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15/09/2005

Locus solus

« Nous avons existé. Telle est notre légende. » (Houellebecq)

 

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On peut définir brièvement la révolution socratique comme suit. Le centre de gravité de l'être s'y déplace du réel vers le langage. Non pas que le langage soit outil forgé en vue de l'acte réel. Point ici de logique anticipative ni prédictive. La révolution socratique n'est pas une révolution scientifique. L'apport naturaliste d'Aristote se construira au contraire contre cet héritage dialectique et contre la méthode de division.

 

Non. Le langage prend, avec Socrate et son disciple Platon, la valeur du réel ; il s'y substitue et prétend valoir pour lui. En termes lacaniens - platonisant pourtant devant le scribe éternel - le symbolique absorbe le réel. Le réel du symbolique s'amenuise donc et perd son efficace réelle. La conséquence est évidente : l'imaginaire perd toute mesure et devient souverain. La fonction capitale et paradigmatique des mythes de Platon en est l'illustration évidente. Comme le dit Spinoza à propos du prophète, on a affaire ici à une imagination forte et à un entendement faible. Le secret des tyrannies se montre à découvert, d'autant plus aveuglant.

 

Ici, l'être n'est plus le noeud entre réel, symbolique et imaginaire. L'entre guillemets devient lèse-majesté et l'être n'est plus que ce qui passe par la bouche. Les Stoïciens sauront parodier cette névrose et proposer une logique de l'événement alternative. Car - et ce n'est paradoxe que pour les désincarnés de tous types - c'est l'incorporel qui rend possible le mélange réel des corps. Il est la condition de possibilité même de l'événement. Oui, n'en déplaise aux myriades égoïques, le symbolique est transcendantal.

 

 

 

Commentaires

Ne faut-il pas distinguer entre émettre par la bouche, fût-elle d'ombre, une parole poétique/prophétique, et pisser de la copie pour marquer son territoire- ce qui se fait le plus couramment ? Entre une parole d'amour et une tentave d'accaparement ?
Raymond Roussel ouvre un monde et le déploie.
La parole courante, pour ne pas dire diarrhéique, clôture un espace et l'interdit.

Écrit par : Alina | 15/09/2005

En effet, il s'agit encore et toujours de distinguer. Le sacré et le profane ne sont tels que par ce qui les distingue, c'est-à-dire par leur limite qui est le chiffre de leur différence. L'interdit c'est la confusion qui est double négation, et non pas l'affirmation de leur irréductibilité, seule garante de leur jonction réelle.

Écrit par : Anaximandrake | 15/09/2005

Et il répondit aux questions : la mathématique était langage, et le temps (le Temps ?) était la variable t.

Écrit par : Big Brother | 15/09/2005

Si vous le dites.

Écrit par : Anaximandrake | 15/09/2005

"En effet, il s'agit encore et toujours de distinguer. Le sacré et le profane ne sont tels que par ce qui les distingue, c'est-à-dire par leur limite qui est le chiffre de leur différence. L'interdit c'est la confusion qui est double négation, et non pas l'affirmation de leur irréductibilité, seule garante de leur jonction réelle."

Quel beau livre d'écrivain à faire là! Ne reste plus qu'à passer la limite qui est effectivement le chiffre de leur différence, au coeur de l'angoisse. Excusez-moi par avance, Magister, si j'ai une imagination trop forte et un entendement faible.

Écrit par : un admirateur anonYme | 15/09/2005

Si j'avais eu un bon Pr. de philo comme toi, je ne serais peut-être pas employé de bureau.

Écrit par : sk†ns | 16/09/2005

Magister, vous venez de répondre à un ancien questionnement : "Qu'est ce que tout cela signifie ?".

Écrit par : Lambert Saint-Paul | 16/09/2005

AnonYme, l'entendement s'accroît quand l'ego se recule.

"Ses ailes de géant l'empêchent de marcher." (Baudelaire)

Sui-référence, cher Lambert.

Écrit par : Anaximandrake | 17/09/2005

Socrate n'écrivait pas, j'ai peur que tu ne confondes la parole de Socrate qui visait à éveiller les consciences et la dialectique de Platon qui vise tout autre chose par exemple le pouvoir d'influence ...

Écrit par : Alcibiade | 17/09/2005

J'ai peur que tu ne m'aies pas bien lu ; une peur, certes, relative.
Quoi qu'il en soit, le Phédon est socratique et Platon était malade.

Écrit par : Anaximandrake | 17/09/2005

Qu'est-ce qui te prouve que Platon était le disciple de Socrate, la parole de Platon ?

Diogène Laërce fait un portrait tout différent de Socrate ...

Ou bien le vrai Socrate serait-il celui d'Aristophane ?

Mais tu dois seul connaître la vérité sur Socrate car tu es sans doute son prophète !

Moi j'ai essayé de coucher avec Socrate mais je n'y suis pas arrivé, toi tu as accouché son esprit ...

Écrit par : Alcibiade | 18/09/2005

C'est toi qui prétend connaître la vérité sur Socrate et sa P/parole. Relis donc ton premier commentaire presqu'aussi caricatural que le second. Et, accessoirement, relis le texte que tu commentes car il n'y est pas dit ce que tu dis qu'il y est dit. Et, enfin, relis aussi Xénophon. Tu pourras ainsi commencer à raisonner sans être aveuglé par l'agalma, mais mû par le désir.

Écrit par : Anaximandrake | 18/09/2005

n'est-ce pas là le piège platonicien dans lequel est tombé Aristote que de croire pouvoir atteindre le réel par le langage (inductif) ?
Socrate ne vise-t-il pas au contraire à éveiller ses interlocuteurs en leur démontrant les pièges relevant d'une logique incomplète du langage, dans lesquels ils tombent si fréquemment ? La dialectique de Socrate ne vise-t-elle pas purement l'elenchos, contrairement aux dialogues de Platon ?

Écrit par : antares | 19/09/2005

C'est effectivement une question majeure. Je vous suis dans votre postulat que Socrate différait des autres sophistes. Simplement, et en relation à votre commentaire sur la note précédente, il professait évidemment une éthique aristocratique au sein d'une démocratie, ou plutôt d'une ochlocratie. Il prouva, de toute sa maîtrise langagière et au prix de sa vie - et c'est là tout le problème - , que le langage est hétérogène au réel (toujours au sens lacanien), et ne peut s'y substituer. Le fit-il depuis toujours en conscience ? Le fit-il jamais ? Peut-on parler d'un sacrifice socratique ? Ceci est un autre débat. En effet, nous éviterons, au contraire d'Alcibiade, de prendre Socrate pour un maître et de prétendre, fantasmatiquement, en pénétrer les intentions. Nous pensons lui rendre meilleure justice en le considérant comme un philosophe, c'est-à-dire en nous en tenant à ses paroles et à ses actes (tels que la tradition les rapporte), ainsi qu'à leurs effets.
Quant à Aristote, il posa les prodromes de la prise symbolique sur le réel. Il s'agit bien ici de science. Mais on n'atteint ainsi l'être qu'en imagination.

Écrit par : Anaximandrake | 19/09/2005

« Nous devons d’abord distinguer une distribution qui implique un partage du distribué […]. Un tel type de distribution procède par des déterminations fixes et proportionnelles, assimilables à des propriétés ou des territoires limités dans la représentation […]. Tout autre est une distribution qu’il faut appeler nomadique, un nomos nomade, sans propriété, enclos ni mesure. Là, il n’y a plus partage d’un distribué, mais plutôt répartition de ceux qui se distribuent dans un espace ouvert illimité, du moins sans limites précises. » (Deleuze, Différence et répétition)

Et Roussel n'est-il pas lui même dans un espace bien fermé au réel malgré l'ampleur de son déploiement mécanique ?

Amanda

Écrit par : Amanda | 03/10/2005

Les commentaires sont fermés.