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25/02/2011

De Fato

 

« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement » (Voltaire)

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« Nous croyons conduire le destin, mais c'est toujours lui qui nous mène. » (Diderot)

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« [L]e possible est une idée imaginaire et illusoire. » (Rosset)

 

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Il sera incidemment une fois encore question ici de la célèbre bataille navale de Diodore Kronos et d'Aristote, et donc du paradoxe dit des futurs contingents, paradigme d'un problème classique de la philosophia perennis qui combine et articule nombre de concepts fondamentaux (la vérité, le temps, les catégories modales, etc.)

Nous proposons en effet ci-dessous notre traduction de Fatalism, un article de Richard Taylor paru en 1962 dans The Philosophical Review (Vol. 71, No. 1). On y verra notamment comment on peut être conduit à envisager la mise en question rationnelle du principe du tiers exclu pour tenter de se soustraire au fatalisme.

Remarquons que c'est ce texte de Richard Taylor que critique David Foster Wallace dans sa philosophy senior thesis (ce qui, pour la France, correspondrait grosso modo au mémoire de maîtrise de philosophie d'avant la réforme LMD) qui a pour titre Richard Taylor's "Fatalism" and the Semantics of Physical Modality, et qui fut soutenue à Amherst College (Massachusetts). Ce travail de David Foster Wallace a récemment été publié et contextualisé sous le titre de Fate, Time, and Language: An Essay on Free Will (Columbia University Press).

Notons encore que si David Foster Wallace conclut son essai en mettant Richard Taylor au défi de « faire de la métaphysique, non de la sémantique », on verra à la lecture de ce texte de Taylor que Wallace, s'il n'a pas fondamentalement tort, est, concernant cette question, sans doute un peu trop sévère ; à ce propos, il conviendra de consulter aussi un autre article de Taylor, paru en 1957 dans The Philosophical Review, et intitulé The Problem of Future Contingencies, qui se concentre, quant à lui, sur l'interprétation aristotélicienne — un article dont, d'ailleurs, nous présenterons peut-être ultérieurement ici la traduction.

 

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LE FATALISME

par Richard Taylor

 

Un fataliste —  si quelqu'un de tel existe —  pense que le futur ne peut pas être changé. Il pense qu'il ne lui appartient pas de choisir ce qui arrivera l'année prochaine, demain, ou l'instant juste à venir. Il pense que même son propre comportement n'est pas le moins du monde en son pouvoir, pas plus que ne le sont les mouvements des corps célestes, les événements de l'histoire lointaine, ou les développements politiques en Chine. En conséquence, il serait pour lui absurde de délibérer à propos de ce qu'il va faire, car un homme ne délibère qu’au sujet de choses qu'il croit être en son pouvoir de faire et d'anticiper, ou d'affecter par ses actions et ses anticipations.


En résumé, un fataliste considère le futur de la manière dont nous considérons tous le passé. Car nous croyons tous qu'il ne nous appartient pas de choisir ce qui s'est passé l'année dernière, hier, ou même il y a un instant, que ces choses ne sont pas en notre pouvoir, pas plus que ne le sont les mouvements des astres, les événements de l'histoire lointaine ou de Chine. Et, en fait, nous ne sommes jamais tentés de nous mettre à délibérer à propos de ce que nous avons fait ou n'avons pas fait. Au mieux, nous pouvons spéculer au sujet de ces choses, nous en réjouir ou nous en repentir, en tirer des conclusions, ou peut-être —  si nous ne sommes pas fatalistes à propos du futur —  en extraire des leçons et des préceptes à appliquer dorénavant. Quant à ce qui, en fait, s'est passé, nous devons simplement le considérer comme donné ; les possibilités d'action, s'il y en a, ne se trouvent pas là. En effet, nous pouvons dire que certaines de ces choses passées furent un jour en notre pouvoir, lorsqu'elles étaient encore futures —  mais ceci est l'expression de notre attitude envers le futur, non le passé.


Il y a diverses manières dont un homme pourrait en venir à penser de cette façon fataliste quant au futur, mais elles auraient de grandes chances d'être la conséquence d'idées dérivées de la théologie ou de la physique.  Ainsi, si Dieu est vraiment omniscient et omnipotent, on pourrait alors supposer qu'il a peut-être déjà fait en sorte que tout arrive de la manière même dont tout va arriver, et qu'il n'y a rien que vous ou moi ne puissions y faire. Ou, sans parler de Dieu, on pourrait supposer que tout arrive selon des lois invariables, que, quoi qu'il arrive dans le monde à un quelconque instant futur, ce qui arrive est la seule chose qui puisse arriver à cet instant-ci, étant donné que certaines autres choses arrivaient juste avant, et que celles-ci, à leur tour, sont les seules choses qui puissent arriver à cet instant-là, étant donné l'état total du monde juste auparavant, et ainsi de suite, de sorte que, encore une fois, nous ne pouvons rien y faire.  Il est vrai que ce que nous faisons pendant ce temps sera un facteur pour déterminer comment certaines choses se produiront finalement — mais ces choses que nous allons faire seront peut-être seulement les conséquences causales de ce qui aura lieu juste avant que nous les fassions, et ainsi de suite en revenant jusqu'à un point peu éloigné où il semble évident que nous n'avons rien à voir avec ce qui arrive alors. De nombreux philosophes, en particulier aux dix-septième et dix-huitième siècles, ont trouvé ce raisonnement très convaincant.


Je désire montrer que certains présupposés presqu'universellement présents dans la philosophie contemporaine conduisent à une démonstration de la vérité du fatalisme, sans aucun recours à la théologie ou à la physique [...]

 

L'intégralité, ici, en .pdf.

 


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