25/06/2005
Nomadisme
« Alors que le migrant quitte un milieu devenu amorphe ou ingrat, le nomade est celui qui ne part pas, ne veut pas partir, s’accroche à cet espace lisse où la forêt recule, où la steppe ou le désert croissent, et invente le nomadisme comme réponse à ce défi. Bien sûr, le nomade bouge, mais il est assis, il n’est jamais assis que quand il bouge (le Bédouin au galop, à genoux sur la selle, assis sur la plante de ses pieds retournés, "prouesse d’équilibre"). Le nomade sait attendre, et a une patience infinie. » (Deleuze)
« Les Fremen avaient au degré suprême cette qualité que les anciens appelaient le "spannungsbogen" et qui est délai que l'on s'impose à soi-même entre le désir que l'on éprouve pour une chose et le geste que l'on fait pour se l'approprier. (Extrait de La Sagesse de Muad'Dib, par la Princesse Irulan)
[...]
Les mains bougent, les lèvres bougent.
Les idées surgissent de ses paroles,
Et son regard est dévorant !
Il est une île sur lui seul close.
(Description extraite du Manuel de Muad'Dib, par la Princesse Irulan)
[...]
Le mysticisme apparaît facilement lorsque chaque seconde de vie est gagnée en luttant. [...] Avec une telle tradition, la souffrance est acceptée, peut-être comme un châtiment inconscient, mais acceptée tout de même. Et il faut noter que les rites fremen libèrent presque complètement des sentiments de culpabilité. » (Herbert)
09:27 | Lien permanent | Commentaires (15)
Commentaires
Je savais que vous faisiez partie de la Missionna Protectiva.
Le nomadisme est par essence, l'expiation. Mais où se situe la malédiction originelle ?
Écrit par : Duncan Saint-Paul | 25/06/2005
Très belle photographie...
Écrit par : Simone | 25/06/2005
Excellente question, Saint-Paul. Le nomade expie parce que le nomade, c'est l'homme. Je crois qu'on ne peut expier que ce dont on n'est pas coupable - le Christ expie les péchés du monde -, l'homme expie la faute de Dieu.
Oh, Anaximandrake, vous me donnez envie de repartir au désert, là-bas chez les Touaregs ! Oui, que cet jeune fille est belle, et que leurs hommes sont beaux, aussi, calmes et mystérieux, voilés jusqu'aux yeux ! Voici une vie où le temps et l'espace s'épousent, une vie gratuite. Et le "Temps du Rêve" des aborigènes australiens... Ah, retrouver cela en esprit quand on vit dans notre misérable monde !
"Tout corps tend, en vertu de sa pesanteur, vers la place qui lui est propre : mais un poids ne tend pas nécessairement vers le bas : il tend vers la place qui lui est propre. Le feu monte, la pierre tombe (...) Ce qui n'est pas à sa place s'agite jusqu'à ce que, l'ayant trouvée, il demeure en repos. Mon poids, c'est mon amour. Où que je sois porté, c'est lui qui m'emporte."
Saint-Augustin, Confessions.
Écrit par : Alina | 25/06/2005
Le nomade est d'avant et d'après la culpabilité ... Ils traverse le désert des malédictions ... Il est le cardine de l'être...
Écrit par : Simone | 25/06/2005
Si je traverse ce désert, je vois aussi que l'amour aussi se donne quand on à rien à espérer.
Mais que trouvera t-on vraiment dans le désert profond ?
« On reconnaît l'amour au plaisir de donner sans se soucier des conséquences »
Franck Herbert in l'Empereur Dieu de Dune.
Écrit par : Lambert Saint-Paul | 26/06/2005
On ne trouvera que toujours plus de malédiction....Mais en nous -nomades nous avons à garder le tempo , "le lento" pour ne pas nous jeter sur l'illusion d'une porte de sortie ...comme les gazés des camps de la mort
Écrit par : simone | 26/06/2005
La malédiction c'est de sortir par toutes les portes possibles et de rester pourtant enfermé derrière sa fenêtre.
Etre nomade au désert, c'est sauter continuellement par la fenêtre, et trouver dans le vide, entre ciel et sable, son salut. L'homme emmuré dans son visage ne peut que tomber tête la première et se ruiner. Il faut refuser les murs, voilà ce que sait le nomade.
Là-bas au Sahara, leurs maisons-haltes, faites de terre, étaient toujours belles et éphémères. A mesure que le temps les faisait fondre, ils les reconstruisaient. Maintenant ils les font en parpaings : elles sont laides, défigurent le paysage, et deviennent des prisons dont ils ne sortent plus.
Écrit par : Alina | 26/06/2005
P.S. Etape suivante : les barbelés. Voilà ce que c'est, entrer dans le camp de la mort par démission.
Mission de vie : faire le saut "sacré", "saut dans l'inconnu dont l'animalité est l'élan" (Bataille, qui n'est pourtant pas allé au bout de son raisonnement).
Écrit par : Alina | 26/06/2005
Putains de touristes !
Écrit par : Simone | 26/06/2005
Roberto Calasso, commentant "le Château" de Kafka :
"La "terre désolée" est la Terre promise. Et la Terre promise est la seule dont on puisse dire, comme K. : "Je ne peux pas émigrer."
Écrit par : Alina | 26/06/2005
Le désert avance. Un désert bordé de barbelé ! Alina, l'Homme ne rétrécirait plus s'il vous écoutait derrière les dunes volatiles, au delà des doutes. Oui. Je choisis la Terre Promise égarée à la promiscuité maladive des égos emmurés vivants.
Simone vous avez raison, le touriste est l'homme du XXIème siècle. Je vous raconterai prochainement un consternant épisode en la matière. (lire l'excellente saga du "Disque Monde" de Terry Pratchett avec l'archétype touristique "Deux-Fleurs")
Cher hôte, votre maison n'est pas en parpaings ; les convives et la nourriture y sont excellents.
Écrit par : Lambert Saint-Paul | 26/06/2005
Ghola, tes yeux ne sont-ils pas tleilaxus ?
La culpabilité est un sens donné à la souffrance. Il s'agit d'un luxe, car elle est par là redoublée. Mais le nomade demande que soit exhibée l'instance qui l'érige. L'homme souffre sans expier car il n'y pas de justification, seulement des causes. Ainsi et malgré la parole d'Anaximandre, n'y a-t-il rien à expier car Polemos est la justice du monde. Oui, l'homme libre est rare.
Merci à vous.
Écrit par : Anaximandrake | 26/06/2005
Oh yeah life goes on
Long after the thrill of livin is gone
"Jack and Diane" John Cougar Mellencamp
Écrit par : Kate | 27/06/2005
En effet. "On n'implore pas la pitié du soleil." (adage Fremen).
Écrit par : Anaximandrake | 27/06/2005
Rose des sables
le vent a sculpté
et ciselé ta face.
Elégante et fragile
nul ne peut te cueillir
qu’avec délicatesse
au risque de briser
ta fine architecture.
O fille du désert
O rose du bédouin
Celui qui veut te capturer
n’aura de toi qu’une poignée
de sable dans la main.
Écrit par : Amanda | 10/07/2005
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