exposer ses motivations en tant que rationnelles, et doit donc ériger une transcendance qui sature le système symbolique. Celles-ci sont pourtant explicables rationnellement si on les rattache à des raisons qui ont une cohérence hors de lui. Plus généralement, on l'a vu, que le désir puisse être fou ne signifie pas qu'il est sans raisons.

3) [et 4)] La distinction que Besançon réalise ici entre les monothéismes me semble oiseuse pour la question qui nous occupe. Non pas, bien entendu, qu'elle puisse être pertinente et, pour tout dire, très intéressante, sous d'autres aspects. Mais ici, que la raison puisse avoir un rôle soit différent soit plus ou moins important selon les monothéismes, est secondaire. Il reste en effet que dans les monothéismes ce n'est pas la raison qui détermine à croire. Elle y est ancillaire. Le terme de foi m'apparaît alors inapproprié, raison pour laquelle je parle indifféremment de "fidéismes" à leur sujet. "Constater l'évidence de Dieu" ? Je conteste que quiconque puisse la constater sans avoir eu au préalable une connaissance du livre saint idoine. Sinon, il n'y aurait pas de querelles religieuses. En effet, contrairement à l'esclave de/du Ménon qui retrouve les mathématiques au fond de lui-même avec sa seule raison, personne ne peut en faire de même pour ses textes sacrés avant de les avoir appris. "L'évidence" en question n'est donc qu'affective. C'est pourquoi il est abusif d'employer ce terme d' "évidence" pour désigner l'adhérence à soi caractéristique de toute croyance, rationnelle ou non. De même, d'une manière illégitime, Besançon glisse par apposition de "Dieu" à "divin". Mais on pourrait continuer et parler de non-humain, de surhumain ou même d'inhumain. Bref, que la nature soit démesurément plus puissante que l'homme, c'est cela l'évidence. Elle est aussi un plan de réalité à la fois unique et commun qui s'avère être universel et donc adéquat à la raison. Plus généralement, c'est effectivement un signe de "déraison" que de ne pas croire que l'être est, et donc de considérer que le fait que l'être soit n'est qu'une question ontique et pas ontologique. La folie, c'est de ne pas distinguer nettement ces deux plans. Sinon, on peut croire que ma bouteille d'eau est une divinité omnisciente mais impotente à la fois sarde et sardonique dans laquelle nagent des extraterrestres glabres surmenés par 23 créations du monde et capturés par cette bouteille (qui est en fait la réincarnation incognito de la Dive Bouteille) lors d'un raid musical effectués par ses auxilliaires qui sont des fourmis priapiques géantes juchées sur des saxophones ailés. Où est le problème sinon que c'est là un cas de croyance irrationnelle (dont on peut interpréter la structure et inférer l'étiologie) ? En effet, rien n'empêche qu'elle soit tout à la fois une vraie croyance et une croyance fausse qui, puisque fausse, ne peut atteindre la certitude, c'est-à-dire la foi en tant que telle. Par exemple, on peut croire absolument que le bâton dans l'eau est vraiment brisé, on ne peut en être certain tant qu'on ne l'a pas prouvé. Ainsi, être l'objet d'une illusion, est-ce avoir une vraie croyance mais qui est une croyance fausse. Notons qu'en outre les Anciens étaient rationnels et que la conception anthropologique de Besançon est donc, pour le moins, fort naïve. Nul besoin de rappeler que les variations du panthéon romain épousent celles de la géographie de l'Empire ; une variable d'ajustement, en somme. Le croyant peut être rationnel ou irrationnel, tandis que l'incroyant est fou, car on a raison d'avoir foi en la raison. Il faut bien avoir des croyances mais il n'y a que la raison qui soit adéquate à l'absolu. La foi, la vraie, est certitude, c'est-à-dire qu'en plus d'être une croyance, même sentie absolument, elle est une croyance vraie, qui s'explique et peut être expliquée rationnellement.

Écrit par : Anaximandrake | 24/10/2006

pensez-vous donc qu'ils volent aux instruments??

Écrit par : stanislaw | 25/10/2006

Sans détour, je dirai qu'il est clair que vous, cher Stanislaw, vous connaissez les textes sacrés.

Écrit par : Anaximandrake | 25/10/2006

Beau texte, je souscris à l'épigraphe, mais cette vision de la foi me semble par trop restrictive : c'est aussi un sentiment, par là-même changeant et contradictoire, fait de révolte et d'acceptation, de raison et de déraison (cf le "credo quia absurdum" de Tertullien).

Écrit par : Damien (de sable) | 01/11/2006

Merci, Damien. Mais que la foi soit aussi un sentiment, je ne le nie pas ; bien plus, je suis absolument d'accord sur ce point, raison pour laquelle je l'écris expressément dans ce texte : "La vraie foi est certitude rationnelle ; elle est donc aussi affective, en tant que certitude". Comme je le disais également, et ainsi que je le rappelais à Tlön ci-dessus, notons toutefois que si la croyance n'est qu'affective, elle ne peut être dite foi qu'abusivement. On parlera alors plutôt de "fidéisme" pour cette croyance fidéiforme, non de foi au sens strict qui, elle, est en plus certitude rationnelle. Oui, bien loin d'être ou de proposer un quelconque "supplément", le fidéisme relève d'un manque, nommément d'un manque de rationalité. Par exemple, le fameux "credo quia absurdum" (que j'évoquais également il y a quelques notes) montre que si le fidéisme tente de récuser la raison, parfois, il fait même hystériquement de cette récusation la raison pour laquelle croire. Encore une fois : flatus vocis et confirmation de la rationalité par ses contempteurs mêmes. Puisque le requisit de l'apparaître est la consistance logique, un apparaître absurde est une hallucination. Ainsi, s'il y a supplément, n'est-il pas d'âme mais d'imaginaire, et ce, en lieu et place de la réalité réclamée. Bref, le fidéiste est, au mieux, pusillanime. En effet, quant au caractère "changeant et contradictoire" du"sentiment", ce qu'on peut bien appeler (comme je le fais dans ce texte à la suite de Spinoza) "fluctuatio animi", il s'avère sans conteste être isomorphe au doute. Or, qui doute ne peut être dit avoir la foi ; on peut même dire qu'il l'a perdue. Ce qui n'empêche bien sûr pas qu'il puisse la retrouver. Oui, si "tout mouvement adéquat de l'esprit est en même temps foi et raison", tout mouvement de l'esprit n'est pas adéquat, même si toute inadéquation est asservissement.

Écrit par : Anaximandrake | 02/11/2006

Parlant de maîtres, j'en vient au dit disciple, que pensez-vous des gesticulations de Mehdi Belhaj Kacem ?

Écrit par : ghost_shifter | 02/11/2006

La préciosité de ce texte ne peut en cacher les limites (à moins qu'il ne s'agisse que d'exercice dissertatif, sns véritable engagement). Le partage raison/folie n'est pas rationalisable! Comment voulez-vous! Comment voulez-vous dissocier à partir de l'un seul des termes! Sur ce point lire le texte de Derrida sur Foucault "Cogito et histoire de la folie". Pourtant Derrida n'est pas ma tasse de thé! Tout votre texte tourne autour du postulat non avoué que le fou, le fanatique, le fou de Dieu, c'est l'Autre. Comment vous prémunissez-vous du fanatisme que vous voyez en l'Autre? Comment soulagez-vous votre raison et votre foi en la raison de tout soupçon de fanatisme? Que peut bien être une immanence à l'abri de tout délire, de toute faille, de tout besoin d'Autre et de transcendance? Ne serait-ce pas un délire? Ne devons-nous pas constituer, nous qui ne jetons pas de bombes et les terroristes qui se font bombes, un même monde , une même humanité? Que proposez-vous? Les tuer tous? Comme fit de ses ennemis le modèle qui inspira le "Florentin"?

Écrit par : sancho | 03/11/2006

C'est faux, Sancho. Que le "partage raison/folie" ne soit pas rationalisable est une assertion auto-réfutative. Que faites-vous donc si ce n'est le rationaliser en le posant ce "partage", puis en disant qu'il n'est pas rationalisable ? N'est-ce pas (au moins) une distinction de raison que de distinguer raison et folie ? Bref, vous prétendez distinguer sans distinguer, ce qui est absurde. Vous continuez d'ailleurs dans cette voie en parlant de la polémique Foucault-Derrida. D'une part, n'oubliez pas de lire le texte magnifique de Foucault intitulé "Mon corps, ce papier, ce feu" qui est réponse à "Cogito et histoire de la folie" de Derrida. D'autre part, leur différend ne se situe pas là où vous le dites, et, en outre, vous semblez inverser les positions. Quoi qu'il en soit, nul n'est ici besoin d'invoquer ces éminents auteurs, car, que la raison pose la folie comme ce qui se distingue d'elle, ceci, qui, à part vous, le conteste ? Le problème est dans les modalités, pas dans la distinction elle-même. De même, je ne dis pas que le fou c'est l'Autre car je dis que l'Autre "n'existe pas". En l'espèce, il ne s'agit d'ailleurs pas de "l'autre" non plus puisqu'est par exemple précisé que tout mouvement de l'esprit n'est pas adéquat. C'est parfois l'un et parfois l'autre et parfois les deux puisque tout un chacun a un entendement et une puissance limités. Quel "fanatisme" ? Celui de prendre acte que l'erreur est humaine, qu'elle est un manque de raison, temporaire ou non, qu'y persévérer est folie (auto-)destructrice, que le doute naît avec l'apparition d'une inconsistance et cesse avec la preuve etc. ? Le "délire", c'est de prétendre comme vous le faites que l'immanence a besoin d'une transcendance. Je vous renvoie ici au Lalande et aux définitions de ces termes. Voyons, Sancho, me parlerez-vous aussi d'un "cercle carré" ? "Constituer une même humanité ?" C'est une évidence et, dans ma réponse à Tlön, je parle d'"un plan de réalité à la fois unique et commun qui s'avère être universel et donc adéquat à la raison" ; j'invoque également des "problèmes [...] réels", etc. Relisez. De même, je vous demande de surveiller votre langage. Les "tuer tous?" Où avez-vous vu cela ? Qui le propose ? A qui cela s'applique-t-il ? D'ailleurs, vous latéralisez bien vite les "bombes". De même, vous simplifiez abusivement le "Florentin" et implicitement le condamnez selon des critères non seulement moraux mais platement manichéens. Car Machiavel (et même Rousseau ne s'y est pas trompé) est l'un des penseurs qui porte la rationalité au sein des questions brûlantes et évite la naïveté et la présomption irresponsable du "fanatisme" des bons sentiments. Celui-ci est un terrorisme qui, comme tel, est le fait des terrorisés. Bref, Sancho, un peu de sang-froid. C'est en effet à la rationalité qu'il convient de recourir et à laquelle je vous enjoins, et ce, surtout si vous récusez toute violence. Mais, n'allez pas en conclure que la rationalité exclut la violence. Bref, réfléchissez et n'hésitez pas à faire preuve d'un "véritable engagement", c'est-à-dire : commencez par être cohérent. De même, Sancho, dépassez vos "limites" et astreignez-vous à une lecture un tant soit peu suivie de ce que vous prétendez commenter.

Écrit par : Anaximandrake | 03/11/2006

Ghost, l'assertion de MBK relative à ce qu'il nomme la "forclusion de l'affect" chez Badiou me semble pertinente bien qu'anecdotique et bien trop taillée à la serpe. En outre, sa vulgarisation de la philosophie badiousienne n'est pas fausse. Mais il reste dépendant de la position badiousienne du problème des rapports entre les philosophies de Deleuze et de Badiou, tout en prétendant la dépasser par un raccourci psychanalytique. Pour le reste, cela ressemble un peu trop à de l'association libre.

Écrit par : Anaximandrake | 03/11/2006

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