24/03/2005
Gödelisme
Gödel, « le plus grand logicien depuis Aristote » d'après Von Neumann, naquit en 1906 à Brno. Il mourut à Princeton en 1978 obsédé par des idées délirantes en rapport avec de perverses et pléthoriques attaques microbiennes. Quelques années avant son décès, on pouvait d'ailleurs l'observer, mutique et buvant de l'eau chaude pure, dans le hall de l'Institute for Advanced Studies de Princeton dont il contribua à faire la gloire.
C'est en 1931 que Gödel publia son article magistral intitulé Über formal unentscheidbare Sätze der Principia Mathematica und verwandter Systeme. Le problème qui y est traité relève des fondements des mathématiques.
Le théorème de Gödel de 1931 comprend en effet deux résultats, ou deux formes d’incomplétude :
1. Dans tout système formel consistant contenant une théorie des nombres finitaires relativement développée, il existe des propositions indécidables, id est, si T est consistante, il y a un énoncé vrai mais non démontrable dans T.
2. La consistance d’un tel système ne saurait être démontrée à l’intérieur de ce système, id est si T est consistante, alors l'énoncé universel qui énonce la consistance de T n'est pas démontrable dans T.
On assiste ici à la réfutation de programme de Hilbert qui promouvait une doctrine formaliste des mathématiques. Il s'agissait de démontrer la non contradiction des mathématiques abstraites dans les mathématiques finitaires, donc décidables de manière élémentaire.
L'innovation de Gödel consiste principalement dans la distinction entre vérité et prouvabilité. Il existe des énoncés qui sont vrais sans être démontrables. Ce qui implique le deuxième volet du théorème qui ruine le rêve hilbertien de fondation des mathématiques ex nihilo par elles-mêmes, à l'aide de leurs seules ressources.
On ne peut internaliser la vérité ; il existe des limitations à la réflexion d'une théorie à l'intérieur d'elle-même. Voilà ce qu'énonce et démontre Gödel. Il n'est cependant point besoin d'avoir recours au pamphlet de Sokal et Bricmont pour parler de dérives "gödelistes". En effet, si l'on omet la question de la démonstration de consistance absolue d'une théorie, celle-ci peut, pour le reste, se penser parfaitement elle-même. Gödel ne détruit pas les mathématiques : il ne fait que limiter les métamathématiques et les guérir de leur autistique syndrome de Munchausen. De même, inférer que les résultats de Gödel puissent se généraliser à la pensée ou à l'univers, revient à considérer a priori et arbitrairement ces entités comme algorithmiquement décidables, c'est-à-dire équivaut à les rendre ontologiquement justiciables du mécanisme comme doctrine.
Ainsi, dans leur aveuglement, les essayistes qui donnent au théorème de Gödel une ampleur cosmique ne font-ils que prendre paradoxalement le parti de leurs adversaires. A tout prendre, c'est un certain type de dogmatisme que, finalement, Gödel réfute, et rien d'autre.
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