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28/01/2006

Concordes animi

« Dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. » (Brassens)

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L'être, Badiou ne l'a pas oublié ; la différence ontico-ontologique, c'est-à-dire celle de l'être et de l'étant, rappelée à grands frais et renforts de poètes romantiques allemands par Heidegger, non plus. En effet, mais contrairement à la position naïve du « druide nazi », la science, éminemment, pense l'être.

Oui, à travers la pratique mathématicienne, c'est l'être en tant qu'être que l'on pénètre, être qui s'avère intégralement multiples déductibles. C'est non le domaine ontologique mais l'ontique, id est celui de l'objet, qui est le lieu de l'Un. Mais c'est un spectre : l'unité ne survient que du dehors. C'est le « compte-pour-un » de l'ensemble qui est structuration de la présentation d'un apparaître non phénoménologique. L'étant, alors, est affadissement de l'être comme infini-vide. L'ontologie comme mathématique est donc science de l'inconsistance et l'être, par là même, s'avère tissé de multiples à l'infini, infini qui présente le vide comme élément à la fois premier et ultime.

Si, pour Badiou, le nom de l'être est « vide », chez Deleuze, il serait « vie ». Machinant ces deux ontologies selon un biais non dialectique, il appert qu'en réalité, l'être est isomorphe à la connection logique en tant que telle.

Mais, quoi qu'il en soit, il s'agit de s'aviser que l'événement de la déduction est la présentation de l'inconsistance. L'Archê est paradoxale, forcément paradoxale, si, bien sûr, l'on tient ferme l'exigence d'immanence intégrale. Qu'est-ce à dire ? C'est la suspension de la non-contradiction, plus que la contradiction elle-même, uniquement inhérente à un système singulier, le paradoxe donc, qui, chez Badiou, se donnerait comme sujet. Ceci, pourtant, n'est pas tenable puisqu'il y a position subreptice de transcendance, c'est-à-dire forclusion symbolique et saturation axiomatique abusive. En effet, l'ego est avant tout projection de contradiction ; ce qui, évidemment, n'est pas réciprocable à la logique du paradoxe.

Non, l'ego n'est pas homogène à l'Archê et ne se conclut, selon l'expression deleuzienne, que des états par lesquels il passe. Chez Badiou en revanche, par la suture du sujet qui est reflet spéculaire de l'objet selon le temps, ontique et ontologique, à l'infini, s'indiscernent.

Mais alors pourquoi la pensée serait-elle assignable à un sujet si la mathématique est l'ontologie ? Car - et c'est obvie - le sujet n'est que le déchet du théorique, et, au mieux, le placenta torturé d'un système philosophique. Oui, son activité souveraine est l'intuition intellectuelle du transcendantal comme compénétration de l'un et du multiple, c'est-à-dire advenue du Soi.



25/01/2006

Medicina animi

« Si l'organisation sociale de la ruche semble déjà très dure, celle de la termitière est incomparablement plus âpre, plus implacable. Dans la ruche nous avons un sacrifice presque complet aux dieux de la cité, mais il reste à l'abeille quelque lueur d'indépendance. La majeure partie de sa vie se déroule au dehors, à l'éclat du soleil, s'épanouit librement aux belles heures des printemps, des étés et des automnes. Loin de toute surveillance elle peut flâner sur les fleurs. Dans la sombre république stercoraire, le sacrifice est absolu, l'emmurement total, le contrôle incessant. Tout est noir opprimé, oppressé. Les années s'y succèdent en d'étroites ténèbres. Tous y sont esclaves et presque tous aveugles. Nul [...] ne monte jamais à la surface du sol, ne respire l'horizon, n'entrevoit la lumière du jour. Tout s'accomplit, de bout en bout, dans une ombre éternelle. » (Maeterlinck)

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« Supposons que je sois [...] une chose comprise dans la série des causes et des effets ; que je sois [...] un simple résultat [...] bref un simple rouage du mécanisme. Or ce qui fait partie d'un mécanisme ne peut pas s'en détacher pour se demander : comment tout cela est-il possible ? Ici, en effet, [...] ce rouage occupe une place qui lui a été assignée par une nécessité absolue ; si le rouage que je suis quitte cette place, je cesse d'être ce rouage, je deviens un être indépendant. » (Schelling)




22/01/2006

Auribus teneo lupum

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« Si vous avez compris, vous avez sûrement tort. » (Jacques Lacan)



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« Si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé. » (Alan Greenspan)
 
 
 

20/01/2006

Nulli fallax

« Cette espèce d’agonie différée, lucide, bien portante, pendant laquelle il est impossible de comprendre autre chose que des vérités absolues, il faut l’avoir endurée pour savoir à jamais ce qu’on dit. » (Céline)

 

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« J’ai peur de réaliser la prophétie du Docteur Ickx, de gagner toujours à la fin, pour de vrai, de rejoindre le camp des vainqueurs, sans même me renier, simplement parce que ma place est là. » (Vaquette)



16/01/2006

Remis velisque fugere

« Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie: "N'importe où ! n'importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !" » (Baudelaire)

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Ce n'est pas tant que le Tout soit un mirage hors d'atteinte, une illusion spécifique à la suspension des sens. Le problème est plutôt que le Tout est en fait homogène à un repos modelé sur la mort, mort qui est la vérité de toute transcendance. Cependant, la folie ne sera jamais assez folle pour que ontique et ontologique deviennent indistincts. Transcendance versus chaos ? Non. Soyons clairs : la sagesse adéquate au chaos, c'est-à-dire à une folie véritablement inhumaine, c'est le discernement.

Il convient en effet de saisir que le point d'être s'avère jonction du réel, de l'imaginaire et du symbolique. Aucune préséance d'aucune de ces dimensions sur aucune autre. Sinon, la transcendance en tant que coupure asymétrique advient comme hallucination provoquant des effets réels. Cette césure, hétérogène à la symbolique, est avènement du néant comme tel, c'est-à-dire du non-être comme fantasme. Car c'est bien de la castration que s'origine la réelle prise de pouvoir de l'imaginaire. En effet, l'image souveraine est négation de la puncta coacta qui la constitue, et donc affirmation du Tout par déni. Déni de la castration ? En fait, c'est le délire du Tout lui-même qui avère la castration. Le réel de la castration, c'est le délire, non comme processus mais comme légitimation de la prise de pouvoir de l'une des dimensions de l'être. Oui, la césure symbolique diffère de la castration puisqu'elle est condition de la connexion et de la déconnexion, c'est-à-dire de la formation de touts.

En effet, il n'y a de tout que fragmentaire, donc relatif. Un tout n'est tout que s'il existe des composantes possibles qu'il ne totalise pas. Oui, le multiple pur est intotalisable. Sinon, l'absolu, formalisé, se nierait lui-même à l'infini. C'est la bêtise de toute religion : la foi comme strict envers du doute, corrélat de l'exclusion de leur sursomption.

Bref : le Tout est indice de transcendance, c'est-à-dire de la coalescence entre réel et imaginaire, donc du refus du symbolique, c'est-à-dire d'autrui. Les différences, craintes, sont alignées sur la catégorie de l'opposition. Il est remarquable que c'est le rejet d'autrui qui donne naissance à l'Autre, c'est-à-dire à la possibilité même de l'aliénation. On voit donc que c'est un tropisme sophistique qui rend possible la servitude volontaire, puis déniée, donc parfaitement intériorisée. Mais, non, tout n'est pas dans la langue, et "Tout" n'est que dans la langue.

Reflet de rien, l'être apparaît comme chaotique, vide, ou multiplicité éternelle se disséminant sempiternellement. Ainsi, la présence en tant qu'éternitaire est-elle assomption du temps comme événement de la différence pure, cette substance paradoxale. Mais atteindre le Tout - la fin du temps - revient, pour exclure autrui, c'est-à-dire Soi, à rejoindre l'Autre, c'est-à-dire rien.

13/01/2006

Perseverare

« Où vont-ils cependant ? ils vont où va la feuille,
Que chasse devant lui le souffle des hivers,
Ainsi vont se flétrir dans leurs travaux divers
Ces générations que le temps sème et cueille !

Ils luttaient contre lui, mais le temps a vaincu ;
Comme un fleuve engloutit le sable de ses rives,
Je l'ai vu dévorer leurs ombres fugitives.
Ils sont nés, ils sont morts : Seigneur, ont-ils vécus ? »

(Lamartine)

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Ce blog a aujourd'hui un an. Je remercie sincèrement ses lecteurs, silencieux ou non.

 

 

 

09/01/2006

Nihil confirmari nequit

« La psychose est due à une créativité qui a mal tournée. » (Ehrenzweig)

*

« Nous n’avons jamais vu de schizophrènes ! » (Deleuze & Guattari)

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Il apparaît que tout délire est expression inadéquate d'une injustice générationnelle. Il y a forclusion. Le délirant s'avère un révolté qui n'a pas les bons concepts, c'est-à-dire qui n'est pas doté des armes mentales efficaces pour faire advenir ce qu'il revendique.

Pourquoi ?

Le psychotique s'est égaré dans le langage, faute d'allocutaire. Notons que l'on n'a pas affaire ici au style d'une « langue mineure », mais au pidgin d'une langue morte sans pierre de Rosette. La langue de la psychose inconsiste, elle est fuite en avant, déséquilibre déséquilibré, cris d'horreur de principes détachés errant sans logique. Il s'agit de production aléatoire, non d'un chaos créateur. Car l'oeuvre doit tenir seule, ce qui implique qu'auteur et oeuvre co-naissent.

En effet, les phases narcissiques doivent dépasser le Moi, c'est-à-dire en passer par l'intellect qui est pensée en acte, c'est-à-dire pensée sans images. C'est bien pour cette raison que la philosophie s'est historiquement constituée contre la vieille sagesse « pensant par Figures ». Le Soi ne se constitue pas grâce à un Autre de type lacanien, c'est-à-dire par un avatar du Dieu mort, mais par l'échange symbolique avec un autre être rationnel. Car le sage ne peut que montrer et commander ; il ne peut convaincre c'est-à-dire argumenter. Il lui faudrait pour cela une cohérence qui ne soit pas celle de l'image mais celle propre au symbole. Ce n'est que par le biais du symbolique que les expériences sont connectables et intégrables à toutes autres, et ce, même si elles restent parfaitement hétérogènes en réalité.

Précisons.

En effet, le Logos peut se définir comme capacité de moduler cette matière signifiante nommée lalangue par Lacan. On peut donc le qualifier de force de liaison entre signifiants. Or le noûs est le « langage de la pensée », il est l'intellect en tant qu'instance active produisant le passage d'une intensité n à une intensité n+1. Ainsi le Logos est-il le noûs en tant qu'il a rapport au signifiant. Il est donc diversifiant de diversification et différenciant de différence.

Avant tout, le Soi est cohérence réelle grâce au symbolique. Il n'est pas le Moi qui est tentative de conjuration imaginaire de la « case vide » circulante qui meut les signifiants. Ce narcissisme primaire est mystique du Tout, ce qu'il n'est pas abusif de désigner comme désir de fusion avec la mère. L'Autre n'est ici que le travestissement imaginaire du Même, c'est-à-dire négation forcenée de tout autre réel dans une auto-parturition sans issue. Le Moi n'est donc qu'une illusion locale, un reflet d'absolu dans une mare latérale. La Chose : stase et abolition. C'est ce rejet du symbolique qui pose le psychotique comme tel. Lapsus mentis : la psychose confond génitif objectif et génitif subjectif.


Bien loin de l'affirmation totalitaire du Moi, l'auto-référentialité conquise grâce à l'instance symbolique s'avère remède contre la régression à l'infini. En effet, contrairement au Cogito cartésien qui est perclus de Dieu et d'image (et donc auto-négateur), il s'agit d'intuitionner un Cogito dont il ne serait pas même nécessaire de se « ressouvenir » : un Cogito une fois pour toutes. Oui, la pensée seule se pense. Non, il n'y a pas de sujet.

 

 

 

06/01/2006

Usteron proteron

« Ce que l'hystérique veut - je dis ça pour ceux qui n'ont pas la vocation, il doit y en avoir beaucoup -, c'est un maître. C'est tout à fait clair. C'est même au point qu'il faut se poser la question si ce n'est pas de là qu'est partie l'invention du maître. [...] Elle veut un maître. [...] Elle veut que l'autre soit un maître, qu'il sache beaucoup de choses, mais tout de même pas qu'il en sache assez pour ne pas croire que c'est elle qui est le prix suprême de tout son savoir. Autrement dit, elle veut un maître sur lequel elle règne. Elle règne, et il ne gouverne pas. » (Lacan, Séminaire XVII, 1969-1970)

 

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« Ce qui définit l’hystérie est précisément ce cercle vicieux d’un désir donc l’apparente satisfaction ne fait que creuser le gouffre de l’insatisfaction. [...] Le paradoxe fondamental du Surmoi implique aussi un certain déséquilibre structural : plus le sujet obéit à ses injonctions, plus il se sent coupable, en sorte qu’un renoncement n’entraîne que l’exigence d’un plus grand renoncement, et le repentir plus de culpabilité. » (Zizek)

 

 

 

02/01/2006

Passim

« Il fallait donc quelquefois, quand la coupe des Tartuffes était pleine, sortir ses griffes : on imagine combien cela était pénible : Gilles-le-démon qui avait défié les fauves les plus redoutables de la philosophie (parmi lesquels Kant, Hegel, Heidegger...) devait se colleter avec du bétail subsidiaire lesté de catégories-besaces aussi subtiles que la Loi, le Mal, le Droit, le Pouvoir, etc. Avec Félix Guattari, il était sans pitié pour toutes les supérettes du post et du repentir : post-industriel, post-moderne, post-philosophe (très improprement appelé nouvelle philosophie), post-empirique, post-gauchiste, post-neuronal et bien d’autres qui aimeraient impliquer toute la pensée dans leurs propres petits naufrages... Il savait très bien que toutes ces supérettes sont pleines d’avenir, destinées à assouvir la plèbe et ses insolences de pacotille. » (Chatelet)

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« D'épreuve en épreuve, la philosophie affronterait des rivaux de plus en plus insolents, de plus en plus calamiteux, que Platon lui-même n'aurait pas imaginés dans ses moments les plus comiques. Enfin le fond de la honte fut atteint quand l'informatique, le marketing, le design, la publicité, toutes les disciplines de la communication, s'emparèrent du concept lui-même, et dirent : c'est notre affaire, c'est nous les créatifs, nous sommes les concepteurs ! [...] Le marketing a retenu l'idée d'un certain rapport entre le concept et l'événement ; mais voilà que le concept est devenu l'ensemble des présentations d'un produit (historique, scientifique, artistique, sexuel, pragmatique...) et l'événement, l'exposition qui met en scène des présentations diverses et l' "échange d'idées" auquel elle est censée donner lieu. Les seuls événements sont des expositions, et les seuls concepts, des produits qu'on peut vendre. Le mouvement général qui a remplacé la Critique par la promotion commerciale n'a pas manqué d'affecter la philosophie. Le simulacre, la simulation d'un paquet de nouilles est devenu le vrai concept, et le présentateur-exposant du produit, marchandise ou oeuvre d'art, est devenu le philosophe, le personnage conceptuel ou l'artiste. [...] Mais plus la philosophie se heurte à des rivaux impudents et niais, plus elle les rencontre en son propre sein, plus elle se sent d'entrain pour remplir la tâche, créer des concepts, qui sont des aérolithes plutôt que des marchandises. Elle a des fous rires qui emportent ses larmes.» (Deleuze & Guattari)