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16/06/2008

Στοιχεία (III)

« Nulle différence entre l'être et le non-être, si on les appréhende avec une égale intensité. » (Cioran, De l'inconvénient d'être né)

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« C’est pour un état-civil. » (Modiano, Livret de famille)

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« J'ai dit l'égalité. Je n'ai pas dit l'identité. » (Hugo, Quatrevingt-treize)

 

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Pour définir un ensemble, il est possible de procéder de deux manières différentes. Soit l’on énonce ex abrupto le réquisit auquel un λ doit satisfaire pour être élément de x, soit l’on choisit d’opter pour l’énumération intégrale des éléments de x. La première définition est alors dite « en intension », tandis que la seconde sera qualifiée de définition « en extension ».

 

Soient l’ensemble x dont les éléments sont a, b et c, et y le singleton possédant b pour unique élément, ainsi que z auquel n’appartient que deux éléments, a et c. Définissons ensuite l’ensemble t en intension : t = {d / d∈x & d∈y}. L’ensemble t est donc l’ensemble des d ayant pour propriété d’être à la fois élément de x et élément de y. En extension, il appert après examen que l’ensemble t doit s’écrire ainsi : t = {b}.

 

On subodore alors finement qu’une relation toute particulière unit t et y, puisque ne l’oublions pas, y = {b}. Pourtant, en intension, ce dernier ensemble pourrait se définir ainsi : y = {e / e∈x & ¬ (e∈z)}. Prima facie, à lire les définitions en intension de t et de y, il ne saute pas nécessairement aux yeux qu’ils partagent en réalité la même définition en extension. En effet, du point de vue intensionnel, l'ensemble y peut s’écrire « l’ensemble des e tels que e appartient à x et e n’appartient pas à z », tandis que t, on l’a vu, a été intensionnellement défini comme « l’ensemble des d ayant pour propriété d’être à la fois élément de x et élément de y ».

 

Manifestement, règne dans le cas de l'intension une potentielle variété d'écriture que, via le nu défilé élémentaire, l'extension dissipe avantageusement. Il est d'ailleurs à noter qu'à toute intension ne correspond pas obligatoirement une extension, même vide, comme Russell le montra à Frege.

 

Comment dès lors, en théorie des ensembles, exprimer l’égalité entre deux ensembles, et donc ici entre y={b} et t={b} ? Tout simplement à partir de leur extension. Il suffira en fait de dire que ces deux ensembles ont les mêmes éléments. Deux ensembles pourront donc être définis « différemment » en intension, leur extension semblable les rendra égaux, et, partant, aucune de leurs propriétés ne sera à même de les distinguer. Fort conséquemment, on nomme l’axiome idoine « axiome d’extensionnalité ».

 

Il devient alors aisé de formaliser l’égalité entre deux ensembles n et p. D’abord, il est nécessaire que pour tout m, si m∈n, alors m∈p. Mais ce n’est pas suffisant, puisque l’on a alors seulement n⊂p, et pas encore n=p. Il faut donc aussi que pour tout m, si m∈p, alors m∈n, i.e. p⊂n. Si deux ensembles sont inclus l’un dans l’autre, alors ils sont égaux. Ce qui peut donc s’écrire formellement comme suit : (n⊂p) & (p⊂n) ↝ n=p.

 

Plus généralement, il faut reconnaître d'après ce qui précède qu’est égal ce qui n’est pas différent. Oui, « c'est égal » et « c'est indifférent » reviennent au même. L’égalité est donc finalement une relation d’indifférence, une relation symétrique qui connecte deux ensembles indifférents, substituables l’un à l’autre salva veritate. En vertu de ce fameux dictum selon lequel « τ τ αὐτ σα καὶ λλλοις στν σα », un troisième ensemble égal au deuxième sera en effet par transitivité égal au premier, si ce dernier est égal au deuxième. Leur nomination peut diverger, c'est toutefois l’égalité formulée qui avère la mêmeté de l'unique entité qu'ils « sont », bref qui constitue une identité. Subséquemment, on pourra être tenté de charger le principe, non pas éponyme, mais homonyme, flanqué de celui de contradiction, de définir ipso facto ce qui n’est pas pseudonyme de l’entité index sui, entité réflexive dont le principe leibnizien des indiscernables garantit l’ipséité.

 

 

09/06/2008

Στοιχεία (II)


« La ressemblance ne fait pas tant un comme la différence fait autre. » (Montaigne)

« Un n'est pas égal à un virgule cinq »  (Skoteinos) 

 

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Soucieux de symétrie, interrogeons-nous tout de go sur une possibilité laissée provisoirement de côté par notre précédente note. En effet, il est loisible de considérer que ce cas de figure mérite d'être traité spécifiquement.

 

Rappelons que l’on sait maintenant qu'il est faux que pour tout x, si x ⊂ y, alors x ∈ y. De plus, l’on connaît désormais l’existence d’ensembles tels que si x ∈ y, alors x ⊂ y. Et finalement, une réponse fut donnée à la question de savoir ce que pouvait être un x qui n'est pas élément d'un ensemble y, tout en étant pourtant inclus dans y.

 

Sans coup férir, le spéculateur de passage doit alors se demander : Qu'est-ce qu'un x qui est élément de y, mais qui n'est pas inclus dans y ?

 

Procédons, certes sans hâte, mais d'un bon pas, et examinons d'abord le cas où, à la fois, x ∈ y et x ⊂ y. Développons donc cette dernière expression, puisque, on l'a vu, c'est à partir de l'appartenance que se définit l'inclusion. Ainsi, x ⊂ y signifie-t-il que pour tout z, si z est élément de x, alors z est aussi élément de y.

 

Pour ce qui nous occupe, quel sens donner alors à un ensemble x tel que x ∈ y mais ¬ (x ⊂ y) ? On déduit immédiatement de la définition de l'inclusion que, x n'étant pas inclus dans y, l’on peut donc trouver au moins un z élément de x qui n'appartienne pas à y, et ce alors même que x ∈ y.

 

Parmi ses éléments, y compte bien x ; il existe cependant au moins un z ∈ x qui, en quelque manière, « échappe » à l'ensemble y. On a donc (z ∈ x) et (x ∈ y) mais pourtant ¬ (z ∈ y). Bref, si x est bel et bien élément de l’ensemble y, x ne fait toutefois pas partie de y, et ce en raison de l'existence d'au moins un z appartenant à x sans appartenir à y.

 

Et par conséquent, nous répondrons sans ambages que, cet x, on peut à bon droit le nommer une singularité.

 

06/06/2008

Στοιχεία

« Par la vitre du wagon, on songe aussi, pris dans le champ d'un périscope, au camp d'atterrissage des géants martiens à tripodes de Wells. » (Gracq, Liberté grande

 

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La théorie des ensembles (e.g. le système Zermelo-Fraenkel, ZF en abrégé) ne fait pas de distinction entre élément et ensemble. Il n'y a que du multiple, et seul le signe d'appartenance (∈) construit l’unité. On y chercherait vainement les définitions d'élément, d'ensemble ou d’appartenance. Oui, ce sont les axiomes (les décisions) qui s'entredéfinissent, dans leur jeu réglé réciproque. Le réquisit, bien entendu, est que l’axiomatique se doit d’être non contradictoire. Aussi, le seul « terme primitif », est-ce finalement l’appartenance.

Ainsi, x ∈ y signifie-t-il que x est élément de y. De ceci, il convient de distinguer x ⊂ y, id est x est inclus dans y, qui signifie que pour tout z, si z est élément de x, alors z est élément de y. A première vue, l’on pourrait se demander : « Diantre ! Mais quelle différence entre ces deux notions ? »  Attention, répondrais-je, ne pas confondre appartenance et inclusion est absolument crucial.

Mais introduisons d’abord l'axiome dit de « l'ensemble des sous-ensembles ». Selon cet axiome, si l’on a x, alors il existe un ensemble de tous les sous-ensembles (ou parties) de x. Cet ensemble, noté p(x), est différent de x lui-même. Il existe en effet un hiatus entre x (unité des éléments) et p(x) (unité des sous-ensembles). L'unité des éléments de x, c'est x lui-même, tandis que l'ensemble de tous les sous-ensembles de x, n'est pas x, mais p(x), qui en diffère.

Dans les deux cas, pourtant, l’on opère sur les mêmes multiples. Ceux-ci, néanmoins, sont comptés de manière différente par l'appartenance et l'inclusion. Et il appert en effet que p(x) est « plus grand » que x. Démontrons-le.

Soient un ensemble x et les y tels que y ∈ x et ¬ (y ∈ y). Soit z l'ensemble de ces y qui appartiennent à x et n'appartiennent pas à y. En vertu de l'axiome de séparation, puisque x est posé comme existant, z existe aussi. Or on a : z est inclus dans x, car z appartient à l'ensemble des sous-ensembles de x, i.e. z ∈ p(x). Cependant, z n'appartient pas à x lui-même. Pourquoi ?

Raisonnons de manière apagogique, et posons z ∈ x. Si ¬ (z ∈ z), i.e si z appartient au sous-ensemble des y tels que ¬ (y ∈ y) et y ∈ x, alors, selon la définition même de z, on a z ∈ z. Si z ∈ z, alors z est élément du sous-ensemble des y tels que ¬ (y ∈ y) et y ∈ x, par conséquent on a ¬ (z ∈ z). Bref, voilà une contradiction manifeste. L'assomption doit donc être rejetée. Ainsi : ¬ (z ∈ x).

Qu’est-ce à dire ? Tout bonnement qu’il existe toujours un élément (ici z) de p(x) qui n'appartient pas à x. Manifestement, p(x) est « plus grand » que x. Quod erat demonstrandum.

On peut donc affirmer avec vérité que si x est bel et bien l'unité de ses éléments, x n'est pas l'ensemble de ses sous-ensembles. Ainsi, l’idée naïve selon laquelle si y est inclus dans x, alors il appartient à x est-elle absolument fausse. Non, appartenance et inclusion ne sont pas superposables. Et oui, si un ensemble est l’ensemble de ses éléments, il n’est pas le tout de ses sous-ensembles.

Examinons maintenant le cas de l’ensemble vide, noté Ø. L’ensemble vide est l’ensemble sans élément, l’ensemble auquel rien n’appartient. Puisqu’il n’a pas d’élément, tous ses éléments sont éléments de tout ensemble. Il est donc universellement inclus. Et en particulier, tout élément de Ø est élément de Ø. Donc Ø est inclus dans Ø. C’est-à-dire qu’il possède au moins un sous-ensemble, qui n’est autre que Ø. Comme n'importe quel autre ensemble, il est donc sous-ensemble de lui-même (sous-ensemble nommé « maximal »), et, bien sûr, ne s’appartient pas. Toutefois, nul besoin, pour lui, de recourir à l’axiome de fondation et de rejeter l’auto-appartenance, puisque s’il s’appartenait, il aurait en effet un élément, hypothèse contradictoire avec le fait que, par définition, il n’en possède aucun.

On a établi plus haut la fausseté de l’énoncé selon lequel, pour tout x, si x ⊂ y, alors x ∈ y. Mais qu’en est-il de la réciproque, à savoir : pour tout x, si x ∈ y, alors x ⊂ y ? Notons que celle-ci est au moins vraie pour l’ensemble qui a Ø pour seul élément, Ø étant aussi l’un de ses sous-ensembles en raison du caractère universellement inclus de Ø. Plus généralement, un ensemble y dont les x sont tels que si x ∈ y, alors x ⊂ y est d’ailleurs appelé « ensemble transitif ». Ce type d'ensemble forme quant à lui la litanie des hiérarchies naturelles.

Pour conclure abruptement, lançons cette question, potentiellement lancinante. Que peut bien être un x qui n’est pas élément d’un ensemble donné mais qui s’y trouve inclus ? La réponse, à la fois rapide et évidente, mais néanmoins profonde pour qui sait lire, possède le charme discret de l’axiomatique : c'est un x, mais un x tel que, bien entendu, ¬ (x ∈ x).

 

03/06/2008

Appendix

« Nous sommes d’incorrigibles hérésiarques, l’hérésie nous fascine, elle nous façonne. » (Dominique Autié - R.I.P.)

 
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 Tombe de Kurt et Adele Gödel (Princeton, NJ, USA)

 

J’ai finalement décidé de proposer la traduction, en appendice à la Gibbs lecture, d'une note de Gödel (parmi de nombreuses autres) biffée du manuscrit original, et dont la position exacte dans le texte définitif ne peut être déterminée avec certitude. Malgré les lacunes ([?]), elle présente, je pense, un intérêt en soi.

 

 

On pourrait demander : n’est-il pas suffisant que le caractère tautologique des mathématiques suive de la vérité des mathématiques ? Ceci semble signifier que les mathématiques doivent être soit rejetées soit considérées comme tautologiques. Mais il est possible de répondre deux choses à cette objection.

1. Quant à ces parties des mathématiques qui nécessitent des concepts abstraits pour leur démonstration de consistance (Cf. note [?]) la condition énoncée en page [?] (qui est nécessaire pour que le système sémantique soit justifiable) n’est pas satisfaite du tout, puisque la vérité des axiomes mathématiques ne suit pas des seules règles sémantiques, mais uniquement de ces règles et de certaines propriétés de concepts abstraits qui n’ont rien à voir avec la sémantique (au contraire, si le point de vue sémantique était correct ce sont précisément ces concepts qui auraient d’abord été réduits à la sémantique. Mais si l’on essaie de le faire, alors les substituts sémantiques ne peuvent représenter ces concepts abstraits et ce, nécessairement, ainsi qu’on l’a expliqué).

2. En ce qui concerne les sous-systèmes de la théorie des nombres (Cf. note [?]) il est à remarquer que ce n’est pas le caractère tautologique qui peut être démontré mais seulement l’existence d’une interprétation tautologique qui n’exclut pas l’existence d’autres interprétations. En conséquence, une autre exigence nécessaire du point de vue sémantique serait dans ce cas que l’interprétation tautologique au moins soit suffisante pour tous les objectifs. Mais ce n’est précisément pas le cas puisque pour la construction même de l’interprétation tautologique l’interprétation intuitive (référée aux symboles) est présupposée ; l’interprétation tautologique n’est en aucun cas seulement une [?] de l’interprétation intuitive, car bien que les deux soient en accord du point de vue de l’extension,
i.e. rendent vraies les même propositions, dans la seconde nous considérons sans aucun doute les mathématiques comme aussi objectives que la physique.]

On pourrait demander : n’est-il pas suffisant au moins [?] une réfutation du réalisme que le caractère tautologique des mathématiques puisse être conclu des mathématiques elles-mêmes ? Cette inférence, bien que non contraignante pour les nominalistes qui doivent laisser en suspens la validité des mathématiques jusqu’à ce qu’ils parviennent à la dériver sur la base de leurs présuppositions philosophiques, doit être reconnue au moins par les réalistes et donc les conduire à l’auto-contradiction. Cette conclusion serait correcte si « tautologie », ici, signifiait réellement « vide de contenu ». Ce terme signifie néanmoins (par définition) [[deux choses]]. 1. que les mathématiques, dans un langage approprié, suivent des règles syntaxiques de ce langage et 2. que ces règles n’ont pas de conséquences dans le domaine de la réalité spatio-temporelle. Mais ce dernier énoncé ne signifie « vide de contenu » que si (à l’aide d’une
petitio principii) fait est identifié à fait empirique. Mais le premier énoncé (si « règle syntaxique » est compris dans le sens général donné par la note [?]) peut aisément être valide pour toute théorie (ou système de propositions) que l’on sait (ou considère) être vrai du moment que le langage est défini (sauf que s’il y a trop d’assertions indépendantes dans cette théorie leur incorporation en tant que règles syntaxiques rendrait le langage intolérablement compliqué)]] qu’il existe un langage dans lequel les mathématiques sont vides de contenu dans la mesure où elles dérivent des règles de la syntaxe.

Ceci représente cependant bien peu puisque la division des propositions vraies entre celles qui sont exprimées par les règles syntaxiques et celles auxquelles on arrive par voie de définition dém. [onstrative ?] est arbitraire sauf que les premières 1. doivent être connues (au moins par les principes desquelles elles dérivent) au moment où le langage est construit, et 2. doivent être suffisamment déconnectées des deuxièmes pour éviter un conflit entre deux classes de règles. En conséquence, si par exemple toute vérité astronomique devait dériver de quelques axiomes, et qu’il n’y avait de plus aucune corrélation entre les directions dans le ciel et sur la terre, alors les axiomes de l’astronomie pourraient être incorporés comme règles syntaxiques et les définitions dém. [onstratives ?] seraient restreintes aux objets terrestres. On rendrait ainsi l’astronomie tautologique. Néanmoins, ceci n’impliquerait aucune perte de savoir astronomique mais juste un changement dans l’interprétation de l’astronomie. Cette procédure réussirait encore mieux pour l’astronomie que pour les mathématiques parce que l’astronomie elle-même ne serait pas nécessaire pour justifier les règles syntaxiques par leur consistance. Il est vrai que dans le cas des mathématiques cette représentation par règles syntaxiques (si cela est fait selon [?] Ramsey, Cf. note [?]) est particulièrement aisée et pour ainsi dire « naturelle ». Il est donc justifié de conclure qu’il y a une grande proximité entre les mathématiques et le langage. A la lumière des faits présentés dans cette conférence, on pourrait de plus conclure non pas que les mathématiques sont une excroissance du langage, mais plutôt que le langage n’est possible que grâce aux mathématiques.

 

 

02/06/2008

Party at last !

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Si vous êtes libres, et en Angleterre (Londres, puis Falmouth) les 7 ou 21 juin prochains, regardez ici sur le site d'Urbanomic.