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27/02/2005

Contribution mineure à l'holmésologie

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Il faisait fort sombre en cette fin d'après-midi. Le long des façades sévères de Baker Street, des ombres glissaient telles de secrètes émanations de l’infâme boue piétinée par les chevaux de fiacre. Une fine neige avait en effet attristé Londres toute la journée.

Le docteur Watson sortit doucement de son assoupissement passager et contempla avec hébétude son précieux carnet de notes gisant à ses pieds. Sherlock Holmes s'était absenté. Contrairement à son immuable rituel, le détective n'avait pas fait retraite dans sa chambre pour se livrer à "quelques petites expérimentations chimiques". Un sourire aux lèvres, Watson se prit à l'imaginer en train de manipuler éprouvettes et cornues, mêlant des réactifs colorés aux acides et aux bases tandis que le reflet de la flamme du bec Bunsen brillait au fond de ses pupilles dilatées par l’excitation et la solution à 7%.

Le vénérable médecin en avait donc profité pour s'installer dans son fauteuil du living room, un plaid élimé sur les genoux. Avant de sombrer dans un sommeil sans rêve, il avait initialement prévu de tenter d’assembler les éléments épars de l’enquête en cours de son ami. Son retour n'aurait en effet pas manqué de mettre fin à ses cogitations qui se déréglaient invariablement sous de dysharmoniques coups d'archet.

Après de longues années d’intimité avec le célèbre limier, John Watson prêtait moins d’attention aux pompeuses déclarations de Holmes quant à ses méthodes d’investigation. Les multiples subtilités de l’analyse rationnelle, de l’induction et de la déduction qui lui étaient complaisamment détaillées le laissaient désormais de marbre. Pourtant, comme il était admiratif à leurs débuts ! Il avait néanmoins fini par se rendre compte que l’esprit si brillant du détective ne fonctionnait pas ainsi. En réalité, il sautait de-ci de-là tel un chien de chasse flairant les pistes de lièvre ou de sanglier : un buisson de ce côté, une ornière du chemin... L’activité mentale de Holmes était strictement parallèle à celle de son corps. Examinant les lieux d’un crime ténébreux, son long corps mince et noueux se détendait brusquement comme un ressort au moindre signe de cendres issues de tabacs exotiques ou de minuscules particules de sang coagulé...

Subitement, un frisson glacé parcourut l'échine du médecin. Et c'est en cet instant qu'il comprit tout.

 

* * *



Au premier coup de minuit, Sherlock Holmes rentra au bercail. Etonné, il salua sèchement Watson puis s'enquit de sa veille prolongée. Il n'obtint toutefois que cette réponse inappropriée et laconique :

"Vous savez, Irène Adler m'a tout dit."

Les deux hommes échangèrent longuement un étrange regard. Holmes finit par baisser les yeux. Ses mâchoires se mirent à se contracter compulsivement tandis que sa paupière droite fut prise d'un tremblement irrépressible.

Posément, Watson se leva et lui fit face.

"Madame Hudson ne rentrera que tard dans la matinée" annonça-t-il, mâle et goguenard.

 

* * *



Une heure plus tard, Holmes, épuisé et amer, la main serrée sur sa propre gorge, s'enfermait dans sa chambre-laboratoire. On put certes l'entendre ouvrir quelque tiroir mais la détonation fut pourtant quasi immédiate.

Ce n'est qu'aux premières heures du jour que le coroner et ses acolytes arrivèrent, accompagnés d'un homme trapu au visage grave et énigmatique.

"Mycroft, je suis désolé" lui dit Watson d'un air matois.

L'homme le foudroya du regard.

 

 

 

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