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16/03/2005

Eléments de 'Pataphysique

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Jarry, Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, Livre Deuxième, Eléments de Pataphysique, "VIII. Définition" (1898) :

Un épiphénomène est ce qui se surajoute à un phénomène.

La pataphysique dont l’éthymologie doit s’écrire επι (μετα τα φυσιχα) et l’orthographe réelle ‘pataphysique, précédé d’un apostrophe, afin d’éviter un facile calembour, est la science de ce qui se surajoute à la métaphysique, soit en elle-même, soit hors d’elle-même, s’étendant aussi loin au-delà de celle-ci que celle-ci au-delà de la physique. Ex. : l’épiphénomène étant souvent l’accident, la pataphysique sera surtout la science du particulier, quoiqu’on dise qu’il n’y a de science que du général. Elle étudiera les lois qui régissent les exceptions et expliquera l’univers supplémentaire à celui-ci ; ou moins ambitieusement décrira un univers que l’on peut voir et que peut-être l’on doit voir à la place du traditionnel, les lois que l’on a cru découvrir de l’univers traditionnel étant des corrélations d’exceptions aussi, quoique plus fréquentes, en tous cas de faits accidentels qui, se réduisant à des exceptions peu exceptionnelles, n’ont même pas l’attrait de la singularité.

DÉFINITION. - La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité.

La science actuelle se fonde sur le principe de l’induction : la plupart des hommes ont vu le plus souvent tel phénomène précéder ou suivre tel autre, et en concluent qu’il en sera toujours ainsi. D’abord ceci n’est exact que le plus souvent, dépend d’un point de vue, et est codifié selon la commodité, et encore ! Au lieu d’énoncer la loi de la chute des corps vers un centre, que ne préfère-t-on celle de l’ascension du vide vers une périphérie, le vide étant pris pour unité de non-densité, hypothèse beaucoup moins arbitraire que le choix de l’unité concrète de densité positive eau ?

Car ce corps même est un postulat et un point de vue des sens de la foule, et pour que sinon sa nature au moins ses qualités ne varient pas trop, il est nécessaire de postuler que la taille des hommes restera toujours sensiblement constante et mutuellement égale. Le consentement universel est déjà un préjugé bien miraculeux et incompréhensible. Pourquoi chacun affirme-t-il que la forme d’une montre est ronde, ce qui est manifestement faux, puisqu’on lui voit de profil une figure rectangulaire étroite, elliptique de trois quarts, et pourquoi diable n’a-t-on noté sa forme qu’au moment où l’on regarde l’heure ? Peut-être sous le prétexte de l’utile. Mais le même enfant, qui dessine la montre ronde, dessine aussi la maison carrée, selon la façade, et cela évidemment sans aucune raison ; car il est rare, sinon dans la campagne, qu’il voie un édifice isolé, et dans une rue même les façades apparaissent selon des trapèzes très obliques.

Il faut donc bien nécessairement admettre que la foule (en comptant les petits enfants et les femmes) est trop grossière pour comprendre les figures elliptiques, et que ses membres s’accordent dans le consentement dit universel parce qu’ils ne perçoivent que les courbes à un seul foyer, étant plus facile de coïncider en un seul point qu’en deux. Ils communiquent et s’équilibrent par le bord de leur ventre tangentiellement. Or même la foule a appris que l’univers vrai était fait d’ellipses, et les bourgeois mêmes conservent leur vin dans des tonneaux et non des cylindres.

Pour ne point abandonner en digressant notre exemple usuel de l’eau, méditons à son sujet ce qu’en cette phrase l’âme de la foule dit irrévérencieusement des adeptes de la science pataphysique :

 

 

 

 

 

 

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