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04/02/2022

More Maiorum

« Tout ce qui est, est en Dieu, et rien, sans Dieu, ne peut ni être ni être conçu. »

(Spinoza, Éthique, Livre I, Proposition XV)

 

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Aristotélisme

Le changement est une caractéristique du monde. Toutefois, le changement est aussi l'actualisation d'un potentiel. Ainsi, l'actualisation d'un potentiel est-il une caractéristique du monde. Aucun potentiel ne peut être actualisé à moins d'être actualisé par quelque actuel déjà actualisé. Tout changement est donc causé par quelque actuel déjà actualisé.

L'advenue de tout changement C présuppose donc quelque chose ou substance S qui change. L'existence de S à un instant donné présuppose elle-même l'actualisation concomitante du potentiel d'existence de S. C'est pourquoi toute substance S à un instant donné relève d'un A qui actualise son existence.

La propre existence de A au moment où il actualise S présuppose elle-même soit l'actualisation simultanée de son propre potentiel d'existence, soit qu'A est purement actuel. Si l'existence de A lorsqu'il actualise S présuppose l'actualisation simultanée de son propre potentiel d'existence, alors il s'agit d'une régression d'actualisateurs simultanés qui est, soit infinie, soit s'achève avec un actualisateur purement actuel.

Une telle régression d'actualisateurs simultanés constituerait une série causale hiérarchique, mais une telle série ne peut faire l'objet d'une régression infinie. Par conséquent, soit A lui-même est un actualisateur purement actuel, soit existe un actualisateur purement actuel qui achève la régression qui commence avec l'actualisation de A.

L'advenue de C, et donc l'existence de S à un instant donné, présuppose-t-elle ainsi l'existence d'un actualisateur purement actuel. Il existe donc un actualisateur purement actuel.

Qu'il y ait plus d'un actualiseur purement actuel signifierait qu'existerait quelque caractéristique différenciant chacun de ces actualisateurs, caractéristique manquant donc à tous les autres. Une telle différence ne serait envisageable que si un actualisateur purement actuel avait un potentiel non actualisé ; mais étant purement actuel, il ne peut en avoir. Une telle caractéristique différenciante n'existe donc pas, et il est alors impossible qu'il y ait plus d'un actualisateur purement actuel. Il n'existe donc qu'un seul actualisateur purement actuel.

Pour être en mesure de changer, celui-ci devrait avoir des potentiels susceptibles d'actualisation. Étant purement actuel, il n'en possède pas. Ainsi est-il immuable et incapable de changement. Si cet actualisateur purement actuel existait dans le temps, il serait capable de changement ; ce qu'il n'est pas. Cet actualisateur purement actuel est donc éternel, i.e. existe hors du temps. Si cet actualisateur purement actuel était matériel, il serait alors capable de changement et existerait dans le temps, ce qui n'est pas le cas. L'actualisateur purement actuel est donc incorporel. Imparfait en quelque façon, il possèderait quelque potentiel inactualisé ; mais étant purement actuel, il n'en possède pas. Ainsi, l'actualisateur purement actuel est-il parfait. Ne pas être pleinement bon implique privation, et donc ne pas pouvoir actualiser quelque caractéristique. Un actualisateur purement actuel, étant purement actuel, ne peut en être privé. Il est par conséquent pleinement bon.

Avoir de la puissance signifie être capable d'actualiser des potentiels. Tout potentiel actualisé est soit actualisé par l'actualisateur purement actuel, soit par une série d'actualisateurs qui s'achève par l'actualisateur purement actuel. On peut donc en déduire que toute puissance provient de l'actualisateur purement actuel : l'actualisateur purement actuel est omnipotent.

Tout ce qui se trouve dans un effet se trouve en quelque façon aussi dans sa cause, soit formellement, virtuellement, ou éminemment (principe de causalité proportionnelle). L'actualisateur purement actuel est la cause de toutes choses. Par conséquent, les formes manifestées en toutes choses qu'il cause doivent en quelque façon se trouver dans l'actualisateur purement actuel. Ces formes existent soit de manière concrète, soit de façon abstraite i.e. dans les pensées d'un intellect. Elles ne peuvent exister dans l'actualisateur purement actuel de la même manière qu'elles existent dans les choses particulières. Ainsi doivent-elles exister dans l'actualisateur purement actuel de façon abstraite, i.e. telles des pensées dans un intellect. On en déduit alors que l'actualisateur purement actuel est doué d'un intellect ou d'intelligence.

Puisque ce sont les formes de toutes choses qui se trouvent dans les pensées de cet intellect, rien n'existe hors de l'amplitude des ces pensées. Que rien n'existe extérieurement aux pensées d'un intellect se dit aussi que cet intellect est omniscient. L'actualisateur purement actuel est donc omniscient.

Ainsi existe-t-il une cause purement actuelle de l'existence des choses, qui est une, immuable, éternelle, immatérielle, incorporelle, parfaite, pleinement bonne, omnipotente, intelligente et omnisciente. Une telle cause est, par définition, divine.

Donc : Dieu existe.

 

 

Néo-platonisme

Les choses rencontrées dans l'expérience sont de nature composite. Un composé n'existe à un instant donné que parce que ses parties sont composées à tel instant. Une telle composition nécessite une cause concomitante. Tout composé a donc une cause de son existence à tout instant auquel il existe. Toute chose de notre expérience a par conséquent une cause à tout instant où elle existe. Si la cause de l'existence d'une chose composée à un instant donné est elle-même composite, alors elle nécessite à son tour une cause de sa propre existence à cet instant. La régression des causes que ceci entraîne est de nature hiérarchique, et une telle régression doit avoir un élément premier. Seul quelque chose d'absolument simple ou de non composé peut être le premier élément d'une telle série. Ainsi l'existence de chaque chose de notre expérience présuppose-t-elle une cause absolument simple i.e. non composée.

Pour qu'il y ait plus d'une cause absolument simple, chacune devrait posséder une caractéristique différenciante dont chacune des autres manquerait. Mais posséder une telle différence signifierait pour une telle cause d'avoir des parties, auquel cas elle ne serait plus simple i.e non composée. Aucune cause absolument simple ne peut donc avoir une telle caractéristique différenciante. Ainsi n'existe-t-il pas plus d'une cause absolument simple.

Pour être capable de changement, une cause absolument simple devrait avoir des parties qu'elle perd ou acquiert ; étant absolument simple, elle ne le peut pas. La cause absolument simple est donc immuable. Si la cause absolument simple avait un début ou une fin, elle devrait avoir des parties combinables ou détachables. N'ayant pas de telles parties, la cause absolument simple est sans début ni fin. Ce qui est immuable et sans début ni fin étant éternel,  la cause absolument simple est éternelle. Si quelque chose est causée, alors elle a des parties qui doivent être combinées. N'ayant pas de parties, la cause absolument simple est donc non causée.

Toute chose est soit un esprit, un contenu mental, une entité matérielle, ou une entité abstraite. Une entité abstraite est causalement inerte. N'étant pas causalement inerte, la cause absolument simple n'est pas une entité abstraite. Une entité matérielle a des parties et est susceptible de changement. N'étant pas dotée de parties et n'étant pas capable de changement, la cause absolument simple n'est pas non plus une entité matérielle. Un contenu mental présupposant l'existence d'un esprit, il ne peut être cause ultime. Ainsi la cause absolument simple ne peut-elle être qu'un esprit.

Du caractère unique de la cause absolument simple on déduit que tout ce qui n'est pas cette cause est de nature composée. Tout composite a pour cause ultime la cause absolument simple. Celle-ci est donc la cause ultime de tout ce qui n'est pas elle. La cause absolument simple devrait avoir des parties pour avoir à la fois des potentialités et des actualités. N'en ayant pas. elle ne doit pas avoir de potentialités mais être purement actuelle.

Une cause purement actuelle doit nécessairement être parfaite, omnipotente. pleinement bonne, et omnisciente. Il existe donc une cause absolument simple, i.e. non composée, unique, immuable, éternelle, immatérielle, un esprit ou un intellect, cause ultime, non causée, de tout sauf d'elle-même. Une telle cause est, par définition, divine.

Donc : Dieu existe.

 

 

Thomisme

Pour chaque chose connue par l'expérience, l'on doit distinguer son essence de son existence. Une distinction réelle est une distinction entre des aspects de la réalité elle-même, et non simplement entre des manières de penser cette réalité ou d'en parler. Ainsi, s'il n'y avait pas de distinction réelle entre essence et existence, il serait possible de savoir si une chose existe ou non, uniquement par la connaissance de son essence. Mais c'est impossible. Sans cette distinction réelle, les choses connues par l'expérience existeraient nécessairement plutôt que de manière contingente. Mais, de fait, elles existent de façon contingente, non pas nécessairement. Si, en principe, il pouvait exister plus d'une chose dont l'essence était identique à l'existence, alors deux ou plus de ces choses seraient distinguables telles des espèces d'un même genre, ou des membres d'une même espèce, ou de quelque autre façon. Mais elles ne peuvent pas être distinguées d'aucune de ces manières. Ainsi doit-on en conclure qu'il ne peut en principe y avoir plus d'une chose dont l'essence est identique à son existence.

Par conséquent, des choses connues par l'expérience, si la distinction entre essence et existence n'était pas réelle, il ne pourrait en principe y en avoir plus d'une. Mais, de fait, des choses connues par l'expérience, il y a, ou pourrait y avoir, plus d'une. De toute chose connue par l'expérience, essence et existence sont donc distinguées selon la distinction réelle. Pour toute chose dont l'essence est réellement distinguée de l'existence, son existence doit lui être donnée soit par elle-même, soit par une autre cause dont elle est distincte. Mais si elle recevait son existence d'elle-même, elle serait cause de soi. Rien ne pouvant être cause de soi, elle ne peut pas recevoir son existence d'elle-même.

Pour toute chose dont l'essence et l'existence sont réellement distinctes, l'existence doit donc provenir d'une cause distincte d'elle-même. Puisque son essence et son existence restent distinctes à chaque instant auquel elle existe, y compris ici et maintenant, son existence doit lui être donnée par quelque cause distincte d'elle à chaque instant où elle existe, y compris ici et maintenant. Soit cette cause est elle-même quelque chose dont l'essence est distincte de l'existence, soit il s'agit de quelque chose dont l'essence et l'existence sont identiques. Si cette cause est quelque chose dont l'essence est distincte de l'existence, alors sa propre existence doit aussi lui être donnée par quelque cause qui lui en est distincte à chaque instant auquel elle existe, y compris ici et maintenant. La série causale engendrée ainsi serait de type hiérarchique, i.e. ne pourrait régresser à l'infini mais devrait avoir un premier élément. Celui-ci ne pourrait qu'être quelque chose dont l'essence et l'existence soient identiques.

Par conséquent, chaque chose connue par l'expérience reçoit son existence à chaque instant où elle existe, y compris ici et maintenant, soit directement, soit indirectement, par quelque cause dont l'essence et l'existence sont identiques. Puisqu'il ne peut en principe y avoir plus d'une chose dont l'essence et l'existence sont identiques, cette cause, qui est donc une existence subsistant par elle-même, est unique. Étant unique, toute autre chose qui existe doit être une chose dont l'essence est distincte de l'existence. Tout chose dont l'essence est distincte de son existence recevra, directement ou indirectement, son existence d'une cause qui est une existence subsistant par elle-même. Cette cause unique dont l'existence subsiste par elle-même est la cause de toute chose autre qu'elle-même.

Étant donné que toute chose qui n'a pas de distinction réelle entre son essence et son existence existerait de manière nécessaire et non pas contingente, cette cause unique, qui est l'existence subsistant par elle-même, existe nécessairement. L'existence subsistant par elle-même ne nécessite pas (ni ne peut avoir) de cause. Cette cause unique est donc non causée. Si cette existence subsistant par elle-même possédait quelque potentialité à l'existence nécessitant d'être actualisée, alors l'existence devrait lui être donnée par quelque cause. Elle n'a donc pas de potentiel d'existence qui nécessiterait d'être actualisé, mais elle existe de manière purement actuelle. Ce qui est purement actuel doit être immuable. éternel, immatériel, incorporel, parfait, omnipotent, pleinement bon, intelligent et omniscient.

Ainsi, chaque chose de notre expérience reçoit son existence à chaque instant par une cause qui est l'existence subsistant par elle-même, unique, existant nécessairement, cause non causée de toute chose autre qu'elle-même, purement actuelle, immuable, éternelle, immatérielle, incorporelle, parfaite, omnisciente, pleinement bonne, intelligente, et omnisciente. Une telle cause est, par définition, divine.

Donc : Dieu existe.

 

 

Rationalisme

Le principe de raison suffisante (PRS) affirme qu'existe une raison pour l'existence de tout ce qui existe et de ses attributs. Si le PRS était faux, alors les choses et événements n'ayant pas de raison seraient courant. Mais le sens commun et la sience constatent le contraire. Si le PRS était faux, l'on ne pourrait faire confiance à ses propres facultés cognitives. Mais le fait est que nous le pouvons. En outre, il n'est guère possible de nier la vérité du PRS tout en acceptant qu'il existe des explications authentiques offertes par la science et la philosophie. Mais le fait est que l'on peut en trouver. Le PRS est donc vrai.

La raison de l'existence de quelque chose doit être trouvée soit dans quelque autre chose qui la cause, auquel cas elle est contingente, ou dans sa propre nature, auquel cas elle est nécessaire. Le PRS exclut toute troisième possibilité qui équivaudrait à ce que l'existence d'une chose ne soit expliquée par rien.

Il existe des choses contingentes. Même si l'existence d'une chose contingente particulière pourrait être expliquée en référence à quelque chose contingente existant préalablement, qui elle-même pourrait être expliquée par une autre, ad infinitum, alors la série infinie elle-même resterait à être expliquée. Expliquer cette série en référence à quelque autre cause contingente extérieure à la série, puis expliquer cette cause en termes d'encore une autre chose contingente, ad infinitum, n'amènerait qu'à une autre série dont l'existence resterait à être expliquée ; et poser encore une autre chose contingente extérieure à cette seconde série ne ferait que dupliquer le problème. Par conséquent, il faut affirmer qu'aucune série de choses contingentes ne peut expliquer pourquoi existent des choses contingentes.

Mais, selon le PRS, qu'existent des choses contingentes (et pas rien) doit avoir une raison. De fait, la seule explication qui reste doit être donnée en termes d'un être nécessaire en tant que cause. En outre, qu'une chose contingente particulière continue dans l'existence nécessite une raison. Et, étant contingente, cette explication doit se trouver dans une cause simultanée qui en est distincte. Si cette cause est elle-même contingente, même si elle a encore une autre chose contingente comme cause simultanée, et que cette cause en a elle-même une autre, ad infinitum, alors une fois encore apparaît une série infinie de choses contingentes dont l'existence doit être expliquée. Par conséquent, aucune chose ou série de choses contingentes ne peuvent rendre raison de pourquoi une chose contingente particulière continue dans l'existence à un instant donné. La seule explication restante est en termes d'être nécessaire en tant cause concomitante.

Il doit donc exister au moins un être nécessaire pour rendre raison de pourquoi il existe des choses contingentes (et non pas rien), et de comment une chose contingente particulière continue dans l'existence. Un être nécessaire devrait être purement actuel, absolument simple, et quelque chose qui est l'existence subsistant par elle-même. Mais il ne peut y avoir en principe qu'une chose qui est purement actuelle, absolument simple, et qui est l'existence subsistant par elle-même. Il n'y a donc qu'un seul être nécessaire. C'est l'unique être nécessaire qui est par conséquent la raison expliquant pourquoi existent des choses contingentes, et qui est la cause de chaque chose contingente particulière existant à un instant donné. Ainsi cet être nécessaire est-il la cause de toute chose autre que lui-même.

Quelque chose de purement actuel, absolument simple i.e. non composé,  et quelque chose qui est l'existence subsistant par elle-même, doit être aussi immuable, éternel, immatériel, incorporel, parfait, omnipotent, pleinement bon, intelligent, et omniscient. Il existe donc un être nécessaire qui est unique, purement actuel, absolument simple, existence subsistant par elle-même, cause de tout sauf de lui-même, immuable, éternel, immatériel, incorporel, parfait, omnipotent, pleinement bon, intelligent, et omniscient. Cet être, par définition, est divin.

Donc : Dieu existe.