01/10/2010
μίμησις / ποίησις / ἀλληγορία
« Il semble donc que si un homme capable par son talent de se transformer de mille manières et d'imiter toutes sortes de choses venait en personne dans notre cité avec le projet d'y représenter ses compositions poétiques, nous le vénérerions comme un être sacré, merveilleux, délicieux, mais nous lui dirions qu'il n'y a pas d'homme comme lui dans notre cité, et qu'il n'est pas conforme à la loi qu'il s'y intègre. » (Platon, République, III, 398a)
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« Tant qu'on demeure dans la poésie, on demeure dans la vérité […] La poésie ne précède pas seulement le roman ; elle précède aussi, et de manière plus directe, la philosophie. Si Platon laisse les poètes à la porte de la fameuse cité, c’est qu’il n’a plus besoin d’eux (et que, devenus inutiles, ils ne tarderont pas à devenir dangereux). » (Michel Houellebecq, Interventions)
(Le Poète, par Henri Martin)
« [I]l est ancien le conflit entre la philosophie et l'art de la poésie . Et en effet, "la chienne qui aboie contre son maître", cette "glapissante" [...] et mille autres expressions qui sont les signes de leur vieille opposition le montrent clairement. » (Platon, République, X, 607b-c)
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« C'était l'année des P, j'ai appelé mon chien Platon, et j'ai réussi mon poème ; c'est un des meilleurs poèmes jamais écrits sur la philosophie de Platon - et probablement aussi sur les chiens [...] Un chien porte déjà en soi un destin individuel et une représentation du monde, mais son drame a quelque chose d'indifférencié, il n'est ni historique ni même véritablement narratif, et je crois que j'en ai à peu près fini avec le monde comme narration - le monde des romans et des films, le monde de la musique aussi. Je ne m'intéresse plus qu'au monde comme juxtaposition - celui de la poésie, de la peinture » (Michel Houellebecq, La carte et le territoire)
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« La poésie est le lien rigoureux qui lie ce qui est sans rattachement. » (Martin Heidegger, Souvenir)
(Le Philosophe, par Henri Martin)
(Le Travail Intellectuel, par Henri Martin)
« En 1875, Prosper Chabrol construisit l’actuelle salle de l’Assemblée générale. Les quatre toiles qui la décorent sont de Henri Martin et datent des années 1920. Ce sont des allégories de "l’Agriculture", du "Commerce", de "l’Industrie" et du "Travail intellectuel". L’ensemble porte le titre de "La France laborieuse se présentant au Conseil d’État". L’auteur a choisi de représenter une scène de moisson, la place de la Concorde en travaux, les pêcheurs de Marseille devant le Vieux-Port. Le symbole de la pensée est figuré sous la forme d’un vieil homme marchant dans la forêt. » (site Internet du Conseil d'Etat)
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« Dans la part la plus numériquement importante de la série des "métiers", celle que les historiens d'art ont pris pour habitude d'intituler la "série des métiers simples", Jed Martin ne représente pas moins de quarante-deux professions-type, offrant ainsi, pour l'étude des conditions productives de son temps, un spectre d'analyse particulièrement étendu et riche.» (Michel Houellebecq, La carte et le territoire)
(L'Agriculture, par Henri Martin)
« [S]i, dans l'art plastique, l'allégorie est inadmissible, elle est en poésie très admissible et très utile. Dans l'art plastique, en effet, elle conduit de la donnée intuitive, de l'objet propre de tout art, à la pensée abstraite ; dans la poésie, au contraire, le rapport est inverse ; ici ce qui nous est directement offert par le moyen des mots, c'est le concept ; or l'artiste a toujours pour but de nous conduire du concept à l'intuition, intuition que l'imagination de l'auditeur doit se charger de représenter. Si, dans l'art plastique, la donnée directe nous conduit à une perception autre qu'elle-même, ce ne peut être qu'à une abstraction, car il n'y a que l'abstrait qui ne puisse pas y être représenté immédiatement ; mais un concept ne doit jamais être le point de départ, ni sa communication le but d'une œuvre d'art. Au contraire, en poésie, c'est le concept qui constitue la matière, la donnée immédiate, et l'on peut parfaitement s'élever au-dessus de lui pour évoquer une représentation intuitive tout à fait différente dans laquelle le but de la poésie se trouve atteint. » (Arthur Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation)
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Commentaires
"Il y avait dans l' Isle de Scio une Diane disposée de telle façon, qu' elle donnoit de l' horreur à ceux qui iettoient d' abord les yeux sur elle, mais estant considérée de près, et en un autre sens, elle paroissoit autant agréable qu' elle avoit auparavant semblé laide et monstrueuse. C'est une naïve représentation de l' antimoine..." (Renaudot, "l' Antimoine justifié et triomphant")
"Séduite par la beauté du jeune homme, elle oublie les rivages de Cythère; elle cesse de fréquenter Paphos, qu' environne une mer profonde, Gnide la poissonneuse, ou Amathonte féconde en métaux. Elle ne se montre même plus dans le ciel: au ciel elle préfère Adonis. Elle s'attache à ses pas; elle l'accompagne partout; elle qui avait toujours été habituée à goûter un doux repos sous les ombrages et à rehausser sa beauté par la parure, elle erre ça et là à travers les montagnes, les forêts, et les roches buisonneuses, sa robe retroussée jusqu'au genou à la façon de Diane. Elle excite les chiens et poursuit les animaux que l'on peut capturer sans danger, les lièvres prompts à fuir, tête basse, les cerfs à la haute ramure, ou bien les daims..." ( Ovide, Les Métamorphoses, X, "Vénus et Adonis")
Écrit par : Artémis | 02/10/2010
De l'art du montage.
Belle approche "indirecte" du roman de M.H.
Écrit par : P/Z | 02/10/2010
Merci.
Il y aurait en fait beaucoup à dire sur les nombreux jeux de miroir (et donc de références) à l'œuvre dans le dernier opus de Houellebecq, et qui constituent, en creux, comme un art du roman (entendu en particulier comme 'artisanat'), voire un méta-roman - et peut-être même un adieu au roman.
En tous cas, plus que du classique miroir stendhalien, il s'agit me semble-t-il ici d'un agencement de ces miroirs courbes, si présents dans la peinture hollandaise, mais aussi, in fine, de vanités et d'anamorphoses comme paradoxes de la représentation - et jusqu'à l'atomisation, comme le corps du personnage M.H. finalement réduit à une pure 'juxtaposition' (quasi picturale), ou à la recomposition monstrueuse, comme celle du collectionneur pervers (quasi poétique).
Si donc, dans ton intéressante note ( http://tinyurl.com/26b7mls ), tu as raison d'écarter le Dieu de Leibniz en tant qu'opérateur du choix du meilleur des mondes possibles, peut-être pourrait-on détecter cependant une sorte de perspectivisme, où chacune des monades exprimerait le monde selon son mode propre de clarté et d'obscurité.
L'on aurait toutefois affaire non à une harmonie préétablie, mais (faute d'un Dieu qui ferait converger les séries) à l'illusion de celle-ci, presqu'à un Rorschach, c'est-à-dire en fait à cette fameuse 'synchronicité' - notion que tu soulignes à juste titre. Bref, le sens (l'univers en tant que monde) doit être construit, car ce qui est donné à l'homme, c'est le hasard et l'absurde, particules sur fond de lois scientifiques universelles et probabilistes.
Enfin, comme je le disais chez toi, à cette notion de synchronicité, relions un type d'analyse de la diachronicité que Houellebecq évoquait dans 'Les Particules élémentaires' :
"Considérant les événements présents de notre vie, nous oscillons sans cesse entre la croyance au hasard et l'évidence du déterminisme. Pourtant, lorsqu'il s'agit du passé, nous n'avons plus aucun doute: il nous paraît évident que tout s'est déroulé de la manière dont tout devait effectivement se dérouler. Cette illusion perceptive, liée à une ontologie d'objets et de propriétés, solidaire du postulat d'objectivité forte, Djerzinski l'avait dans une large mesure déjà dépassée."
Écrit par : Anaximandrake | 02/10/2010
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