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11/05/2005

Logique de l'auto-appartenance

« Je parle évidemment de la philosophie et des philosophes, de ceux qui s’efforcent de voir, de connaître, d’éprouver le plus possible de choses au cours de leur existence. » (Chestov)

 

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"Être dans l’Être", c’est être l’Être selon le mode qui correspond à sa propre essence singulière. On choisit ce terme "Être" par commodité pour sa neutralité, ce qui ne préjuge donc pas des éventuels différents noms de l’Être. On verra que le baptême de l’Être est l’activité suprême de l’ontologie qui ne peut être philosophie première pour cette raison, et ce, contrairement à la position d’Aristote et de la scolastique subséquente. Cette position diffère pourtant de celle de Lévinas. La seule modalité de l’Être est la nécessité ; la liberté est donc l’effectuation de sa nécessité propre. Comme dit Spinoza, la liberté ne s’oppose pas à la nécessité mais à la contrainte. Cette effectuation correspond à ce que l’on nomme communément la grâce ou l’état de grâce. Chaque instant est le bon puisqu’il ne se justifie que par lui-même. Ce processus est en fait création d’Être c’est-à-dire Devenir. Il s’agit de l’expression du Mystique, de cette zone mentale (en tant que première détermination) non langagière, mais purement intensive. Cette expression ou logique du Mystique est appelée mathématique des intensités. Car l’inconscient est une véritable topographie physique (particulière à chaque singularité) dont chaque cote correspond à une zone d’intensité. Mille plateaux.

La mise en œuvre intégrale de la mathématique des intensités requiert un préalable : la conquête de l’inconscient par tous les moyens. En effet l’inconscient est d’abord dans les fers, en état de servitude. Il est sous l’empire et l’influence de diverses instances du Socius dont le Pouvoir qui, par la médiation de la Loi, sépare l’individu de ce qu’il peut, c’est-à-dire de sa Puissance, c’est-à-dire de son essence singulière. Ces instances sont regroupées sous l’égide unifiante du Surmoi qui le systématise sous la forme du Moi. Il s’agit de l’imposition d’un filtre codant sur le relief singulier de l’inconscient, filtre qui n’autorise que certains passages entre certains points de son territoire. Le reste demeure dans l’ombre et c’est donc étymologiquement à bon droit qu’on peut le nommer inconscient. L’inconscient est parlé, l’inconscient parle. Car si "l’inconscient est structuré comme un langage" (Lacan), "un langage est structuré comme l’inconscient" (Laplanche). Ça parle. Chaque attaque contre un bastion (ce recours à la métaphore est adéquat à ce premier type d'inconscient comme l'a montré Lacan) du filtre codant se manifeste par un phénomène émotionnel particulier : l’angoisse. C’est d’ailleurs à ce signe qu’on reconnaît qu’il s’agit bien d’un bastion en activité. Chaque bastion conquis est une étape vers l’annihilation du filtre. L’obsession est un phénomène intermédiaire, dans ce cas le bastion est non pas anéanti mais assiégé.

Un tel inconscient parasité, colonisé, qui s'avère donc un théâtre, présente deux centres de gravité. L’un est virtuel ; il s’agit du centre de gravité correspondant à l’essence de la singularité. Il est virtualisé par le second centre de gravité imposé de façon continue par l’effet structurel de transcendance qu’est le Socius. Ce centre est nommé Surmoi s’il n’est pas identifié par la conscience. Dans ce cas, l'inconscient est maître, le maître est inconscient. Il est appelé sinon tyran ou monstre intérieur, être composite, lorsqu’il est détecté. Ladite détection entraîne corrélativement la localisation du centre de gravité propre de la singularité et la distinction quasi-complète entre le Soi et le non-Soi. Le concept lacanien d’Autre symbolique est donc détrôné au profit de celui, interne à la logique mathématique (et non à la dialectique de type hégélien), de négation. C’est un corollaire de la destitution du Moi au profit du Soi. A ce stade, celui-ci n’en reste pas moins virtuel. Son actualisation passe par la localisation précise du tyran ou monstre intérieur et la destruction de sa citadelle (qui n’est pas la plus puissante mais la mieux stratégiquement située) qui permet la métamorphose du Moi en individu. Le centre de gravité de l’individu est le moi qui est le point de compression informationnelle de(s) précédentes configurations de l’inconscient ; il est donc en perpétuel devenir et en mouvement incessant au sein de l’inconscient. Le moi, l’inconscient et leurs diverses configurations forment le Soi.

Désormais, l’inconscient est productif, c’est-à-dire capable de création continue. A ce stade, il est possible de conserver le terme d’inconscient grâce à un artifice étymologique : in-conscient. En effet, l’inconscient libéré n’est pas conscient au sens de re-présenté réflexivement dans la conscience mais au sens de présenté intensivement en elle.

Ainsi la mathématique des intensités est-elle d’abord une géographie, un relevé cartographique de l’inconscient. Mais dans un second temps, elle s’avère une pure pragmatique. En effet, grâce au noûs, à l'intellect, s’effectue un comput automatique qui mobilise, au sein de l’intégralité des intensités, celles qui sont adéquates aux sollicitations du non-Soi, qu’il s’agisse de connexions ou de déconnexions, c’est-à-dire de compositions ou de décompositions de relations, de rapports. Le maniement de cette res physicae nommée "lalangue" (Lacan), est une facette dudit comput. Peut donc surgir le domaine du Nous.

La mathématique des intensités est l'éthique réelle de l'événement, la science pratique des manières d’Être, c’est-à-dire empirisme supérieur (Schelling), empirisme radical (W. James), donc transcendantal (Deleuze). Elle est savoir du désir puisque "le désir est l’essence même de l’homme". Si l’on connecte ce théorème à un autre théorème spinoziste, à savoir "l’essence est Puissance", on en déduit immédiatement que la puissance de l’homme est le désir. L’Être étant produit du Devenir, l’ontologie, la science de l’Être en tant qu’Être, est logiquement seconde. Ainsi l’ étho-onto-logique est-elle à même de se substituer à l’antique onto-théo-logie puisque la cohérence (le Logos en acte, l’actualisation du Logos), qui diffère de la non-contradiction de la logique classique, n’est plus celle du Moi ou de Dieu mais celle de la Puissance du désir. Héraclite, les Stoïciens, Montaigne, Spinoza, Hume, Nietzsche, W. James et Deleuze (et peut-être même Wittgenstein) étaient déjà plus proches de l’étho-onto-logique. Mais ils conceptualisaient une onto-étho-logie sans la nommer telle. La nommer ainsi prouve qu’ils enseignaient en fait le double inversé de ce qu’ils faisaient, c’est-à-dire une étho-onto-logique en acte. Ils étaient des individus mais désignaient l’individualité sans la conceptualiser. C’est pour cette raison que l’Ethique de Spinoza est écrite à l’envers (navette incessante, miroirs face à face, figures de lumière) : la substance tourne autour des modes et non l’inverse.

Ainsi le nom de l’Être est-il celui que, logiquement, lui donne le Devenir au sein de l’immanence.

Igitur.

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