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27/03/2007

Bis

« La nécessité dont parle Nietzsche ne signifie pas que le réel présente un sens ou un ordre, mais que son caractère chaotique et fortuit n’en est pas moins marqué du sceau de l’inéluctable. Présence inéluctable du réel, qui suffit à en faire une nécessité, encore que celle-ci ne repose sur aucun fondement de nécessité compris en termes d’ordre ou de loi. » (Rosset) 

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Le deuxième numéro de la revue anglophone Collapse réunit diverses contributions autour du « réalisme spéculatif ». Ce syntagme fait notamment référence aux travaux de Quentin Meillassoux, et à son ouvrage Après la finitude, paru en janvier 2006. Ce jeune philosophe (auquel nous avons déjà fait brièvement référence ici et ), avec une force argumentative peu commune, reprend à nouveaux frais le problème de Hume et aboutit non pas au scepticisme, ni même au criticisme, mais à un rationalisme purifié et à la thèse selon laquelle les lois naturelles ne sont pas nécessaires, mais contingentes, nécessairement. « La découverte de Hume, telle que nous l’interprétons, est ainsi qu’un monde pleinement rationnel serait par là même pleinement chaotique : un tel monde est celui dont on a extirpé la croyance irrationnelle en la nécessité des lois, parce que celle-ci est opposée en son contenu même à ce qui se fait l’essence de la rationalité. » C’est grâce à l’abandon du principe de raison suffisante que l’on parvient à dissiper l’énigme de l’induction. C’est le principe de raison qui est irrationnel ; le véritable rationalisme n’a besoin que du principe de non-contradiction. Surgit alors un Temps-Chaos, plus profond, qui dispose des hommes, des dieux et des lois de la nature. Dans son article, Potentiality and virtuality, Meillassoux reformule quelques-unes de ses thèses principales, et, se fondant sur la détotalisation du possible –  conséquence des découvertes de Cantor –, distingue, dans une optique deleuzienne, la virtualité, créatrice, de la simple potentialité, qui n’est qu’advenue de possibles préexistants.


L’article de Ray Brassier, The Enigma of Realism, constitue la suite du « dossier » consacré aux thèses d’Après la finitude. D’une manière très claire, il les présente avec finesse et les analyse avec rigueur, mais les soumet aussi à la question. En particulier, Ray Brassier souligne les problèmes que soulève l’intuition intellectuelle chez Meillassoux. Sous le vocable de corrélationisme, ce dernier stigmatise en effet les philosophies qui, depuis Kant et le rejet de la métaphysique pour cause de dogmatisme, ont renoncé à la saisie de l’absolu, au profit d’un « pour nous ». Pour Meillassoux au contraire, dans le sillage de l’ontologie mathématique de Badiou, on peut non seulement penser, mais aussi connaître l’en-soi. Outre l’abandon de l’absolu aux divers types de croyances et de fanatismes auquel il conduit, il s’agit donc de s’interroger sur les conséquences épistémologiques du corrélationisme. Meillassoux demande : comment les philosophies du corrélat (dont, en particulier, la phénoménologie et ses avatars heideggeriens) pourraient-elles bien rendre compte du caractère pleinement réel des phénomènes astrophysiques ancestraux, antérieurs à l’humanité, à la Vie, à la Terre même ? Car si tout phénomène n’a, en tant que tel, de réalité et de sens que pour nous, que peut bien alors signifier le phénomène archifossile, qui est phénomène sans nous, attesté pourtant par l'investigation scientifique ? Décidément, le corrélationisme n'est qu'un humanisme.

 

C’est là qu’intervient l’entretien de l’équipe de Collapse avec le cosmologiste d’Oxford Roberto Trotta. Ce spécialiste de la question de la matière et de l’énergie noires (candidates pour jouer le rôle de masse manquante de l'univers, celle qui complèterait la matière atomique pour expliquer la stabilité des structures galactiques), outre une discussion sur les positions philosophiques de Meillassoux et le principe anthropique (essentiel dans la question de l’archifossile), présente en détail les théories en présence et les problèmes conceptuels qui se posent à l’astrophysicien, ainsi qu’un panorama passionnant des notions astrophysiques et des modèles cosmologiques subséquents. Le principe de l’entretien (illustré de schémas et d'images) s'avère particulièrement adapté. Dans un langage clair mais qui ne cède en rien sur les difficultés inhérentes à sa discipline, Trotta nous fait partager la vie intellectuelle d’un cosmologiste théoricien at work.

 

Avec la contribution Graham Harman, On vicarious causation, nous sommes introduits à un réalisme métaphysique que l’auteur appelle lui-même un « réalisme bizarre » (a weird realism). Comme dans le problème de Hume, il est encore ici question de causalité, mais, cette fois, de la causalité en elle-même. Si l’entreprise de Meillassoux peut être qualifiée de néo-rationaliste, celle de Harman peut être dite néo-phénoménologique. Malgré une critique du corrélationisme, ce dernier se situe en effet dans une perspective post-heideggerienne. C’est le même monde « manifeste » que les différentes sciences atteignent différemment. Il ne s’agit plus de méditer l’oubli de l’Être mais de se focaliser sur les phénomènes dans un monde où les objets, réels, sont absolument disjoints. C’est leur relation que Graham Harman tente de conceptualiser d’une manière nouvelle.

 

L’un des corrélats (ici entre le sujet et l’objet) les plus répandus parmi les philosophies corrélationistes est sans conteste la conscience. C’est elle qui subit les attaques du philosophe – ou plutôt neurophilosophe – Paul Churchland. Celui-ci est en effet l’un des plus éminents représentants de l’éliminativisme, courant pour lequel la conscience n’est qu’un fantôme dans la machine. « Le matérialisme éliminatif est la thèse selon laquelle la conception du sens commun quant aux phénomènes psychologiques constitue une théorie radicalement fausse » (Churchland, 1981). Dans un entretien accordé à Sophia Efstathiou, le neurophilosophe parcourt tout le spectre des concepts des neurosciences et expose les origines et perspectives de sa philosophie. Demons Get Out !

 

Si ce numéro est émaillé des belles photographies méditatives de Robin Mackay qui rappellent l’esthétique de Baudrillard, il comprend aussi une série de photogrammes somptueux extraits de Nevertheless Empire, un court-métrage de Clémentine Duzer et Laura Gozlan, déjà évoqué ici.

 

Elysian Space in the Middle East, par Kristen Alvanson, – qui est également accompagné d’une iconographie fort soignée – traite avec une grande originalité de l’ontothéologie des cimetières du Moyen Orient. Les schèmes d'inhumation ouvrent un espace de pensée complémentaire à l’habiter théorisé par Heidegger.

 

Après La Militarisation de la Paix (traduit ici même), Reza Negarestani poursuit, avec Islamic Exoterism : Apocalypse in the Wake of Refractory Impossibility, son analyse radicale de la théologie islamique. Il montre de quelle manière l’extériorité absolue d’Allah conduit à une apocalypse immanente qui diffère totalement de la judéo-chrétienne. « Dans le même temps, L’Islam pose une apocalypse qui n’est ni crainte, espérée ou attendue, mais qui, dans l’idéal de la soumission pure, est habitée par le fidèle en tant que pure impossibilité. » L’apocalypse, dans ce contexte, ne peut se réduire à un événement de la chronologie ou à une possibilité d’unification. La radicale extériorité d’Allah mène à une conception différente du temps, où l’on pourrait peut-être discerner un écho lointain du Temps-Chaos de Meillassoux. Quoi qu’il en soit, Negarestani montre avec brio qu’il est possible d’utiliser sans complexe l’appareil conceptuel de la théologie pour penser l’extériorité radicale, ce qu’on peut bien nommer aussi, le Grand Dehors.

 

 

Nous ne pouvons malheureusement pas faire justice à la richesse et à la complexité de chacun des articles de ce numéro de Collapse, ni aux multiples résonances qui tissent un réseau conceptuel serré, implicite et explicite, entre les articles des différents contributeurs. Sachez donc qu’à Paris, Collapse est disponible chez Vrin (Place de la Sorbonne) et, en ligne, ici.

 

 

 

25/03/2007

Dramatis personae

« C'est ainsi que je voudrais saluer non seulement le génie philosophique de Badiou, mais également l'audace politique qui lui est indissociable. » (Zizek)

 

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« Socrate : Notre surhomme est à la fois philosophe et capitaine ?
Glaucon : Exact.
Socrate : Alors, il faut faire voter une loi. Et tout de suite.
Glaucon : Une loi ? Pourquoi une loi, mon Dieu ? Quelle loi ?
Socrate : Une loi qui organise l'enseignement de l'arithmétique supérieure, mon benêt de Glaucon. Sans compter qu'il faudra saliver ferme.
Glaucon : Saliver ? Dans quel but ?
Socrate : Prends un gaillard qui veut devenir amiral de la flotte, ou ministre, ou président, à l'ancienne. Un jeune type qui sort de Sciences-Po. Tu crois qu'il va se précipiter pour s'inscrire à l'institut d'arithmétique supérieure ? Il faudra le baratiner sérieusement, c'est moi qui te le dis.
Glaucon : Je ne vois même pas ce qu'on va bien pouvoir lui raconter.
Socrate : La vérité. Quelque chose dans le genre sévère. Tiens, par exemple : "Mon ami, si vous voulez devenir ministre ou amiral, il faut d'abord cesser d'être un jeune homme convenable, un gommeux quelconque. Les nombres, par exemple, vous savez ce que c'est, les nombres ? Non, pas pour faire marcher vos affaires minables, pas pour compter les bœufs et les œufs que vos parents trafiquent sur le port ! Mais le nombre tel que vous le contemplez dans sa nature éternelle, par la seule force de votre intellect de gommeux par moi dégommé ! Le nombre tel qu’il est là dans la guerre, sans doute, dans le compte terrible des armures et des morts. Mais surtout le nombre tel qu’il engage au retournement de la pensée, raturant le devenir et l’approximation pour faire face à l’être tel quel, et à sa vérité. "
Glaucon : Quand tu lui auras fait tomber dessus ton discours, à mon avis, le gommeux va filer en vitesse, vert de peur. » (Platon, République, livre VII 525 c, tr. Badiou)

 

 

19/03/2007

La Militarisation de la Paix (7)

par Reza Negarestani
 
 
 
Tous les types de camouflage tracent une fonction perturbatrice, fonction qui a pour origine la partie chevauchée (qui a principalement lieu à un niveau fragmenté), et qui conduit l’adresse ou la niche d’une autre entité (par exemple, la proie) vers l’entité camouflée (chasseur) ; par conséquent, elle perturbe les corrélations méréologiques (partie-tout) en jeu dans ce qui devrait être camouflé, et qui devrait rendre l’entité temporairement et partiellement non repérable. De telles perturbations (qui ciblent généralement un point ou une liaison de référence par lequel une entité est détectée) peuvent produire des problèmes cognitifs aussi bien que la subversion de certains liens spécifiques à l’environnement qui traversent à la fois l’entité camouflée et son objet (la proie). Le camouflage en mouvement utilise un type particulier de dynamisme tactique (dans les cas où la proie est aussi en mouvement, le mouvement du prédateur camouflé s’engage dans une poursuite chaotique ; le mouvement peut être modélisé par la projection des courbes de la poursuite sur un attracteur de Rössler) ou de chevauchement dynamique pour perturber sa distance et ses déplacements par rapport à la proie, et ce, en suivant un chemin qui le connecte à un point fixe (utilisé par la proie comme point de référence – un vecteur-unité constant) pendant que le mouvement de la cible rencontre celui de l’agresseur. Ainsi, dans le camouflage en mouvement, le chasseur reste-t-il stationnaire du point de vue de la cible. Dans les camouflages militaires les plus courants – couverture et déguisement d’objets (soldats, véhicules, artillerie, base de lancement, etc.) – utilisant des matériaux qui brouillent l’apparence des structures, la perturbation s’effectue grâce à des modifications superficielles d’un objet camouflé sur lequel l’organe de la vision se concentre comme sur une liaison de référence entre différents type de structures de surface au sein de l’espace qui l’entoure. L’invisibilité, elle aussi, utilise et modifie le chevauchement partiel en tant qu’occlusion par des surfaces assombrissantes, en intériorisant, en positionnant l’entité camouflée à l’intersection des frontières. L’inconvénient premier de la machine de guerre invisible est le risque d’être repéré par les régimes sémiotiques de l’Etat qui sont plus obsédés par ce qui manque que par ce qui existe.
 
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C : Coïncidence
O : Chevauchement
P : Partie
Cov : couverture
CCoin : Coïncidence complète 
 
 
Ce qui résulte du chevauchement partiel, c’est que toutes les perturbations et les subversions des liens méréologiques sont finalement découvertes ; et chaque fois qu’un camouflage est repéré, il perd progressivement son efficacité ; chaque entité qui se sert d’un tel camouflage sera plus facilement détectée et ses contre-mesures moins efficaces ; il s’agit d’un symptôme des connexions holistiques entre le chevauchement partiel et la « localisation » qui n’a pas encore été neutralisée et spatialement effacé. C’est pourquoi le camouflage est rarement implémenté comme action première ou tactique offensive mais surtout comme un processus logistique ou un espace de transition déstructuré entre différentes lignes tactiques et opérationnelles. Les caractéristiques fugaces et les restrictions opérationnelles drastiques empêchent la transformation radicale du camouflage en armement.
 
Un Takfiri guidé par la Taqiyya (hypercamouflage islamique) n’occupe pas une niche pour remplacer une autre entité, ou pour s’installer comme agent caché. Il pousse la connexion à son environnement jusqu’au chevauchement partiel, à un champ unifié de connexion et de correspondance, à une totale coïncidence avec sa cible, i.e. à un chevauchement complet de sa niche avec celle de sa cible. Il se superpose entièrement à sa proie et à sa niche, et reste silencieux.
 
Coin(x,y) ↔ ∃(Cov(z,x) & Cov(z,y))
(x et y coïncident si et seulement si il existe un z qui est recouvert à la fois par x et y ; z représentant ici une niche. Alors que Cov est une relation transitive et réflexive, Coin est symétrique et réflexive. La relation de coïncidence est bien entendu plus large que celle de chevauchement, puisqu’il y a des paires d’objets en non coïncidence, ou même des processus, qui n’ont pas de parties en commun. La même question se pose pour un Takfiri guidé par la Taqiyya et un civil.)
 
Pour un Takfiri guidé par la Taqiyya, l’occupation n’est ni un but militaire ni une tactique ; en effet, l’occupation est la localisation exclusive attachée aux cartographies de co-localisation et aux connexions parties-tout – c’est-à-dire, le despotisme du Tout – et l’occupant est vulnérable aux forces environnementales ; il peut être facilement distingué, localisé, isolé et finalement exterminé, i.e. défait à un coût minimal pour son environnement et ses dépendances. Là où l’occupation est liée au militantisme visible et à l’escalade des modes de guerre et d’exclusion, la Taqiyya armée est malignement diffusive. En méréologique (le discours des modes de connexion parties-tout) on appellerait chevauchement total le positionnement de la Taqiyya : le Takfiri constitue un ‘survivalisme’ sinistre dont la fonction de base et de procéder à l’extinction de la survie elle-même. Dans le chevauchement total (voir Fig. 6), chaque région, fonction ou partie de l’entité hypercamouflée ou prédateur – le « Takfiri guidé par la Taqiyya » (X) – peut correspondre à la région, fonction ou partie de la proie, de l’hôte ou du civil (Y). Si donc chaque x (partie ou fonction de X) devient l’homologue du y correspondant (partie ou fonction de Y), ou plus précisément, si chaque x correspond à son y « à tous niveaux » alors chaque fonction de X (le mouvement tactique du Takfiri guidé par la Taqiyya, ou prédateur hypercamouflé) peut être transférée à Y ; X et Y se font advenir mutuellement.
 
x = y ↔ ∀ (Oxz ↔ Oyz) (Chacun des deux membres du domaine qui chevauche les mêmes entités sont identiques.)
 

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Fig. 6 Chevauchement total et accomplissement symétrique (Symétrie : Soit S le symbole de la symétrie où n est un entier, d est le descripteur de classe et compd est le complément de d : S = {n(d ∧ compd})
 
Mais la dimension la plus horrifique de cette configuration se révèle lorsque le processus se renverse. Si chaque x fait advenir son y correspondant, alors, par le biais de l’espace d’« exacte connexion-correspondance » que le chevauchement total et la coïncidence complète (CCoin(xi,yi)= :x=y) (1) permettent, chaque y (i.e. chaque fonction ou positionnement de la proie Y, qui comprendrait pour leur plus grande par les fonctions de survie normales et les activités individuelles ou sociales ordinaires) peut être transféré à son x correspondant et finalement le fait advenir également. Par la saisie d’un y quelconque, un x correspondant est déclenché et mis en circulation secrètement ; et puisqu’il s’agit de chevauchement total, la survie et l’aptitude à communiquer en tant que telles de Y déploie, active et fait advenir le corps menaçant de X, le Takfiri guidé par la Taqiyya. D’une part, la survie de la proie (de l’hôte, du civil) est en accord total avec l’enthousiasme sinistre du terroriste, et d’autre part, la paix est généralement conçue comme un état de survie collective. Par conséquent, la survie et du terroriste et du civil n’apportent rien d’autre que l’endo-militarisation (interminable ?) de la paix, une menace globale des civils, la montée de la Guerre Blanche et, alimenté par la soif infinie du Jihadisme hérétique, que le péril de la contagion de la guerre puisse s’étendre sans limite, jusqu’à envahir l’horizon même de la vie et de la survie en général.
 
Maintenant que la survie de Y, ou hôte/civil (avec ses moyens de communication et modes de connexion par et avec son environnement), fait advenir le corps politique et militaire du « Takfiri guidé par la Taqiyya », la simple existence du civil devient une arme à la fois contre lui-même et contre l’immunité entière du système dont il fait partie et qui le protège, et ce, à un tel degré qu’une surréaction autophagique apparaît au système comme la seule solution logique. C’est l’acmè militaire de la Taqiyya que de déduire la folie irrévocable des prémisses que constitue la logique essentielle requise par la simple survie.
 
 
Conclusion exégétique
 
« Les tendances explorées ici seront évidemment décidées sur "le champ de bataille" – ce qui, de plus en plus, signifie partout. Le caractère central de l’hypercamouflage pour la stratégie jihadiste a déjà d’immenses conséquences, car elle induit une vague de 'rétro-militarisation' dans laquelle les machines de guerre de l'Etat sont conduites à une invasion croissante de la vie civile, processus évidemment sans limite (qui s'étend à tout le corps social).
 
D’une part, l’auto-désassemblage de sa propre machine de guerre par Saddam Hussein, compte tenu d’une insurrection latente, est un exemple de cette tendance, tandis que de l’autre, le renforcement des formations logistiques US grâce au blindage des véhicules et de l’entraînement au combat pour tous les types de personnel en constitue le complément.
 
Les préoccupations relatives aux Droits de l’Homme à propos des morts de civils peuvent être étendues avec pertinence du niveau empirique au transcendantal, où le principe d’éradication de toutes les populations civiles entre en scène. Le concept même de "civil" devient nettement daté. (L’analyse de Virilio – bien qu’il trahisse une perspective quelque peu antique par l’emploi de termes tels que "endocolonisation" – paraît avoir anticipé cette tendance).
 
Les Etats-Unis sont particulièrement intéressants parce qu’ils restent une société "périphérique" (et même du "tiers-monde") par certains côtés, marquée par un faible indice domestique de monopolisation étatique de la violence, qui permet donc une rétro-militarisation, c’est-à-dire une connexion entre le pôle de l’Etat et un paramilitarisme endogène déjà enraciné parmi les populations "civiles" (vigilance armée et milices). Tant que les milices sont impliquées, le monde n’a encore rien vu. » (2)
 
 
 
(1) La coïncidence complète peut être exprimée en terme de couverture (Cov) : CCoin(x,y) ↔ Cov(x,y) & Cov(y,x) (x et y coïncident complètement si et seulement si y recouvre x et x recouvre y).
 
(2) Nick Land est l’auteur de la conclusion exégétique de cet essai.
 
 
 
(FIN)

17/03/2007

A priori

Après le paradoxe de Hempel et celui de Goodman, relatifs à l'induction, voici deux extraits de textes classiques de Hume qui sapent les bases mêmes de ce principe, c'est-à-dire qui désignent le caractère irrationnel de la causalité.

 

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    « On paraîtrait ridicule si l’on disait qu’il est seulement probable que le soleil se lèvera demain ou que tous les hommes doivent mourir ; il est pourtant clair que nous n’avons d’autre certitudes de ces faits que celle que nous apporte l’expérience. […]
    L’idée de causalité est tirée de l’expérience qui, en nous présentant en conjonction constante certains objets, produit une telle habitude de les considérer dans cette relation que nous ne pouvons les considérer dans une autre sans nous faire sensiblement violence. »
(Hume, Traité de la nature humaine, trad. A. Leroy, t. I, section XI, Aubier-Montaigne 1968, pp. 205-206)
 
*

    « […] Il faut que nous recherchions comment nous arrivons à la connaissance de la cause et de l’effet.
    J’oserai affirmer, comme une proposition générale qui n’admet pas d’exception, que la connaissance de cette relation ne s’obtient, en aucun cas, par des raisonnements a priori : mais qu’elle naît entièrement de l’expérience quand nous trouvons que des objets particuliers sont en conjonction constante l’un avec l’autre […].
    L’esprit ne peut sans doute jamais trouver l’effet dans la cause supposée par l’analyse et l’examen les plus précis. Car l’effet est totalement différent de la cause, et, par suite, on ne peut jamais l’y découvrir. Le mouvement de la seconde bille de billard est un événement distinct du mouvement de la première ; il n’y a rien dans l’un qui suggère la plus petite indication sur l’autre. Une pierre ou un morceau de métal élevés en l’air et laissés sans support tombent immédiatement ; mais, à considérer la question a priori, découvrons-nous rien dans cette situation qui puisse engendrer l’idée d’une chute, plutôt que d’une élévation ou de tout autre mouvement, dans la pierre ou le morceau de métal ? […] De causes qui paraissent semblables, nous attendons des effets semblables […]. Car, toutes les fois que la répétition d’une opération ou d’un acte particulier produit une tendance à renouveler le même acte ou la même opération sans l’impulsion d’aucun raisonnement ou progrès de l’entendement, nous disons toujours que cette tendance est effet de l’accoutumance. En employant ce mot, nous ne prétendons pas que nous avons donné la raison dernière d’une telle tendance. Nous désignons seulement un principe de la nature humaine, universellement reconnu et bien connu par ses effets. Peut-être pouvons-nous ne pas pousser plus loin nos recherches, ni prétendre donner la cause de cette cause ; mais il faut que nous nous en contentions comme du principe dernier que nous puissions assigner pour nos conclusions tirées de l’expérience. […] : pourquoi tirons-nous de mille cas une conclusion que nous étions incapables de tirer d’un seul cas, qui ne diffère à aucun égard des précédents ? La raison est incapable de varier de pareille manière. Les conclusions qu’elle tire de la considération d’un cercle sont les mêmes que celles qu’elles formerait à l’examen de tous les cercles de l’univers. Mais si l’on n’a vu qu’un seul corps se mouvoir sur l’impulsion d’un autre, personne n’inférerait que tout autre corps se mouvra sous une impulsion analogue. Toutes les conclusions tirées de l’expérience sont donc des effets de l’accoutumance et non des effets du raisonnement. »
(Hume, Enquête sur l’entendement humain, sections IV et V, trad. A. Leroy, Aubier-Montaigne, pp. 72-74)
 
 
 
 

 

12/03/2007

La Militarisation de la Paix (6)

par Reza Negarestani

 

 

Positionnement de la machine de guerre nomade sur un plan méréotopologique

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                                                                                  =  Butée
                                                                                      Chevauchement partiel
                                                                                      Disjonction 
 

 

La Butée (fig.1) est une connexion externe qui implique un échange minimal entre les niches ou les entités (c’est la connexion la moins contagieuse, compte tenu de sa tendance à la dissociation). Elle se distingue par son caractère intermédiaire entre le chevauchement partiel et la disjonction ; elle relève d’un contact tangentiel et d’une superposition des frontières.

Ce qui avait été la frontière de défense de l’Etat est continuellement érodé par la marée insouciante et le mouvement de dérive des machines de guerre nomades. Ce mode de connexion (la Butée) a peu à peu perdu de sa signification opérationnelle, d’une part avec l’émergence de machines de guerre symbiotiques et de manipulation, ainsi que la militarisation secrète, et d’autre part avec les réformes poussées de l’Etat en vue de l’adaptation (ou de la colonisation) du Dehors. Ces dernières sont connectées à la fois à l’introduction de facteurs climatologiques territoriaux (1) sur les dynamiques des blocs nomades, et au développement de nouveaux modes de survie. Maintenant, l’Etat sait bien comment préserver ses fondations, même si cela implique d’assembler des espaces susceptibles d’être sujets à l’érosion des machines de guerre nomades, d’attirer ou de détourner les incursions nomades vers des régions précises et préprogrammées afin de protéger ses zones sensibles et ses mécanismes vulnérables, ou de transformer sa macropolitique en une micropolitique viable, ouverte d’un côté et fondée de l’autre.

Pour une connexion Ct, la Butée peut être représentée sur un plan euclidien R telle que :

At(x,y) = dfCt(x,y) ∧ ¬Ot(x,y) (x est en butée avec y) (où Ot est une frontière de chevauchement)

Ou soit T = (X, cl) un espace topologique, où X est un ensemble de points et cl l’opérateur de clôture. Soit I un ensemble quelconque qui inclut 0. Le domaine, D, d’un modèle feuilleté est un ensemble non-vide de paires ordonnées xi = <x,i> où ø ≠ x ⊆ X et i ∈ I. (la notation xi sera employée à la place de <x,i> ).

A(xi,yi) = : x ∩ y = ø & (cl(x) ∩ y ≠ ø ou x ∩ cl(y) ≠ ø (est en butée)

Puisque la Butée relie des entités sur un plan tangentiel (confinium), l’Etat peut résister effectivement à tout afflux entrant de machines de guerre nomades selon ce mode connexion, et ce, avec un minimum d’usure et de dommage de ses zones internes (plan de la logistique et des lignes de commande). En fait, l’Etat clandestin cherche à canaliser tous les dommages causés par les machines de guerre nomades selon ce mode de connexion. Il le fait en manipulant et sapant les menaces fondamentalement contagieuses, et en les déviant vers des processus distributifs et récupérables ; ces derniers peuvent même être programmés pour transporter l’Etat en dehors de ces segmentarités rigides et ses liens despotiques à la territorialité, en prolongeant la survie de l’Etat dans un mode fluxionnel à la manière de la machine abrasive qu’est le fluvius (rivière) qui érode la solidité afin de le transporter par des champs vectoriels conservatifs dynamiques de processus sédimentaires, capturant ainsi la fécondité et la capacité d’irrigation. Avec des machines de guerre qui rongent infatigablement le textum de l’Etat, qui incisent et dissolvent ses frontières friables, l’Etat commence à se répandre au dehors, ce qui n’exprime pas seulement un effondrement de l’Etat, mais aussi la dangereuse exposition de la machine de guerre nomade à la grille sous-jacente sur laquelle l’Etat est assemblé, et qui maintient son espace entrelacé, c’est-à-dire à un réseau de processus fondamentaux, à des mécanismes de régulation territoriale et de répression économique.

L’installation de l’avant-garde des machines de guerre nomades sur le plan de l’Etat, en l’absence de toute machinerie neutralisant les fonctions de territorialisation et de modération de l’Etat, relève d’un cas similaire à celui d’une ligne de déterritorialisation précoce qui facilite à la fois l’établissement non conventionnel de nouveau Etats immunologiquement amélioré ou d’un vol suicide. L’histoire perse raconte sur une longue période (des Achéménides à la dynastie Qajar (1779-1925), soit plus de deux mille ans) une telle conversion continue des forces nomades en forces étatiques, avant d’être de nouveau remplacée par une autre population nomade (un soulèvement nomade cyclique contre le régime en place avec une cellule germinale nomade toujours active mais privatisée, à l’instar de l’élite de l’Etat, c’est-à-dire une institution militaire versatile). Un tel effritement de l’Etat par des précurseurs nomades a progressivement permis la montée d’Etats plus puissants (en termes de gravité, d’immunité et des résistance aux parasites) mais aussi plus instables, et a conduit à une pauvreté politico-économique, au manque d’un système nerveux autonome et la polarisation de populations différentes sans la possibilité de diversité positive, à une vulnérabilité constante aux schismes, guerres civiles, ainsi qu’à la généralisation de lignes de failles ethnonationalistes délétères à un pays entier ou même à toute une sphère géopolitique.

Quand les processus abrasifs des machines de guerre maintiennent leurs positions érosives – caractérisées essentiellement par le transport de dynamiques de friction (tactionis) et les processus de gaspillage de masse – sur une longue durée aux bords de l’Etat, entre l’Etat et les machines de guerre, des nexus territoriaux hyperactifs augmentent et se répandent. Une fois que de tels nexus sont établis, l’économie sous-jacente fondamentale de l’Etat (ou de ses forces territoriales), ses entités et même les machineries internes de l’Etat se répandent directement dans l’espace traversé par les machines de guerre nomades, et ce, à un tel degré, qu’elle envahit l’espace nomade et se change en une extension dynamique de l’Etat (2). Dans ce cas, les entités fonctionnelles ou territoriales de l’Etat ne peuvent plus être effectivement enveloppées et transportées par des machines de guerre nomades (de même dans le cas d’un contact tangentiel). Elles ne peuvent être séparées de la grille de domination étatique et être totalement dispersées vers le Dehors (fig. 2)

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Le contact dangereux entre les machines de guerre nomades et l’Etat, qui les expose aux sphères de régulation fonctionnelles/territoriales de l’Etat, peut finalement mener à l’émergence soit d’un Etat nomade soit à un nomadisme ethnonationaliste (identique aux politiques patriotiques de l’Etat). L’un des exemples les plus significatifs de telles anomalies déclenchées par la surexposition des machines de guerre nomades à l’Etat est celui de l’histoire de la Perse.

(b) Chevauchement :

Si, dans une approche simplifiée, P représente la partie et O le chevauchement :

Ot(x,y) = df∃(P(z,x) ∧ P(z,y))

Et :

Oxy= : ∃(Pzx & Pzy) (x et y se chevauchent)

Alors les axiomes suivants s’appliquent :

AP1 P(x,y) ↔ ∀z(O(z,x) →O(z,y)

AP2 ∃( φ(x)) → > ∃ ∀y(O(x,y) ↔ ∃z(φ(z) ) ∧ O(z,y)))

 

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Toute participation (qu’elle soit methexis en tant que participation fondée sur la survie, ou simple participation) se produit selon des connexions de chevauchement. Par conséquent, la majorité des connexions combinées (tangence, partie, intérieur, etc.) s’effectuent selon différentes possibilités révélées par le chevauchement entre entités. Le chevauchement trace des lignes de coïncidence entre deux événements, ou deux entités, en spécifiant une localisation, une adresse, partagées partiellement ou complètement par deux entités dans une région spatio-temporelle ou fonctionnelle. Et les appropriations de l’Etat et les insurrections contre lui se manifestent par ce mode de connexion. Pendant qu’il est exploitable par l’Etat et par l’affordance, ce « chevauchement » peut être aussi la source principale d’insurrection. C’est le domaine de connexion par lequel les machines de guerre quittent son extériorité d’érosion de frontière et arrivent directement sur la grille de l’Etat, à la fois pour être spécialisée par l’appareil étatique et transformé en formations militaires, ou par être réinventées comme entités contagieuses, endo-symbiotiques et parasitiques, qui coïncident avec l’Etat et ses machineries, et donc qui découvrent un large éventail de fonctions clandestine et de manipulation.

 

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Fig.4 : Chevauchement partiel et ses relations intervallaires dans le camouflage
(1) entre deux entités (2) entre deux entités et une entité tierce 

 

Sur un plan plus technique, c’est par leur utilisation du « chevauchement » (ou, plus précisément, de la coïncidence, puisque la question du chevauchement entre entités dont il est question ici est celle de niches en chevauchement que ces entités occupent (3)) que les opérations de camouflage trouvent leur cohérence essentielle. De plus, celles-ci transforme le chevauchement en un positionnement politiquement opérationnel qui viole la symétrie d’un niche pour une entité et ses diviseurs (événements, entités, etc.) par l’inscription d’adresse (programmes), lesquels sépare et discrimine les adresses ou les niches de deux entités en termes de coordonnées spatio-temporelles. Cependant, cette violation (qui nécessite une activation du camouflage) ne peut être persistante parce que les camouflages de prédation/militaires emploient toujours le chevauchement partiel, dont une partie est constamment accessible en tant que « non camouflée » (appartenant à la fois à l’entité camouflée x ou à l’entité qu’elle devrait chevaucher, i.e. y (4). [Voir fig. 4]. Ceci ne rend pas seulement possibles le traçage et la manipulation de l’entité camouflée à un niveau tactique, mais aussi offre à l’entité camouflée une voie d’évasion ou un espace pour l’évacuation immédiate et le retrait de sa position de camouflage. (Une voie d’évasion peut aussi être déverrouillée lorsque une entité z – un tiers – se connecte à la fois à x et à y avec des positions de chevauchement différente pour chacune (voir fig. 4) : ici, l’évasion se déroule grâce à un autre camouflage, qui n’est constitué par la participation ni de x ni de y. Cette partie « non camouflée » ou « non chevauchée » empêche que le camouflage soit durable et reste non détecté, mais le rend aussi contrôlable ; l’entité camouflée peut quitter le camouflage à tout instant.

 

 

(1) Sur le climat et la nomadologie : Selon la soi-disant Révolution de l’agriculture et de l’hydraulique en Iran (semblable à celle que Wittfogel associait à l’Empire Chinois, tout comme celle mise en avant par les théories plus récentes de Homer-Dixon sur l’Hydropolitique), pendant le règne du Shah Mohammad Reza Pahlavi, un plan hydraulique – hautement recommandé par les consultants américains – a été développé et proposé comme catalyseur du développement économique en Iran ; l’un des nombreux objectifs de ce plan était de résoudre le problème du nomadisme en Iran. Excepté la restructuration hydraulique de la géographie variée de l’Iran (une géographie dotée d’un potentiel naturel pour la construction et la diversification des lignes de mouvement nomade), l’un des stratagèmes de ce projet de réforme hydropolitique fut de créer un système de contrôle et de domestication des nomades iraniens qui jouaient un rôle-clé dans la résistance au centre, ou qui induisaient une désintégration géopolitique du territoire de l’Etat grâce à leurs mouvements ethnonationalistes. Le plan ne fut ni une méthode destinée à aspirer les nomades de l’est et du centre vers le centre de gouvernement ni un projet pour les adapter de force à une sphère sédentaire par le biais de la monopolisation des réseaux hydrographiques et des pressions militaires directes. Il leur suggérait plutôt un accompagnement, un enclenchement de leurs dynamiques dans les lignes tactiques fluxionnelles de l’Etat, dans sa frontière en mouvement et ses forces territoriales. L’objectif du projet était de construire un climat doux ou une zone de conductivité hydraulique (correspondant à l’hydropolitique de l’Etat) qui adapterait de manière autonome les nomades en les faisant se mouvoir à travers lui et donc faciliterait la totalité du processus de contrôle, de domestication et de suivi des nomades. Ce climat étant finalement transformé en un réseau extrêmement puissant d’immobilisation des nomades, il emploierait sa tête hydraulique pour configurer les mouvements des nomades selon la géopolitique de l’Etat, la convergence économique et la puissance militaire (un espace accessible aux entités militaires étatiques, spécialement pendant les insurrections). L’Etat cherchait à élever ses propres lignes nomadologiques territorialisantes (plus que territorialisées). Ce climat devait en fait consister en « rivières artificielles » qui étaient supposées se trouver dans tout le pays. La construction de ces rivières devait être menée sur plusieurs années, dans un pays ayant toujours souffert d’un manque d’eau dans ses régions centrales et orientales. De telles zones fluides, riches et puissantes ou de telles lignes hydrauliques (que sont par exemple les rivières et ceux qui en dépendent) éparpillées à travers le pays auraient graduellement attirées (selon le modèle de la gravité) les nomades, en leur offrant un climat certes préférable, mais qui cartographierait précisément leur migration. Un climat donc, qui aurait en fait été assimilable à une machine de contrôle autarcique ; il aurait rendu ses habitants prévisibles et aurait déployé une sphère fluide de domestication pour les nomades iraniens.

(2) Une tête de pont pour le mouvement ultérieur de l’Etat vers sa reconstitution micropolitique.

(3) Deux entités seront dites en chevauchement lorsqu’elles ont des parties en commun ; deux entités coïncide lorsqu’elles occupent des régions de l’espace qui se chevauchent.

(4) Un exemple de partie non camouflée (non chevauchée) appartient seulement à x ou à y. Lorsque la partie « non camouflée » appartient simplement à y :

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x chevauche y de manière interne, quand :

IO(x,y) = df ∃z (IPt(z,x) ∧ IPt(z,y))

x est une partie interne de x, et quand :

IP(x,y) = dfPt(x,y) ∧ ¬ TPt(x,y) et TP(x,y) = dfPt(x,y) ∧ ∃z (At(z,x) ∧ At(z,y)), x est une partie tangentielle de y.

 

 

(A SUIVRE) 

 

 

 

06/03/2007

MERDRE !

« Il ne s'agit plus d'imitation, ni de redoublement, ni même de parodie, mais d'une substitution au réel des signes du réel, c'est-à-dire d'une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire, machine signalétique métastable, programmatique, impeccable, qui offre tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties. » (Baudrillard)

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« Invité en mars 1987 au Whitney Museum puis à Columbia, pour deux conférences dont les milliers d’artistes new-yorkais s’arrachent les places – au point que Collins et Milazzo ont l’idée parodique d’organiser au même moment un "anti-Baudrillard show" –, l’auteur de Simulacres et simulation y déclare de but en blanc qu’il ne peut pas y avoir une école simulationniste parce qu’on ne peut pas représenter le simulacre. Il refuse sa paternité au nouveau mouvement et dénonce même, indirectement, cet usage littéral d’un concept mobile, retors, par définition inapplicable – une "trahison" qui laisse à nouveau orphelins les artistes new-yorkais subjugués par Baudrillard, et fait aussitôt les gros titres de la presse d’art. Pareil malentendu est riche de leçons. Le mot simulation est devenu ainsi en quelques années le sésame du monde de l’art new-yorkais, et l’une des clés de la culture américaine, comme l’avait été déjà celui de déconstruction. Mais là où Baudrillard y voyait un régime du signe succédant à celui de la représentation, advenu à la place de la représentation, les artistes américains en ont fait un autre mode de représentation, une étape nouvelle dans l’art moderne – qui leur permit d’imiter le monde marchand sans y être inféodé, de se jouer des mêmes illusions sans y succomber, compromis éthique et politique aux antipodes de la pensée foncièrement apolitique de Baudrillard. » (Cusset)

 


podcast

 

Jean Baudrillard, décédé aujourd'hui à l'âge de 77 ans, était membre du Collège de 'Pataphysique depuis l'âge de 18 ans. A notre connaissance, il était même Satrape, et, par conséquent, de droit, Grand-Maître de l'Ordre de la Grande Gidouille.

 

R.I.P.



 


03/03/2007

Pica pica

« Des vols émeraudés, sous les arbres, circulent » (Verhaeren)

*

« Quel était le titre de l’opéra dont parlait le journal tout à l’heure ? » (Hergé)

 

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A la suite du paradoxe de Hempel, voici l’exposition d’un autre paradoxe de l’induction, celui de Goodman, dit aussi des « émeraudes vleues », paradoxe qui approfondit le premier, et dont j’adapte ici la terminologie pour la circonstance.


Créons un néologisme : « bloir ».  C’est un prédicat que l’on attribue à toute chose qui est noire et a été observée à l’instant t, ou est blanche et n’a pas encore été observée en t.

Jusqu’en t, toutes les observations de corbeaux se révèlent être des instances de l’énoncé général : « Tous les corbeaux sont noirs ». Il est à noter que, par définition, tous les corbeaux ont donc aussi été bloirs.

Le raisonnement par induction conduirait à affirmer que les observations futures confirmeront que les corbeaux sont noirs. Toutefois, dans le passé, ils furent aussi bloirs, ce qui implique que les corbeaux seront blancs demain, et donc qu’ils ne seront pas noirs.