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18/08/2007

Conjunctio re et verbis

« Dans le renversement du platonisme, c'est la ressemblance qui se dit de la différence intériorisée, et l'identité, du Différent comme puissance première. » (Deleuze)

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« Les Dandys ne brisent jamais complètement en eux le puritanisme originel. » (Barbey d'Aurevilly)

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« Et si l’on nous demande de donner un nom à ce qui anime le signe, nous dirons que c’est son utilisation. » (Wittgenstein)


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Qu’entendre, finalement, par la « liquidation du principe d’identité », formulée à la suite de Nietzsche, entre autres, par Klossowski ?

Il s’agirait en fait de s’aviser que, d’un certain point de vue, l’énoncé « A = A » est une assertion fausse. Non pas, ou pas seulement, parce que A en t serait plutôt A’ en t’.  C’est parce que, sémantiquement, l’on assiste bien souvent, lors de l’injection de la réflexivité dans la relation d’identité, à une subreption manifeste.

Si l’on en restait à l’instance symbolique, cette postulation de réflexivité serait quasi superflue, puisque ceci n’équivaudrait qu’à signifier de manière redondante la différence réelle entre le symbolique et l’imaginaire. Mais en fait, l’égalité sert ici à connecter directement deux instances hétérogènes : le réel et le symbolique. L'on a alors affaire à une métaphore qui ne dit pas son nom, à un effet rhétorique. Verbeux, en somme.

L’effet produit s'avère donc imaginaire, c’est-à-dire qu’il a une vocation normative : le A réel est sommé d’être, ou est en tous cas traité, comme sa représentation symbolique, elle-même signe d’une duplication indue. Il appert en effet que le tour de passe-passe réside en cette simple permutation : le A réel devient le A symbolique, et vice versa.

Toutefois, pour que la différence puisse rester identique à soi en tant que différence, c’est-à-dire persiste à différer et donc à conserver sa singularité, il s’agit d’opérer une réflexion seconde, qui annule le prestige imaginaire. L’on passe alors de l’illusion d’une unité à l'intellection du caractère fictif de toute identité de récognition, elle-même évidemment corrélative d'une prolifération sérielle.

Plus généralement, c’est la mise en langage des automatismes mentaux inconscients qui permet de procéder à leur chiffrement et déchiffrement, soit donc à leur reconfiguration logique, pure et effective. Ces relations extérieures à leurs termes, différences en soi, schèmes errants, affects détachés de leurs percepts, « drames d'Idées », dynamismes séparés de leur fonction et occurrence initiales perdues dans le temps, relèvent du Mystique conçu comme zone mentale non langagière, mais purement intensive, « inéchangeable »  en somme. Ici, le réel et l’imaginaire sont en coalescence, et la métaphore est métamorphose. En particulier, A y égale A, c’est-à-dire le mot, la chose. Ces noces seraient chaotiques, ou même perverses, si la symbolisation, c’est-à-dire la connexion des signes, ne faisait fonds sur cette inconsistance pour y organiser des césures déterminées, des chaînes signifiantes cohérentes, et donc réellement opératoires.

Bref, il apparaît que l'anti-platonisme largo sensu, s'il n'est pas anti-dialectique, prend quant à lui en compte les surfaces et anfractuosités du sens, et peut donc légitimement être dit purisme ; à l'optique en effet, doit indubitablement se surajouter une haptique. Ainsi, pour éviter les inconvénients subjectifs communs à la structure transcendantale de ce que Lacan appelle les êtres de langage, demeure-t-il tout à fait clair que c'est bien lettré, ou plus encore homme de lettres, qu'il convient d’être.

 

 

Commentaires

"L’analogie, la métaphore, contrairement à la vision commune qui en fait quelque chose d’approximatif, de flou, m’apparaît comme une relation stricte et que l’on peut, dans bien des cas, exprimer mathématiquement [..] La vieillesse est le soir de la vie [..] La structure formelle de cette analogie, c’est simplement la notion de bord. Vous avez là un intervalle temporel ; cet intervalle a une fin ; on l’appelle "soir" ou " vieillesse" le voisinage tubulaire, si j’ose dire, du mot " fin", et la catastrophe correspondante est pour moi le pli."(Thom)

"Je crois que le sacré, chez l’homme, a été caractérisé par le fait que cet axe d’attraction-répulsion peut, en un sens, revenir sur lui-même, compactifié par un point à l’infini. Ce point à l’infini, c’est précisément le sacré. Autrement dit, le sacré se réalise à chaque fois que nous sommes en présence d’une forme qui nous paraît revêtue d’un pouvoir infini, qui est fait à la fois d’attraction et de répulsion."(Thom)

"Au contraire de la poésie, la valeur du mythe comme mythe persiste, en dépit de la pire traduction. Quelle que soit notre ignorance de la langue et de la culture de la population où on l'a recueilli, un mythe est perçu comme mythe par tout lecteur, dans le monde entier. La substance du mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l'histoire qui y est racontée. Le mythe est un langage; mais un langage qui travaille à un niveau très élevé, et où le sens parvient, si l'on peut dire, à décoller du fondement linguistique sur lequel il a commencé par rouler." (Levi-Strauss)

"Pour Aristote, un être, en général, c’est ce qui est là, séparé. Il possède un bord, il est séparé de l’espace ambiant. En somme, le bord de la chose, c’est sa forme. Le concept, lui aussi, a un bord : c’est la définition de ce concept." (Thom)

" L’univers magique est structuré selon la plus primitive et la plus prégnante des organisations : celle de la réticulation du monde en des lieux privilégiés et en moments privilégiés. Un lieu privilégié, un lieu qui a un pouvoir, c’est celui qui draine en lui toute la force et l’efficace du domaine qu’il limite ; il résume et contient la force d’une masse compacte de la réalité. Il la résume et la gouverne comme un lieu élevé gouverne et domine une basse contrée. Le monde magique est fait ainsi d’un réseau de lieux et de choses qui ont un pouvoir et qui sont attachés aux autres choses et aux autres lieux qui ont aussi un pouvoir ". (Gilbert Simondon)

"Les couples sont des choses entières et des
choses non entières, ce qui est réuni et ce qui
est désuni, l’harmonieux et le discordant. L’un
est composé de toutes choses, et toutes choses
sortent de l’un." (Héraclite)

"Le rapport entre magie et science apparaît donc essentiellement comme le rapport entre deux modes de contrôle de l’imaginaire ; dans le premier cas (la magie), l’imaginaire des prégnances se trouve contrôlé par la volonté des hommes (ou de certains hommes, les magiciens, experts en pratiques efficaces) ; dans le second (la science), le contrôle est défini par la générativité interne au langage formel qui décrit les situations extérieures, générativité sur laquelle l’homme n’a plus de prise, une fois fixées les conditions initiales." (Thom)

Bien à vous Thomas.

Écrit par : Gnomon médian | 18/08/2007

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