26/03/2012
Πολιτεία
« La république est le gouvernement qui nous divise le moins. » (Adolphe Thiers)
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« [L]'ontologie [...] n'admet pas de doctrine de l’événement, et donc de l'historicité proprement dite. Avec l'événement, nous avons le premier concept extérieur au champ de l'ontologie [...] C'est là, comme toujours, un point qu'elle décide, par un axiome spécial, l' "axiome de fondation" [...] L'ontologie n'admet pas que puissent exister, c'est-à-dire être comptés pour un comme ensembles par son axiomatique, des multiples qui s'appartiennent à eux-mêmes. Il n'y a aucune matrice recevable de l'événement [...] L'axiome de fondation dé-limite l'être par l'interdit de l'événement. » (Alain Badiou)
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« L'événement diffère en nature avec les propriétés et les classes. » (Gilles Deleuze)
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"Survival is a privilege which entails obligations. I am forever asking myself what I can do for those who have not survived." (Simon Wiesenthal)
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"Amendment II. A well regulated militia, being necessary to the security of a free state, the right of the people to keep and bear arms, shall not be infringed." (United States Constitution)
« Entre quatorze trente et quinze heures, voici ce dont j'ai été le témoin : un cortège pacifique de manifestants, comprenant des hommes et des femmes, s'était engagé dans la rue d'Isly, en direction de la place Bugeaud, avec deux drapeaux tricolores en tête, dans le plus grand calme, sans proférer aucun cri.
Les manifestants très nombreux, plusieurs milliers, s'étaient déjà engagés dans cette rue.
A l'entrée de la rue d'Isly, près de la Grande Poste, se trouvait une section de soldats à casque lourd, composée de huit ou dix musulmans et de deux Français, commandée par un jeune lieutenant blond. Ce groupe était disposé en travers de la rue d'Isly, en face du café Le Derby, et formait une sorte de barrage qui cependant laisser filtrer la foule qui marchait vers la place Bugeaud.
Les soldats manifestaient de la nervosité. Quelqu'un parlementa avec le lieutenant pour qu'il continue à laisser passer la foule. Le lieutenant paraissait désorienté et inquiet. A un douanier excité qui le prenait à partie, il répondait : "Laissez-moi, je ne peux être partout à la fois." A d'autres, il disait : "Passez vite et partez".
Ses hommes, agités, quittaient le milieu de la rue et se réunissaient sur le trottoir, devant la pharmacie Carcassonne. Pour qu'ils ne tirent pas, un soldat français et un soldat musulman relevaient en l'air avec la main le canon des mitraillettes que les autres tenaient braquées horizontalement vers les passants.
Il devenait évident que ces hommes, ayant l'allure et le parler des bergers primitifs des montagnes algériennes allaient tirer. Soudain l'un dit, en arabe : "Allez, tirez sur les chrétiens !" ; et un autre : "On nous a dit... tirez sur les chrétiens."
J'ai crié aussitôt : "Ils veulent tirer, sauvez-vous !" et j'ai traversé la rue pour décider un groupe, sur l'autre trottoir, à fuir, en hurlant : "Partez, partez !" Les rafales ont éclaté aussitôt et je me suis couché sur le trottoir, la tête protégée derrière un arbre. De longues minutes durant, sans interruption, les rafales saccadées partaient du groupe de soldats sur le trottoir d'en face. Elles étaient dirigées surtout dans l'axe de la rue d'Isly, vers la place Bugeaud, c'est-à-dire dans le dos des passants qui avaient franchit le barrage. A quelques mètres de moi, caché dans le couloir d'un immeuble, un soldat français criait en vain : "Assez ! Assez ! Cessez le feu !"
Puis le feu a cessé pour reprendre par intermittences pendant plus de quinze minutes. J'ai pu enfin gagner un couloir d'immeuble, puis mon domicile, au 47 bis, rue d'Isly. La patrouille avait disparu. Je précise que dès les premiers coups de feu je n'ai plus revu le lieutenant. »
(Colonel Émile-Joseph Duzer*)
Il y a cinquante ans, le 26 mars 1962 à 14h50 environ, l'armée française tira sur la foule et massacra au fusil mitrailleur des civils pacifiques et sans armes, civils qui se trouvaient être des citoyens français. Parmi eux, des enfants, des femmes, des adolescents et des vieillards. Pendant une quinzaine de minutes, la foule, comme prise dans une nasse, est mitraillée méthodiquement. Des blessés sont achevés à bout portant. On tue ceux qui leur portent secours (médecin, ambulancier, etc.) On compte environ 80 morts et 200 blessés**. « La chaussée n'est plus qu'un champ dévasté où gisent les blessés et les morts, parmi les flaques de sang, les sacs à main, les chaussures, les éclats de vitres... Au coin de la rue d'Isly, plusieurs cadavres sont allongés sur le trottoir. Un prêtre leur donne rapidement l'absolution tandis que les armes automatiques continuent à crépiter***. »
Ce massacre fait suite au siège de Bab-El-Oued (quartier populaire d'Alger majoritairement européen), au moment où le reste des Algérois, par solidarité, se rassemblent dans le quartier huppé du centre d'Alger près de la Grande Poste, de la place du Gouvernement, de l’Hôtel de ville et des Facultés, pour aller manifester leur soutien aux populations sous blocus militaire. En effet, Bab-El-Oued, devenu le principal bastion de l'OAS, est ratissé depuis plusieurs jours par l'armée française. Des soldats du contingent sont tués. Les immeubles et appartements sont ravagés pour trouver les caches de l'OAS. Des enfants tombent sous les balles perdues. On tente d'affamer les civils : le quartier est privé de ravitaillement par l'armée et les provisions sont détruites. Les médicaments ne peuvent entrer non plus dans la zone bouclée. On est proche de la guerre civile.
Certes, le FLN est exsangue et a bel et bien perdu la bataille des armes. Mais il a pourtant gagné la bataille politique : le gouvernement gaulliste devient en effet son auxiliaire en Algérie (18-19 mars 1962). Toutefois, la population d'origine européenne (1 million de personnes sur 9 millions d'habitants), les Harkis, mais aussi l'élite de l'armée française, sont réticentes à abandonner les départements français d'Algérie, partie intégrante de la République, et de la France depuis près d'un siècle et demi (soit environ cinq générations).
Ainsi, des officiers sont-ils passés l'année précédente du côté des putschistes, et certains rejoignent même l'OAS. En effet, que l'armée change d'ennemi au milieu même d'une longue bataille sur le point d'être gagnée, et se retourne contre des Français et leurs alliés arabes, déclenche chez eux dégoût et incompréhension****.
C'est dans ce contexte qu'a lieu le blocus de Bab-El-Oued. La Marine, en la personne du capitaine de vaisseau Picard d'Estelan, commandant du Surcouf, refuse d'obéir à un ordre direct du chef du gouvernement lui intimant de tirer au canon sur Bab-El-Oued depuis son vaisseau de guerre. Il devient de plus en plus évident que, dans son ensemble, l'armée, si la population d'Alger descendait en masse dans la rue, n'ouvrirait pas le feu. Le gouvernement gaulliste, aux affaires depuis 1958 justement à la faveur des événements d'Algérie, serait alors en mauvaise posture après sa volte-face politique.
Le recours aux « barbouzes » n'étant pas suffisant, le général Ailleret*****, fidèle au pouvoir gaulliste, se rend alors à Berrouaghia. Il y visite le 4ème Régiment de Tirailleurs, unité mixte composée, comme on disait à l'époque, de Français et de Musulmans. Régiment peu adapté au maintien de l'ordre en milieu urbain, il a déjà pourtant rempli ce rôle par deux fois, et a obéi aveuglément aux ordres, n'hésitant pas à tirer sur des civils (musulmans dans ce cas).
Le 26 mars 1962, Alger est quadrillé par les forces de l'ordre. Si les barrages tenus par les gardes mobiles tiendront comme à l'accoutumée sans effusion de sang, c'est le barrage du 4ème R.T. qui sera la scène du massacre. Le lieutenant kabyle Daoud Ouchène reçoit par radio une confirmation des ordres de sa hiérarchie : il faut ouvrir le feu sur la foule. Mais les témoins et les correspondants de la presse étrangère sur place le confirment : la foule voulait certes marcher sur Bab-El-Oued mais elle n'était pas menaçante, pas plus que celle proche des autres barrages.
Les autorités gaullistes parlèrent de coups de feu tirés depuis les toits ou les fenêtres d'immeubles avoisinants. Pourtant, dans ce genre d'opération, ces positions sont sécurisées et investies par les forces de l'ordre, justement pour éviter ce genre de choses. Les nombreux témoins confirment d'ailleurs leur présence à ces endroits stratégiques et ne mentionnent pas de tirs. Raisonnons par l'absurde : même si un coup de feu avait été tiré d'une fenêtre sur les soldats du 4ème R.T., en quoi la réponse de l'armée française consistant à mitrailler une foule de civils en contrebas pendant un quart d'heure a-t-elle un sens ? Et pourquoi achever les blessés ? Ce massacre n'est-il pas totalement disproportionné dans le cadre d'une simple situation de maintien de l'ordre, situation théoriquement bien moins intense que d'autres où les manifestants brandissent projectiles ou bâtons ?
Aucune réponse ne sera jamais donnée, car cette question n'est pas la bonne. Il s'agit en fait de la dure réalité d'une opération délibérée de Terreur d'Etat lors d'une guerre civile où deux légitimités s'affrontent. A ce propos, il reste toujours saisissant de revoir l'apparition télévisée, deux jours après le massacre, de Christian Fouchet******, haut-commissaire en Algérie française depuis le 19 mars, qui blâme l'OAS de conduire les Algérois à la mort alors que c'est lui qui donna l'ordre de tirer sur des civils.
A la suite de ce massacre toutefois trop gênant, les morts de la rue d'Isly furent rassemblés dans les morgues, confisqués à leur famille, dispersés dans divers cimetières d'Alger et enterrés dans des fosses communes. Les autorités gaullistes détruisirent les films (pas tous...) tournés par les télévisions françaises et étrangères (BBC en particulier), on censura les journaux (et au contraire de la presse française, la presse internationale fut éloquente), des archives disparurent, le dossier d'instruction du juge Charbonnier fut opportunément « égaré », le Livre Blanc à l'initiative de députés interdit, etc. Le pouvoir gaulliste invoqua timidement l'excuse d' « une foule furieuse », que les images et les témoignages infirment absolument. Une excuse, on l'a vu, inadaptée d'ailleurs en son principe car la foule sans armes eut pu facilement être dispersée sans un tel acharnement. Cela n'empêcha pas que des décorations furent demandées pour les auteurs de ce singulier « acte de bravoure ».
Techniquement parlant crime contre l'humanité et acte de guerre civile (le précédent semble remonter à la Commune de Paris en 1871), cet épisode trop méconnu de la guerre d'Algérie en manifeste aussi le réel, c'est-à-dire ce qui échappe à sa représentation. Ce genre d'événement, au sens philosophique, a la caractéristique de brouiller les catégories, car il est impossible à justifier sauf à se contredire. Irrécupérable pour les récits historiques édifiants de quelque bord que ce soit*******, il semble qu'il doive rester inassimilable : une vision quasi hallucinatoire où le général de Gaulle fait utiliser à son profit des méthodes terroristes dignes d'Oradour contre des civils sans armes, hommes et femmes de tous âges, et de surcroît, citoyens français. Oui, un événement est ce qui, selon l'ontologie, ne peut pas avoir lieu.
Il ne s'agit bien entendu pas ici de se prononcer sur le fond, de choisir un camp, ni d'examiner leurs raisons. Chacune des factions (évidemment le F.L.N., mais aussi, on l'a vu, les représentants gaullistes de l'Etat français) ayant sombré dans la facilité d'une montée aux extrêmes (qui est le contraire d'une radicalité véritable), les adversaires en présence se rejoignent dans un même échec intellectuel et moral.
Tout avait censément commencé par un coup d'éventail en 1827 (il y a donc 185 ans), donné par le Dey d'Alger au Consul de France. Mais c'est en 1830 que la conquête française proprement dite a commencé. Dettes non honorées par la France d'une part, piraterie endémique, entrave au commerce et razzia sur les côtes européennes (prises d'esclaves européens par les barbaresques) de l'autre, les raisons d'un conflit ne manquaient pas. Mais il s'agissait surtout pour la France de ne pas se laisser distancer par les Anglais dans la course aux colonies (l'Allemagne, au début du siècle suivant, se retrouvera dans une position délicate du fait de son retard en la matière). Envisagée en 1808 par Napoléon, Tocqueville voit même dans cette conquête le salut de la France.
Conquête française, donc. Mais parler de conquête de l'Algérie serait équivoque ; on disait plutôt : la campagne d'Afrique. En effet le littoral d'Algérie est à cette époque un territoire ottoman : la régence d'Alger est gouvernée par le dey Turc Hussein, secondé par trois beys qui sont ses vassaux et qui commandent le Titteri, Oran et Constantine. Des tribus autochtones sont d'ailleurs en révolte contre son joug, mais en ordre très dispersé.
Après un blocus maritime (1827-1830), puis un débarquement à Sidi Ferruch le 14 juin 1830, la ville d'Alger est prise le 5 juillet par l'armée française lors d'un expédition composée de près de 40 000 soldats et de 30 000 marins. Le Dey, théoriquement fort de 50 000 hommes, ne pouvait en réalité compter que sur quelques milliers de janissaires. Le reste des troupes se composait en effet de membres de tribus étrangers aux castes ottomanes. Rapidement, des régiments de zouaves (principalement berbères) sont d'ailleurs intégrés à l'armée française.
Cette campagne se poursuit jusqu'en 1837, le 13 octobre, quand tombe Constantine. Parallèlement, l'émir berbère Abd-el-Kader lutte contre les reliquats des forces turques mais aussi contre les Français. Il s'allie à la France puis s'y oppose de nouveau. Entre 1832 et 1847 (date de sa reddition à Lamoricière, après la prise de sa smala par le duc d'Aumale en 1843) Abd-el-Kader tente de construire un Etat avec le soutien d'Anglais et de Prussiens. Mais les diverses tribus arabes se retournant contre lui, il doit finalement se soumettre à la France. Parler de nation algérienne autochtone serait pour le moins anachronique.
Le centre du pays, quant à lui, ne sera pacifié que vers 1870. Et les campagnes du Sahara, commencées en 1882, ne seront définitivement remportées par l'armée française qu'en 1902.
Toujours est-il que la colonisation******** de la partie septentrionale de l'Algérie débute en 1830. A partir de cette date, des grands propriétaires français, des familles de soldats et d'officiers de l'expédition française, et des volontaires parisiens des journées de juillet s'y installent. Ensuite, viennent des Maltais, des Espagnols (en particulier des Mahonnais, etc.), des Italiens, et aussi des Suisses, des Allemands et des Anglais, ainsi que, bien entendu, des Français de Métropole (dont des Républicains de 1848). A partir de 1870, de nombreux déportés de l'Alsace-Lorraine perdue militairement par la France y trouveront une terre d'accueil. La même année, le décret Crémieux donne la nationalité française aux Juifs d’Algérie, une communauté présente sur ce territoire depuis l’Antiquité.
Des récits historiques pittoresques écrits au dix-neuvième siècle permettent de voir comment cette conquête était racontée à l'époque. Outre un aperçu historiographique, on peut y suivre les « aventures » de Bourmont, Damrémont, Sillègue, Hurel, Berthezène, Duperré, Buisson d'Armandy ainsi que des ducs d'Aumale, de Rovigo, de Nemours, de Bugeaud (duc d'Isly), de Monck d'Uzer*********, et de Clauzel, Colomb d'Arcines, Trézel, Walewski, Desmichels et autres Lorvedo. Notons que beaucoup d'entre eux firent leurs armes lors des guerres du Premier Empire. Parmi des centaines d'exemples :
Marquis de Bartillat, Coup d'œil sur la Campagne d'Afrique en 1830 (1831)
Amédée Hennequin, La conquête de l'Algérie (1857)
Céline Fallet, Conquête de l'Algérie (1867)
Alfred Nettement, Histoire de la conquête de l'Algérie (1870)
Ferdinand-Désiré Quesnoy, L'armée d'Afrique depuis la conquête d'Alger (1888)
Camille Rousset, La Conquête de l'Algérie 1841-1857 (1904)
Bien entendu, en 1962, l'idéal eut été de parvenir à ce que l'Algérie fût à tous ceux qui l'avaient faite, sans distinction de race ou de religion, avec des citoyens dotés des mêmes droits et devoirs. Mais l'idéal, par définition, c'est ce qui ne s'incarne pas. En 1962, l'Algérie agricole et le Sahara pétrolifère passèrent donc d'une oligarchie à une autre**********.
La France fut finalement privée de son Empire. Car vingt-cinq ans après, il n'en restait plus rien, sinon les stigmates, et ses contradictions importées au sein même de l'orbe française diminuée. Lorsque les conflits ne sont réglés que sur le plan des apparences, le réel ne peut que faire retour, et d'abord sous la forme du symptôme, disait Lacan, l'autre pape de cette époque. Et nous sommes tentés de penser sans originalité que c'est la substance même de l'Histoire.
Ainsi, l'horizon restreint d'une Union européenne compensa-t-il tant bien que mal dans les consciences la perte de l'Empire. Les paroles mystiques du médiatique général opérèrent la transsubstantiation de ses défaites en victoires, grâce à la magie du verbe. La majorité resta silencieuse. Mais quelle sera-t-elle demain et quels seront les boucs émissaires ?
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* Colonel Émile-Joseph Duzer (à la retraite à l'époque des faits). Ethnographe, orientaliste et interprète militaire. Officier de cavalerie (7ème régiment de dragons, puis 5ème régiment de chasseurs d'Afrique), et des Services de Renseignements (Etat-Major du 19ème Corps d’Armée) puis des Affaires Indigènes (conquête et pacification du Maroc, Oujda, Berkane, Taourirt, Djelfa, Aflou, Sahara, Rif, etc.). Il fut un proche collaborateur de Lyautey, et en poste au Maroc, et en Algérie. Nommé ensuite colonel des Affaires Militaires Musulmanes au sein du Gouvernement Général de l'Algérie et de la Direction des Territoires du Sud. Commandeur de la Légion d'Honneur à titre militaire, Commandeur de l’Ordre du Ouissam El Alaouite, Commandeur de l'Ordre du Nichan Iftikhar, et Officier de l'Ordre du Nichan Hafidien. Croix de Guerre avec palme (citations à l’ordre de l’armée).
** Cf. en particulier Le Livre blanc, Alger, 26 mars 1962 ; publié sous l'égide des députés du « Groupe Unité de la République ». Il s'agit d'une compilation des déclarations de témoins et de photographies.
*** Jean-Pierre Farkas (Radio Luxembourg)
**** Cette déclaration du commandant Hélie Denoix de Saint Marc, faite lors de son procès, est emblématique de leurs sentiments. De même, le maréchal Juin, déclara le 2 juillet 1962 : « Que les Français en grande majorité aient, par réferendum, confirmé, approuvé l'abandon de l'Algérie, ce morceau de la France, trahie et livrée à l'ennemi. Qu'ils aient été ainsi complices du pillage, de la ruine, du massacre des Français d'Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats qui avaient une confiance totale en nous et ont été torturés, égorgés, dans des conditions abominables, sans que rien n'ait été fait pour les protéger : cela je ne le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour, tôt ou tard, le châtiment. »
***** Commandant supérieur interarmées en Algérie depuis 1961, et mort (malheureusement avec sa famille) à la Réunion le 9 mars 1968 lors d'un « accident » aérien d'un DC-6.
****** Fouchet qui aurait déclaré au général de Gaulle qui lui reprochait de n'avoir pas fait ouvrir le feu en mai 1968 : « Souvenez-vous de l'Algérie, de la rue d'Isly. Là, j'ai osé [faire tirer] et je ne le regrette pas, parce qu'il fallait montrer que l'armée n'était pas complice de la population algéroise. » (Jean Mauriac, L'après de Gaulle, Paris, Fayard, 2006, p. 41)
******* En effet, le jour même du massacre de la rue d'Isly, dix musulmans sont assassinés en "représailles" dans le quartier Belcourt d'Alger. Un autre exemple : l'année précédente à Oran, à partir du mois de février, le FLN commet d'atroces attentats terroristes qui déclenchent des représailles de l'OAS six mois plus tard.
******** « [I]l ne s'agit plus de dépouiller ou d'exterminer des peuples, ni de leur donner des chaînes, mais de les élever au sens de la civilisation, d'association, dont nous fûmes toujours les représentants les plus généreux, et je dirai aussi les plus persévérants [...]. Le mot de colonisation ne représente donc pas pour moi l'idée [...] que devaient en avoir les Anglais de la compagnie des Indes, ou les Anglo-Américains exterminateurs des Peaux-Rouges, ou bien les Espagnols ou les Portugais, lorsqu'ils ravageaient, à la suite de Colomb et de Vasco de Gama, les Indes Occidentales, et Orientales. » (Prosper Enfantin, Colonisation de l'Algérie, 1843, pp. 32-33)
********* Général Louis Duzer, ci-devant d’Uzer, sieur de Salut, né en 1778 et décédé en 1842 (dit aussi : Louis de Monck d’Uzer, Louis de Monk d’Uzer, Louis Monck-Duzer, Louis Munck d'Uzer, Louis d’Uzer de Salut, Louis Duzer-Salut, etc.). A la tête d'une brigade en tant que maréchal de camp (i.e. général de brigade) lors de l'expédition d'Alger en 1830, puis, après un bref passage à Grenoble pour rétablir l’ordre, devient gouverneur de la province de Bône (l'Hippone de Saint Augustin) entre 1832 et 1836. Grand propriétaire terrien, il fut l' « inspirateur » de la politique ainsi que de la devise (Ense et Aratro) du maréchal Thomas Bugeaud (marquis de la Piconnerie et duc d'Isly), qui consiste à joindre la colonisation agricole à l'occupation militaire (création des Bureaux des Affaires Arabes). Chevalier de Saint Louis et Grand Officier de la Légion d’Honneur, Louis d’Uzer est le fondateur de Duzerville.
********** « Le nationalisme algérien n'existait vraiment que dans des sphères assez restreintes, chez une minorité d'agitateurs politiques et de terroristes. Ce nationalisme ne touchait pas profondément les masses qu'il aurait été possible, selon toute vraisemblance, de rallier définitivement à la France dans la mesure où celle-ci se serait montrée forte, généreuse et unie. Il fallait pour cela une ligne politique ferme et continue venant de Paris, mettant en œuvre divers moyens propres à montrer aux Musulmans que leur intérêt moral et matériel était de rester français, à les amener progressivement à confirmer en toute liberté leur option française. Ces musulmans avaient infiniment plus à gagner dans une véritable libération de l'individu et de leur personne humaine, libération effectuée dans la justice et dans la dignité d'homme, que dans une prétendue libération collective et nationale dont nous constatons aujourd'hui, et dont ils constatent eux-mêmes les funestes résultats.
[...]
On doit se demander à qui profite cette politique algérienne du pouvoir, qui a dispersé et ruiné la communauté française de souche, la communauté israélite, et qui a laissé égorger et emprisonner la fraction musulmane francophile. Elle ne profite qu'à un tout petit groupe de meneurs et de politiciens, car elle ne profite nullement à la masse des Musulmans ; la situation de ces masses est très mauvaise et depuis l'indépendance elle n'a fait qu'empirer, quoi qu'on en ait dit, et malgré les centaines de milliards engloutis à fonds perdus par le gouvernement français en vertu de la plus aberrante des attitudes, la misère est grande et le chômage généralisé. De très nombreux Musulmans regrettent plus ou moins ouvertement la paix française ; ceci a été constaté par les journalistes français qui furent les propagandistes les plus acharnés de l'indépendance de l'Algérie. Il est probable que des convulsions internes secoueront encore longtemps l'Algérie indépendante ; sans parler des discordes et rivalités avec les pays voisins. Si elle peut sortir de ces convulsions, ce sera pour se trouver sous l'emprise d'un régime totalitaire, c'est-à-dire un régime basé sur la dictature de quelques hommes et sur le contrôle de toutes les activités du pays par un parti politique unique opprimant la personne humaine, ne tenant pas compte des libertés et asservissant les populations. » (Lt-colonel Jean Bastien-Thiry, Déclaration du 2 février 1963)
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