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08/02/2005

Qui est le juif d'Amsterdam ?

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« Les Messieurs du Mahamad décidèrent que ledit Spinoza serait exclu et écarté de la nation d'Israël à la suite du herem que nous prononçons en ces termes : A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés (...) Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille (...) Veuille l'Eternel allumer contre cet homme toute sa colère et déverser contre lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi ; que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël...» Le décret d'excommunication s'achève par cet avertissement : « Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits. »

Voici la réponse de Spinoza :

« A la bonne heure (...), on ne me force à rien que je n'eusse fait de moi-même si je n'avais craint le scandale. Mais, puisqu'on le veut de la sorte, j'entre avec joie dans le chemin qui m'est ouvert, avec cette consolation que ma sortie sera plus innocente que ne fut celle des premiers Hébreux hors d'Egypte. »

Le philosophe polisseur de lentilles gardera néanmoins toute sa vie le manteau déchiré par le couteau d'un fanatique juif pour se rappeler, dit-il, que « la pensée n'est pas toujours aimée des hommes ».

Spinoza est-il comme le dit Leibniz, « un cartésien immodéré » ? Ou bien est-ce le « Gottvertrunkene Mann » que décrit Novalis ? Ou encore un « somnambule cartésien-cabaliste » tel que l’affirme Hamann ? Pierre Bayle, dans l’article Spinoza de son Dictionnaire (édition de 1702), en fait un contempteur du principe aristotélicien de contradiction, un « athée vertueux » et un métaphysicien dédaigneux de l’expérience. De même, le spinozisme y est vu comme un avatar de l’hylozoïsme antique et de la pensée « orientale ». A sa suite, Malebranche le mettra en parallèle avec la philosophie chinoise dont l’Europe commence à prendre connaissance avec les premières relations des missionnaires. Mais on verra aussi dans la philosophie de Spinoza la marque du panthéisme des philosophes italiens de la Renaissance. Il faut d'ailleurs avoir à l'esprit qu'au dix-huitième siècle le terme de "spinoziste" est employé comme une injure. Quant à Hegel, tout en reconnaissant que « Spinoza est un point crucial dans la philosophie moderne » et que « l’alternative est : Spinoza ou pas de philosophie », il définit le spinozisme comme un acosmisme d’où l’histoire est absente. Spinoza est pourtant l’auteur de deux ouvrages politiques majeurs. Au vingtième siècle, Deleuze et Guattari désignent Spinoza comme « le prince des philosophes » tandis qu'il se voit relégué en annexe sous la rubrique des « théologiens juifs médiévaux » dans une Histoire de la philosophie politique.

On pourrait multiplier indéfiniment ce genre d’exemples.

Pour le moins, et quel que soit le sens que l’on peut donner à cette sentence de Martial Gueroult, « dans le ciel de la philosophie, Spinoza n’a cessé de briller d’un éclat singulier. »

 

 

 

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