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29/01/2007

La Militarisation de la Paix (4)

par Reza Negarestani
 
 
 
Lorsqu’un arbre est infecté par une maladie de type dieback, seules les feuilles et les branches sont détruites ; toutefois, en l’absence de feuilles et de branchettes, l’arbre devient graduellement soumis (surexposé) aux facteurs environnementaux, tous ses systèmes se verrouillent dans des programmes dysfonctionnels qui affaiblissent le système immunitaire et consument l’arbre de l’intérieur. Les différentes étapes d’une une maladie dieback civilisationnelle seraient les suivantes : paranoïa, insuffisance des investissements, les civils comme cibles principales pour les deux camps, déréliction. C’est la conséquence d’une réaction de l’arbre infecté qui, plus qu’une tentative de retour à la santé, s’avère en fait une autodestruction. Dans ce système, cette autodestruction (ou auto-rétablissement dysfonctionnel) peut être définie comme une panne des mécanismes responsables de la reconnaissance immunitaire, et comme l’induction d’une réponse immunitaire contre les composantes du soi. Une telle catastrophe mène à la reprogrammation du système (immunitaire) dans l’optique d’une détérioration du soi.

Un Takfiri guidé par la Taqiyya, alors, n’est rien de plus qu’un civil. En se détruisant lui-même, il détruit aussi les entités civiles, et parvient donc à appliquer le mécanisme dieback au système.. La Taqiyya armée n’est pas directement connectée au mécanisme dieback ; mais c’est un modèle qui fait passer le Takfiri d’une Taqiyya comme simple camouflage, à une Taqqiyya plus puissante, véritable plan logistique vers lequel les tactiques et stratégies (para)offensives peuvent converger puis s’amplifier. Lorsqu’un Takfiri extrémiste utilise la Taqiyya, il implante ses mécanismes de sabotage parmi les civils dont il se sert comme backdoors. Un Takfiri guidé par la Taqiyya passe du rôle de figure opérationnelle clé dans sa propre armée à celui de civil ; à ce stade, la Taqiyya donne réellement accès, non pas à des cibles importantes, mais aux civils ordinaires (la tactique primaire d’un mécanisme dieback), et donne au Takfiri l’opportunité de confondre et d’opérer en réalité la distorsion de tous les diagrammes et cartes qui permettent de distinguer le civil du terroriste. A travers cette backdoor, un Takfiri peut à la fois infliger des dommages aux civils (ou aux entités superflues d’un arbre, ou considérée comme telle) d’une manière plus efficace et à une plus large échelle, et déjouer ses systèmes de protection en se les assimilant, et en étant assimilé par eux.

Les doctrines originelles du culte Takfiri proviennent de l’enseignement de Qutb et de celui Shukri Ahmad Mustafa. Faraj, influencé par la doctrine du ‘’Takfir wal’’Hijra’ (excommunication et exode) –imitation du prophète qui quitte la Mecque et la Maison d’Allah pour vivre dans un désert purifié, purgé de toute manifestation d’idolâtrie – énonce une nouvelle vision du désert et de la désertification, vision étrangère à l’image conventionnelle du Désert qui est familière à la dynamique socio-politique, et en particulier à celle de l’Occident. A plusieurs niveaux différents, , ce désert englobe l’intégralité des tendances radicales de l’Islam, depuis l’incessante extériorité d’Allah à l’Homme, en passant par le désert considéré comme le simple plan fonctionnel de soumission à cette extériorité radicale (Allah qui ne sera jamais révélé), jusqu’aux composantes nomadiques originelles du Jihad. Un nomade du désert ne migre pas, car il est soumis de façon minimale à l’influence des facteurs climatiques ; il creuse ses propres tunnels, réalise ses propres niches à l’intérieur du désert, traverse les dimensions des espaces lisses et ouverts, et ce, en les exploitant et en les trahissant. Les scorpions creusent ; ils ne sont pas architectes, ils ne construisent pas des agrégats de solide et de vide. Ils ne bougent pas non plus perpétuellement ; ils dévorent et agrippent les espaces. Pour eux, l’espace ouvert n’est pas un simple lieu où habiter, un endroit où résider (une niche à occuper), il est, au-delà, le Lieu de la Guerre (dâr al-harb), l’espace ouvert d’une chasse non sélective. Mustafa introduit hystériquement cette machinerie et notion du désert dans tous les aspects de sa pensée, et ce, à un tel degré que son culte a été moqueusement appelé ‘’la société de la flagellation du désert’’. Il est plutôt ironique de révéler la profession réelle de Mustafa : il était un agronome très talentueux.

Prenez une forêt russe au bord de la toundra, et dont les arbres ont été tués en étant frappés par un black-rot et un dieback hivernal. Au sens Takfiri, les arbres ravagés ne sont pas différents d’un désert sans arbre : le dieback purifie, désertifie l’organisme infidèle, et le conduit vers la désolation totale du Désert du Divin.

Dans le sillage de la Taqiyya armée, ce n’est plus le Takfiri qui est le problème ; ce sont les civils autochtones du pays, plus que les immigrants, qui posent une menace sécuritaire ultime. Il n’y a pas d’acte de guerre plus radical que le combat dans des champs de bataille molécularisés, constitués d’entités sans importance, et dont la potentialité conflictuelle a déjà été neutralisée.




(A SUIVRE)

 

 

26/01/2007

Et ruit Oceano nox


 « Je ne peins pas l'être. Je peins le passage. » (Montaigne)

 

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« Un souvenir, mon ami. Nous ne vivons qu'en avant ou en arrière. » (Nerval) 

 

 

 

17/01/2007

La Militarisation de la Paix (3)

par Reza Negarestani



Selon Faraj, les nouveaux points de doctrine de la Taqiyya armée peuvent être énumérés comme suit :

(i) La Taqiyya en tant que dissolution de soi-même et de l’autre.

La Taqiyya devient une politique destinée à sortir la guerre du champ de bataille (il est dit dans son livre extrémiste Jihad que la guerre doit se dérouler partout, excepté sur le champ de bataille ; cette guerre est externe au champ de bataille conventionnel. « La guerre n’est pas un théâtre, infidèles ! » crie Faraj). Ainsi s’agit-il d’introduire les entités jihadistes parmi les civils et toutes les autres entités politiques, économiques et culturelles, qui, à première vue, pourraient apparaître non pertinentes, en se mêlant à la foule, loin des lignes de front. « Vers l’omniprésence réelle de la guerre qui efface progressivement la platitude du champ de bataille », la doctrine de Terreur se transforme volontairement en un mouvement sinistre de totale auto-dissolution. L’usage de la Taqiyya comme politique (para)offensive n’est toutefois pas une invention de Faraj, du culte Takfiri, ni même des extrémistes Wahhabites. On pourrait retrouver sa trace jusqu’à chez Hassan i-Sabah, mais ce n’est pas son invention non plus (bien qu’il l’ait améliorée et militarisée de manière stricte). En fait, on peut faire crédit de la Taqiyya considérée comme une politique (para)offensive destinée à se mêler à la foule (par opposition à la Taqiyya en tant qu’outil de dissimulation pour éviter le danger, ainsi qu’on l’entendait aux débuts de l’Islam) à Abdullah ibn Maimun ou Maymun (et son culte Batiniyya, l’une des sociétés islamiques hérétiques et souterraines, ainsi que les mouvements subversifs qu’il a fondés et qui sont devenus plus tard les sectes Isma’ilie dirigées par Hassan i-Sabah). Maimun est cet occultiste persan, saboteur politique et conspirateur qui a sapé le règne des califes en Egypte (d’où le culte Takfiri est originaire, avec ses figures influentes telles que Qutb, Mustafa, etc.) et préparé la région pour ses ambigus et mystérieux alliés, Al Fatemids (Fatemion) qui devinrent plus tard les ennemis les plus enthousiastes des califes et de leurs modes conventionnels de militarisme. Faraj, qui suit de très près la politique d’Ibn Maymun, suggère que la Taqiyya ne devrait pas être simplement une tromperie, une tactique cachée ; elle devrait consister en la recherche du plus haut degré de mimétisme avec les infidèles et leur civils : « s’ils se droguent nous devons nous droguer aussi, s’ils se livrent à tous les types d’activités sexuelles, nous devons mener ces activités à l’excès », etc. L’extrémiste jihadiste doit se confondre avec les « infidèles les plus infâmes ».


(ii) La Taqiyya en tant que militarisation (para)offensive des civils.

En référence à la politique de Faraj, qui considère la Taqiyya comme un élément inséparable du Jihad, l’expert anti-terroriste français et président de l’observatoire international du terrorisme basé à Paris, Roland Jacquard, montre brillamment qu’un Takfiri guidé par la Taqiyya est lui-même une bombe prête à l’emploi, qu’il passe ou non à l’action (il a une mission). Lorsqu’un Takfiri se confond avec les civils ordinaires – ne dissimulant plus mais se comportant comme un vrai civil infidèle dans chacun des aspects de sa vie publique et privée – alors l’arme commence, de façon autonome, à être activée par l’autre camp ; le gouvernement (d’un pays étranger non islamique, par exemple) commence à filtrer, purger et pourchasser ses propres civils, en réduisant ses droits, en les confinant dans une quarantaine économique, sociale, et politique afin d’isoler ou même d’éradiquer la maladie et, en même temps, ses hôtes potentiels. Chaque individu est potentiellement une cellule ou une niche Takfiri, un site d’infestation, une cible militaire primaire. Ainsi, la phase la plus offensive et active de la vie d’un Takfiri n’est pas celle où il (ou elle) est engagé dans une mission à haut profil, comme celle du 11 septembre, mais plutôt lorsqu’il (ou elle) devient un simple civil, totalement désarmé et dissocié de toute ligne de commandement. Un Takfiri se confond avec chacun et, en conséquence, chacun se confond avec lui ; lorsque l’on en vient à chasser un Takfiri, on en vient inéluctablement à exterminer des entités non-militaires, bien loin des champs de bataille, au cœur de ses propres terres.


(iii) La Taqiyya est un déclencheur de la Guerre Blanche.

La Taqiyya déséquilibre l’intégralité de la dynamique conventionnelle entre machines de guerre, une dynamique qui les voit s’affronter, se pourchasser, et se consumer l’une l’autre. Ce processus de mise en déséquilibre ne sert pas à déplacer la bataille le long d’un axe ''victoire-défaite'' mais seulement à déséquilibrer les liens de communication entre deux modalités tactiques : des lignes militaires actives à un pôle et des lignes virales latentes non-tactiques à l’autre. Le Takfiri met en sommeil tout son potentiel militaire, "meurt" tactiquement (en n’étant même plus camouflé), et ressuscite plus tard en sa vraie forme. Les machines de guerre Takfiri du Jihad extrémiste opèrent sur des lignes tactiques transitoires et divergentes. En conséquence, on ne peut ni les rejoindre ni communiquer avec elles ; la communication étant la condition sine qua non pour l’affrontement entre des machines de guerre, celui des conflits militaires basés sur l’entropie, des mécanismes considérés par Deleuze et Guattari comme les processus qui créent, en tant que tels, la machinerie et l’espace de la guerre.


(iv) La Taqiyya en tant qu’outil de désertification.

En donnant au Jihad fétichisé une machinerie épidémique omniprésente, la Taqiyya permet à Faraj d’ouvrir une nouvelle ère dans l’imaginaire des mécanismes d’extinction, de sabotage et d’éradication relatifs aux aspects pyromanes de l’hérésie et de la théo-tyrannie dangereusement romantique. Faraj met en avant le fait que "leur" (il nomme rarement ses soi-disant ennemis : les USA) machine de guerre militaire repose surtout sur « le principe de mort massive » (1), ou bien, ainsi qu’ils le disent, "la mort venant d’en haut" (destruction massive, drones tueurs, avions high-tech, bombes intelligentes, "Choquer pour se faire respecter", "Mère de toutes les bombes", missiles invisibles venant de nulle part). C'est pourquoi Faraj présente une alternative Takfiri à cette machinerie et propose une nouvelle doctrine d’hypercamouflage qu’il appelle « mécanisme de dieback » (2), terme emprunté à la botanique et à l’agriculture. Ce qu’il définit comme "dieback" peut s’appliquer à une « civilisation aussi bien qu’à un arbre ou toute collectivité de type arborescent ». Afin de mener un arbre à sa destruction, un terroriste Takfiri n’interfère jamais avec les racines ni n’essaie de déraciner l’arbre entier, une action qui n’arracherait que les racines principales, laissant ainsi les radicelles et diverses autres parties des racines dans le sol, substrat qui pourrait donner naissance à d’autres arbres. Le terroriste ou extrémiste jihadiste lance une maladie dieback contre l’arbre ; pour être précis, il commence par détruire les feuilles les plus petites et vivaces qui poussent au sommet de l’arbre et de ses branchettes, puis continue son travail vers le reste des feuilles, sans endommager le tronc ni les racines. En détruisant les feuilles du sommet vers la base et en suivant les branchettes, l’arbre s’affaiblira peu à peu : coupé de tout contact et déprimé, il finira par être incapacité et commencera à (sur)réagir d’une manière autophagique et allergique à l’isolement artificiel provoqué par la maladie dieback. La Taqiyya fournit aux Takfiris l’opportunité idéale pour utiliser cette machinerie dieback ; en partant des feuilles (les civils ou ce qu’il nomme ‘’entités superflues ‘’) et des branchettes (petites organisations, etc.), pour finalement détruire tout l’arbre sans avoir jamais lancé aucune attaque directe contre ses principaux organes.




(1) Les questions d’escalade et de diffusion du conflit dans l’espace et le temps sont d’une grande importance à la fois pour les campagnes militaires occidentales et pour les actions terroristes des jihadistes. Tandis que le Jihadisme utilise la diffusion pour ses conflits hors champ de bataille (à travers la contamination pétro-politique des systèmes politico-économiques mondiaux, son utilisation sans tabou de la Taqiyya armée, sa préférence donnée à la stratégie plutôt qu’à la tactique ainsi qu’à la communication de type contagieux plutôt qu’à la transgression), le techno-capitalisme occidental maintient une position d’escalade sur le champ de bataille, position connectée au corps propulsif du techno-capitalisme, sa précision tactique et sa suprématie. Cependant, tous deux partagent une tendance commune au conflit, transformant les agents humains en champs de bataille moléculaires et machines de guerre. Pour le Jihadisme, cette molécularisation des guerriers prend une forme dispersive et épidémique, notamment avec la Taqiyya (para)offensive. Pour le camp occidental, elle se manifeste par une renomadisation (au sens deleuzo-guattarien de machines de guerre nomades) de l’armée d’Etat ainsi que par la miniaturisation de l’armée entière et de ses divers matériels sur le corps de chaque soldat.


(2) Une maladie des plantes qui se caractérise par la mort graduelle des jeunes pousses et qui progresse vers les plus grandes branches.



        (A SUIVRE)




13/01/2007

A novo

  
« Tous ces jeux photographiques. » (Borges) 
 
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« Ce blog a aujourd'hui un an. Je remercie sincèrement ses lecteurs, silencieux ou non. » (Anaximandrake, Note du 13 janvier 2006)

 

 

 

10/01/2007

Si vis pacem

« [J]’appelle ça la fratrie : comme ma mère et mon père étaient morts tous deux, j’ai toujours vécu dans des groupes (de jeunes alors). Et toute ma vie, dans la Résistance, dans la lutte anticoloniale, ou dans ma vie intellectuelle... Mon attachement à cette conception fait que n’ai jamais voulu me présenter comme chef d’une école. Il n’y a donc pas de "vernantiens" ! » (Vernant)

« [Q]uel homme d'Etat n'a pas rêvé de cette toute petite chose impossible, être un penseur ? » (Deleuze)

 

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De ceux qui traversèrent comme jeunes adultes la seconde guerre mondiale – ce conflit qui emporta Jean Cavaillès et Albert Lautman – disparaît l'un des derniers "grands intellectuels". Hier, le "colonel Berthier", l'un des libérateurs de Toulouse, est décédé.

 

R.I.P.

 

 

06/01/2007

Dictum de omni et nullo

« [I]l faut se faire une représentation bien inversée du pouvoir pour croire que nous parlent de liberté toutes ces voix qui, depuis tant de temps, dans notre civilisation, ressassent la formidable injonction d'avoir à dire ce qu'on est, ce qu'on a fait, ce dont on se souvient et ce qu'on a oublié, ce qu'on cache et ce qui se cache, ce à quoi on ne pense pas et ce qu'on pense ne pas penser. » (Foucault)

« La signification, c'est ce que devient l'essence, une fois divorcée d'avec l'objet de la référence et remariée au mot. » (Quine)

« Nous autres philosophes, nous partons des choses et non des mots. » (Platon)

 

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A l'instar de Saussure, Lacan définit le langage comme la conjonction de la langue et de la parole. Mais pour ce dernier,  ainsi que Borch-Jacobsen sut le remarquer, la parole se fait langue morte et la langue, parole de personne.

 

Car outre son fameux dictum relatif à l’isomorphie entre langage et inconscient, ses nombreux emprunts aux diverses sciences du langage, se résument – comme il le disait d’ailleurs lui-même – à ce qu'il nomma une « linguisterie ». Notons, en passant, qu’il en est tout autrement de son rapport à la logique mathématique, puisque, en particulier et sans faire preuve d’un aristotélisme excessif, il n’y a pas de science de la science.

 

Contrairement à ce qui est répété, donc, malgré sa virtuosité langagière et son style baroque, ainsi que nonobstant le jeu du signifiant qui constitue le sujet pour l’être langagier, il n’en reste pas moins que l’intérêt majeur de Lacan pour l’histoire de la pensée – si l’on prend bien garde à son nihilisme – relève paradoxalement de la mise au jour de l’ancrage de nombreux faux problèmes philosophiques dans le corps. Et ceci est loin d’être trivial.

 

En cela, au moins, il aura été fidèle à son premier maître, à savoir Spinoza. Et s’il dégrossit le biologisme de Freud, son second maître, il n’échappe toutefois pas à un scientisme fatal. En effet, sa volonté exaspérée de faire du sujet psychanalytique le sujet de la science laisse s’échapper l’essence du désir ; désir qui n'est pas manque et qui peut être l’objet d’un savoir, non d’une science. Car ne nous y trompons pas, Lacan est sans conteste un grand génie, à la fois théorique et clinique, et sur l’inconscient, il est certain qu’il « en connaît un bout ». Mais bien qu'il l'invoque souvent, il n’est pas Socrate. Ne fut-il pas bien plutôt une sorte d’Alcibiade, lui, séducteur hors pair qui se vantait d’être un self-made man ? Car l’algèbre transférentielle et contre-transférentielle n’est pas une dialectique, elle est à peine une dioptrique proto-géométrique. Dès lors, il est inévitable que les neuro-sciences ne voient dans la psychanalyse qu’une psychologie qui, à l'inverse du comportementalisme, ne donne que de médiocres résultats. Et, ironie de l'histoire, c’est le spinozisme qui devient leur modèle.


Oui, stratégiquement, il lui fallait refuser l’ontologie et s’allier au parti de la science pour que le discours de la psychanalyse ne soit pas rabattu sur le philosophique. Lacan aura toutefois permis de rendre possible la création d’un concept philosophique de l’inconscient et, corrélativement, contribué à l’histoire d’un matérialisme (y compris celui du signifiant) en acte. Anti-philosophe, il l’aura été pour avoir voulu faire de la psychanalyse, sinon une science (car ce rêve a tôt pris fin), mais du moins, un analogon de celle-ci, c'est-à-dire le verso de son recto.

 

Le philosophe ne peut cependant pas oublier qu’une singularité est universelle et que l’anamnèse n’est pas réminiscence. Oui, accoucher la vérité du sujet ne suffit pas à faire advenir le sujet de la vérité.

 
 
 

01/01/2007

More geometrico

 « La certitude mathématique, et a fortiori le Cogito n'apparaissent pas, comme la nudité de Salomé, de plus en plus manifestes au sein d'une empirie peu à peu déshabillée de ses voiles» (Jankélévitch)

 
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« Personne ne nous chassera du paradis que Cantor nous a créé. » (Hilbert)