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21/04/2008

Animalia mansuefacta

 

« C’était encore l’époque – époque bénie – où les villes n’avaient pas de banlieue. » (Gracq)

 

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« — Parmi tes copines et tes copains, dit Socrate, j’en connais qui déambulent nuit et jour les écouteurs vissés sur l’étroit conduit des oreilles, tel un entonnoir pour y faire couler le tam-tam hypnotique de leurs musiques chéries. Ce faisant, je l’admets volontiers, ils endorment en eux la pulsion coléreuse qui constitue la deuxième instance du Sujet. Ils sont comme un fer qu’un feu mélodique ramollit, et ainsi, de loups inutilisables qu’ils étaient, ils finissent par ressembler à des lapins angoras : pelucheux, tendres, civilisés...

Mais s’ils continuent à dissoudre leur vie dans la nappe sonore, certes infiniment suave, le principe même du courage venant à disparaître, c’est le Sujet en eux qui perd tout ressort, et quand la guerre éclate, ou qu’il faut affronter une dure répression, ils ne sont plus, comme Homère le dit de Ménélas, que des « combattants exsangues ».

— Vous les décrivez comme si on y était, ces appendices cornus de leur baladeur ! On dirait ma copine Pénélope !

— Mais parmi tes copines et tes copains, il y en a d’une toute autre espèce. Laissant tomber la musique savante, pour ne pas même parler de la politique ou de la philosophie, ils ne quittent le stade ou la salle de musculation que pour suivre un régime spécial « mise-en­-forme ». Et il faut avouer qu’ainsi devenus costauds et sûrs d’eux-mêmes, ils peuvent faire preuve d’un courage exemplaire, face aux envahisseurs, comme face à la police des réactionnaires fieffés qui s’abritent derrière les mots « démocratie » ou « république ».

Cependant, privés de tout accès aux arts, à supposer même qu’en tant que Sujets ils désirent apprendre, comme ils ignorent ce que c’est qu’un savoir ou une recherche, qu’ils n’ont aucune pratique de la discussion argumentée ni de rien qui relève de la culture générale, leur désir intellectuel est frappé d’asthénie irrémédiable, il est comme sourd et aveugle. Le manque d’entraînement les rend incapables d’éveiller et d’entretenir des sensations qui soient vraiment différenciées. Ils deviennent presque certainement incultes et ennemis du langage rationnel, inaptes à se servir d’arguments quand il faut rallier les autres ou critiquer les adversaires. Comme des animaux furieux, quelles que soient les circonstances, c’est par la violence qu’ils cherchent à s’emparer de ce qu’ils désirent. Ils stagnent dans une vie coupée de toute connaissance, et donc infiniment maladroite.

— Portrait tout craché de mon ami Cratyle, celui qui est le fils du bien connu Cratyle.

— Si le Grand Autre a proposé à l’espèce humaine deux types fondamentaux d’exercices, le sport d’un côté et les arts de l’autre, je crois pouvoir conclure qu’il ne l’a pas fait à partir d’une distinction stéréotypée entre le Sujet et le corps. Il l’a fait pour que le degré de tension dans le Sujet des deux qualités cruciales, le courage et la philosophie, puisse être exactement dosé en fonction des circonstances. »

 

(Platon, La République, Livre III, 411a-412, traduction A. Badiou)

 

Commentaires

Fichtre Magister ! De chevrotines en chevrotines, les balles ne sont pas perdues pour tout le monde.

Amitiés.

Écrit par : Lambert Saint-Paul | 21/04/2008

Rapist !

Écrit par : sk†ns | 21/04/2008

oui - da coda

Écrit par : jérôme-david | 23/04/2008

Bloody badio-collaborationist !

Écrit par : sk†ns | 24/04/2008

Les commentaires sont fermés.