10/09/2005
Narcisse à Colone
« Notre âme minuscule, à demi condamnée,
S'agite entre les plis, et puis s'immobilise.
[...]
Nous avons combattu des puissances hostiles.
Puis nos bras amaigris ont lâchés les commandes.
Et nous avons flotté loin de tous les possibles.
La vie s'est refroidie, la vie nous a laissé.
Nous contemplons nos corps, à demi effacés
Dans le silence émergent quelques data sensibles.
[...]
Bientôt les êtres humains s'enfuiront hors du monde.
Alors s'établira le dialogue des machines.
Et l'informationnel remplira, triomphant,
Le cadavre vidé de la structure divine.
Puis il fonctionnera jusqu'à la fin des temps. »
(Houellebecq, Présence Humaine)
Face au mur, et avec talent, elle chantait des complaintes nihilistes.
Elle avait bien trop peur de se retourner. Oui, elle aurait vu d'autres humains, c'est-à-dire qu'elle aurait compris, dans le miroir de leur regard, sa propre finitude.
Qui chante la mort, ne l'a pas traversée, n'est pas encore né, perdu dans les limbes d'un utérus pastel, indéterminé sous la perfusion d'un placenta tout-puissant. Toute scission, toute décision y serait atteinte intolérable. Naissance. La mort du Tout. Que ce terme équivaille à "cercle carré" serait le blasphème par excellence, la naissance à soi comme être libre et mortel. La singularisation, en somme : Narcisse mourant sans Echo, dans le silence des entrailles glacées de la machine célibataire.
Tu as peur, ma douce.
Tu as peur de la vie. Tu as peur de la mort.
Tu as peur, ma douce.
Face au mur, et avec talent, elle chantait des complaintes nihilistes.
20:15 | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
The Passion of Lovers
"She had nut painted arms
That were hers to keep
And in her fear
She sought cracked pleasures
The passion of lovers is for death said she
Licked her lips
And turned to feather
And as I watched from underneath
I came aware of all that she keep
The little foxes so safe and sound
They were not dead
They'd gone to ground
The passion of lovers is for death said she
The passion of lovers is for death
The passion of lovers is for death said she
The passion of lovers is for death
She breaks her hear
Just a little too much
And her jokes attract the lucky bad type
As she dips and wails
And slips her banshee smile
She gets the better of the bigger to the letter
The passion of lovers is for death said she
The passion of lovers is for death
The passion of lovers is for death said she
The passion of lovers is for death
The passion of lovers is for death said she
The passion of lovers is for death
The passion of lovers is for death said she"
Bauhaus.
Écrit par : Pour elle. | 10/09/2005
Et murmura la lézarde s'harmonisant à son vibrato profond. Concavité de la note grave descendant le long de la prise de terre. Elle n'ébranla rien que le lombric se prélassant et se tortillant maintenant à rebours, plein du désir de la coupure au nom de la singularité éternelle et démultipliée.
Et murmura l’onde tremblotante qui brise en mille éclats le miroir de Narcisse.
Lombric spéculaire.
Écrit par : l'épistolière maniaque | 10/09/2005
Ce ruban de Moëbius aux fourmis, c'est bien celui qui illustre le volume du séminaire de Lacan sur l'angoisse ?
Il y fait la distinction entre la peur et l'angoisse, "terme intermédiaire entre la jouissance et le désir, en tant que c'est franchie l'angoisse, fondé sur le temps de l'angoisse, que le désir se contitue."
Écrit par : Alina | 11/09/2005
Absolument, Alina. En corps, les lieux mêmes de la peur et de l'angoisse diffèrent. Quant à cette dernière, "peur de la peur", peur réfléchie, elle est assomption du manque et dépassement de celui-ci vers le désir. La solution lacanienne, platonisante, maintient pourtant dialectiquement le manque au sein du désir : l'angoisse y est conservée comme lien au manque. On peut, ce me semble, en suivant la voie de Lucrèce ou de Spinoza par exemple, s'en affranchir.
[Cf. http://anaximandrake.blogspirit.com/archive/2005/02/09/meis_et_amicis.html ]
Écrit par : Anaximandrake | 11/09/2005
Tout à fait d'accord avec vous, on peut s'en affranchir. Et même sans avoir lu Spinoza ou Lucrèce. En le vivant. C'est un signe de la grande santé, non ? Et autant que l'amour est vivant, nul manque de manque ne saurait entamer le désir.
D'autre part, Lacan a mal compris le désir des femmes parce qu'il se focalise comme tout le monde depuis Freud sur une correspondance faussée entre phallus et clitoris. Le vrai sexe de la femme est bien pour ces auteurs un trou noir, un continent noir - d'où sa façon de garder caché son Courbet, "L'origine du monde". Ce qui correspondait d'alleurs très bien à la vérité de l'époque, en droite ligne depuis les expositions d'hystériques organisées par Charcot. L'hystérie, me semble-t-il était au moins égale chez les mâles qui la traquaient et s'en repaissaient que chez les femelles qui leur en offraient le spectacle - puisque tel était leur désir...
Écrit par : Alina | 11/09/2005
Oui.
Ledit Courbet était d'ailleurs dissimulé derrière un tableau japonisant qui en reprenait les lignes majeures. Spectacle signifiant, n'est-ce pas ?
Lacan était - au moins en partie - conscient de ce que vous mettez en exergue quant à l'hystérie. Il se disait en effet "hystérique parfaite, c'est-à-dire sans symptômes." Il considérait d'ailleurs Socrate de même.
Écrit par : Anaximandrake | 12/09/2005
Qui traverse la mort est le contemporain du chant
Chant est la traversée .
Pourtant Hölderlin : "A quoi bon les poètes au temps de la détresse "
Écrit par : Simone | 12/09/2005
"Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne."
(Mallarmé)
Écrit par : Anaximandrake | 12/09/2005
Pauvre cygne, au songe assourdi de mépris , qui pense, inutile, l'exil .
Écrit par : simone | 13/09/2005
Ce qui brille , voilée et non vêtue, dans les fantômes, car ils en reviennent, c'est l'éternité de l'extase de la chair, qu'en actes ils auront été .
Écrit par : Simone | 13/09/2005
« La poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence : elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle. » (Mallarmé à L. d’Orfer, juin 1884)
Écrit par : « L’absente de tous bouquets » | 16/09/2005
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